Abdelaziz Bouteflika est apparu, hier mercredi, à la télévision, pour la première fois depuis son évacuation d'extrême urgence, à l'hôpital militaire français du Val-de- Grâce. Les Algériens ont eu droit à presque deux minutes d'images mais sans le son, diffusées en ouverture de tous les journaux télévisés de l'ENTV, à partir de celui de 17h. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Les images ont été pourtant prises la veille, à l'institution militaire des Invalides de Paris où Bouteflika poursuit sa convalescence, à l'occasion de la visite que lui rendaient, mardi dernier, le Premier ministre Abdelmalek Sellal et le chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah. Ces images ont fait l'objet d'une attention particulière de la part d'une cellule spéciale installée au niveau de la présidence. D'où tout ce temps pris avant la diffusion finale. En position assise, entre Sellal et Gaïd Salah, Bouteflika «refait surface» sur l'écran de l'ENTV qu'il n'avait jamais quitté depuis avril 1999, dans une posture qu'il aurait certainement souhaité s'épargner : vêtu d'une robe de chambre, Bouteflika donne l'image d'un Président très fatigué. Le geste est lent. Le réflexe aussi. Comme lorsque Abdelmalek Sellal lui tendait une petite assiette pour se servir un gâteau. Un geste certainement préparé à dessein, car connaissant la rigueur du protocole présidentiel, même Sellal ne se serait jamais permis une telle «entorse», à plus forte raison dans cette circonstance-là. Or, Bouteflika prend le gâteau, mais pour le déposer d'abord. Avant de se rappeler qu'il fallait, au contraire, s'en servir pour montrer aux Algériens qu'il était encore en possession de toutes ses facultés, comme manger ou prendre son café, tout seul. Tout est question d'images en effet et rien que cela, dans toute cette histoire. D'abord dans le choix de ses visiteurs de marque, Sellal et Gaïd Salah, autrement dit le plus haut responsable civil et le chef de l'armée respectivement. Il fallait montrer que le chef de l'Etat est toujours soutenu par l'ensemble des institutions, l'armée comprise, Outre le besoin impératif de montrer un Bouteflika toujours en vie, au moment où les spéculations les plus folles sur son état réel allaient s'amplifiant depuis quelques jours, le pouvoir avait, aussi, cet autre besoin non moins important pour lui de montrer un homme toujours aux commandes. Au point de donner «ses instructions» selon Sellal, sur la loi de finances complémentaire, la préparation du mois de Ramadan et même ... la saison estivale ! Mais au-delà de l'image, c'est, en réalité, du temps que les uns et les autres en ont le plus besoin. Avec les déplacements de Sellal et de Gaïd Salah chez Bouteflika, sur les lieux mêmes de sa «réadaptation fonctionnelle», l'on a voulu préparer l'opinion à une chose bien précise : le séjour parisien de l'homme se prolongera davantage encore. «Il ne rentrera pas avant le mois de Ramadan, au moins», nous confie-t-on de très bonne source. Aussi, et si le pouvoir n'ignore pas que les images diffusées hier ne manqueront pas de faire débat, pour lui, c'est déjà ça. Cela lui permettra au moins de justifier la non-application du fameux article 88 de la Constitution portant sur l'empêchement. Un cas de figure qui constitue une véritable hantise en haut lieu. Pour le reste, c'est quelques mois de gagner : du moins, de quoi passer la période estivale. Bouteflika n'a-t-il pas l'habitude de «s'éclipser» pendant des mois, même en période ordinaire ? Il l'avait déjà fait entre décembre 2009 et mars 2010.