Petr Sourek, 39 ans, est philosophe, traducteur et directeur de théâtre, mais il est aussi un entrepreneur qui ne manque pas d'humour. Renouant avec l'esprit de dérision qui avait disparu après la chute du communisme en 1989, il a créé à Prague CorruptTour, la première agence de voyages spécialisée dans la visite des «monuments de la corruption». Après bientôt un an d'existence, plusieurs milliers de touristes locaux et étrangers ont participé à ses visites guidées, où on découvre les villas clinquantes des parrains tchèques, les édifices pharaoniques aux coûts faramineux des maires peu scrupuleux, ou les équipements publics mégalomanes construits par les «copains» des hommes politiques, mais restés désespérément vides ou inutilisés. Et le succès de son entreprise ne se dément pas : chaque mois, Petr Sourek affrète plusieurs autocars pour découvrir l'envers du décor de la transformation économique tchèque dans différentes langues, à Prague, mais aussi dans la célèbre cité balnéaire de Karlovy Vary ou la ville industrielle d'Usti Nad Labem, sur les rives de l'Elbe. «Le meilleur du pire» Avec pour slogan commercial «Découvrez le meilleur du pire», CorruptTour n'a pas pour ambition de détrôner les tours opérateurs classiques qui font déferler des hordes de touristes dans les rues de Prague. Petr Sourek s'adresse à ceux qui veulent en savoir un peu plus sur le pays actuel que juste admirer les palais baroques et les ruelles de la vieille ville. «Lire des informations sur les affaires de corruption, c'est bien ; mais voir de ses propres yeux, c'est encore mieux», dit-il pour expliquer sa démarche. Et renouant avec l'ironie qui irrigue son concept, il ajoute : «L'idée était d'inverser la situation classique, où la corruption se nourrit des affaires, en créant un business qui se nourrit de la corruption.» Ainsi, pour la modique somme de 15 ou 30 euros, selon le parcours, le visiteur plonge dans une réalité qui a valu à la République tchèque de dégringoler ces dernières années dans tous les barèmes mesurant la corruption mais aussi sa compétitivité : elle se situait au 54e rang de l'indice de Transparency international en 2012. Si le ton humoristique est de règle dans les commentaires de visite, comme sur le site Internet de réservation et de vente de produits dérivés (Corrupttour.com), CorruptTour est un vrai projet entrepreneurial qui doit s'autofinancer. Si Petr Sourek et ses amis, qui animent l'agence, n'ambitionnent pas de faire fortune grâce à elle, ils espèrent bientôt recouvrer leur mise de départ (plusieurs milliers d'euros) et se payer le temps passé à rassembler les informations et concevoir des visites bien documentées.