Nich�s au pied de l'immense et majestueuse falaise du "Petit Perdreau" du haut de ses 1200 m�tres d'altitude, Boudgh�ne, "le pueblo", domine toute la ville de Tlemcen, en balayant l'horizon nord jusqu'� la M�diterran�e. L'histoire de ce ghetto est passionnante. A Tlemcen, il suffit de demander o� se trouve Boudgh�ne et on vous indiquera finalement la direction du plateau de la Sainte-Lalla- Setti ou de la Sainte-Marie. Qui ne conna�t pas ce quartier populaire qui a tant fait parler de lui ? Autrefois, on l'appelait "Grottes Boudgh�ne" (Ghirane Boudgh�ne). C'est du temps de l'administration coloniale. Aujourd'hui, on lui a trouv� une autre appellation, un peu plus d�cente. Boudgh�ne est devenu "Le Mexique". Abritant plus 40 000 �mes et symbolisant tant de mis�re et de sacrifices face aux chics quartiers de Tlemcen, "Le Mexique" reste un quartier r�serv� exclusivement � cette frange de la population fid�le � la tradition du "nif". Ce quartier des damn�s pendant la nuit coloniale, �tait le pied � terre de tous les exil�s fuyant la campagne. Tout le monde se rappelle l'exode des ann�es 1970. Bien que r�put� dangereux � l'�poque, Boudgh�ne, le proscrit accueillait tout le monde. Si aujourd'hui, "le Mexique" pr�sente une fa�ade un peu moderne � certains endroits, il est rest� un v�ritable mus�e de la r�sistance, � d�couvrir. Il suffit de s'aventurer dans ses ruelles �troites, de jeter un regard sur les vieux murs d�labr�s des chaumi�res datant du si�cle dernier, pour savoir qu'il y a encore des gens qui vivent � mille lieues du monde civilis�. L'automne 54 C'est effectivement, au d�but de ce si�cle que les premiers gourbis furent construits au pied de Lalla-Setti. Plus tard, ces taudis furent g�n�reusement dot�s d'un nom : Boudgh�ne. On lui doit cette appellation gr�ce � une honorable famille de Tlemcen qui n'est autre que celle du colonel Lotfi, h�ros de la R�volution tomb� au champ d'honneur � B�char. D�s le d�but de la R�volution en 1954, Boudgh�ne allait sortir d�finitivement de l'anonymat et devint le fief imprenable des fida�s de la r�gion. L'administration coloniale, s'est vite rendu compte que ce quartier allait lui donner du fil � retordre. C'est alors que le triste et c�l�bre Salinas, chef de la SAS, lui consacra tout un programme r�pressif. Les premiers barbel�s entourent Boudgh�ne d�s 1956. Nul ne pouvait entrer ou sortir de ce ghetto du maquis r�volutionnaire sans �tre fouill� et fich� par la garde mobile et les "Saligu�nes", (nom donn� au corps exp�ditionnaire s�n�galais). Quartier de jeunes fougueux, rares sont ces jeunes qui ont surv�cu au-del� de leur 20 ans. Les noms des chouhada se murmurent de bouche � oreille contre l'oubli. Les ruelles et derbs sont baptis�s par les souvenirs silencieux. Dans l'ex-tahtaha, on a certes, �rig� une grande mosqu�e, mais par l'ombre d'une minuscule st�le � la m�moire de ceux qu'on fusillait � l'aube. A l'heure o� le muezzin lan�ait son premier appel � la pri�re, on savait que quelqu'un allait mourir, les maquisards �taient fusill�s dans le silence du mont Bouhanak avant que n'apparaissent les premi�res lueurs de l'aurore. Qui se souvient aujourd'hui de Oued El-Saf, de Nehari, de Fahchouch et Mohamed- Seghir, ce dernier est tomb� au champ d'honneur � Djebel El-Kaddous, ces jeunes au visage imberbe savaient jouer aussi de la grenade et du 6,35 ? En mourant � l'�ge de 20 ans, ils ont tenu une promesse ne jamais porter l'uniforme fran�ais (service militaire). Boudgh�ne � l'instar de tous les quartiers populaires du pays, a fait offrande de sa jeunesse � la r�volution. 40 ans apr�s l'ind�pendance, ce quartier populaire est rest� le m�me, fid�le � ses enfants et � ses traditions. Certains de ses habitants n'ont jamais quitt� les lieux, ils sont l�, t�moins du pass� comme du pr�sent. Dans les ann�es 1970, ce faubourg �tait d�sign� comme le fief de la p�gre tlemc�nienne, r�put� dangereux. Nul n'osait s'y aventurer. Ce fut tout simplement de l'intox, car certains voulaient tout simplement raser Boudgh�ne. En fait, c'est l� une vielle id�e ch�re au colonialisme, car en 1958, les autorit�s coloniales avaient projet� la destruction du douar et d�porter sa population. Je me souviens de cette journ�e de deuil, dans les ann�es 1970. Le journal El Moudjahid annon�ait dans ses colonnes que "le faubourg Boudgh�ne sera ras�". Mais c'�tait compter sans le "nif" de ses habitants. Ceux qui convoitaient ce site merveilleux pour implanter de luxueuses villas se sont lourdement tromp�s. M�me aujourd'hui, les jeunes sont souvent index�s, ils se sentent frustr�s, Boudgh�ne n'a pas offert que des d�linquants � la ville de Tlemcen. Des m�decins, des universitaires sont issus de ce ghetto accabl� de tous les maux et victime de tant de pr�jug�s. Il est vrai que les choses ont quelque peu chang�, depuis que le petit club de football, le CR Boudgh�ne, a offert une ossature en or au Widad de Tlemcen, Brahimi, l'ex-goleador du WAT et de l'�quipe nationale, est un pur produit de Boudgh�ne. El Pueblo, reste ce haut lieu de fait d'armes. Il est en quelque sorte, la Casbah tlemc�nienne qui �tait au rendezvous de novembre 1954. Quelque part sur le plateau du "Petit Perdreau", deux grandes dames veillent sur Boudgh�ne. Lalla-Setti et la Sainte-Marie (Lalla Meriama). 50 ans plus tard, Boudgh�ne reste le symbole d'une jeunesse qui s'est sacrifi�e sur l'autel de la R�volution, pour la libert� et la dignit�. En ce 50e anniversaire du d�clenchement de la R�volution, nos pens�es vont vers ceux qui sont partis en laissant un lourd h�ritage � toute une g�n�ration qui n'est pas pr�s d'oublier. Nous pensons aux rares survivants de l'�poque, notamment � ces grands r�sistants : Abderrahmane et Kouider Kacimi, les rescap�s du couloir de la mort qui furent les compagnons de Mohamed Seghir, tomb� les armes � la main et qui repose en paix dans une tombe anonyme � Djebel El-Kaddous sur les hauteurs de Tlemcen.