L'instruction de l'affaire Cnan a entamé le mois de mai dernier sa dernière ligne droite. Le rapport d'expertise élaboré par deux experts, en l'occurrence Benkouider Abdelkader et Chemli Moussadek, a été transmis au juge instructeur de la septième chambre du Pôle judiciaire spécialisé du Centre. Ce dernier, en date du 26 mai dernier, était destinataire d'un rapport de douze pages inscrit sous la référence d'instruction n° 11/0008. Abder Bettache - Alger (Le Soir) L'expertise a fait ressortir quatre dysfonctionnements dans la gestion de l'entreprise Cnan durant la période allant de 2002 à 2005. Le premier et le deuxième sont relatifs aux consultations sur la gestion des arrêts techniques des navires et les attachements des contrats, au nombre d'une trentaine, relatifs aux affrètements des navires avec les entreprises étrangères, Progress Bulk Cariers et Great Hope. Les troisièmes et quatrièmes dysfonctionnements relevés dans le rapport d'expertise ont trait «aux procédures suivies dans la vente des navires à compter de 2004 et les conditions ayant précédé la création de la joint-venture IBC». En guise d'introduction, les rédacteurs du rapport ont fait état de leur déplacement tant au niveau de l'entreprise Cnan et ses filiales qu'à la SGP Gestramar en charge de la gestion du portefeuille des entreprises maritimes. La même source a ajouté que «toutes les facilitations ont été accordées pour l'exécution de la mission dont on avait la charge». Ainsi, les deux experts agréés auprès de la cour d'Alger ont identifié cinq axes d'évaluation, dont les deux plus importants concernent les procédures mises en place dans la vente des navires et le rapatriement de la devise et le manque à gagner du groupe Cnan au sujet de son association avec CTI Group. Consultations limitées Dans la partie réservée aux arrêts techniques des navires, le rapport d'expertise a révélé que l'étude des procédures arrêtées à cet effet a fait état de la «limitation des consultations aux zones portuaires où accostaient les navires et que la liste des navires concernés par ces arrêts techniques était gérée par moyen de fax ou par voie postale». La même source cite en exemple le cas du cargo Nedroma. Selon d'autres sources, le rapport a notamment travaillé sur la base d'informations selon lesquelles, certains navires du groupe Cnan ont connu des dégradations profondes, ce qui a contraint par la suite les responsables du groupe à entamer «plusieurs opérations de réparation de ces navires à l'étranger à des coûts onéreux et en violation du code des marchés publics». «Ces opérations auraient grevé le budget de l'équipement de la compagnie et mis à mal son équilibre financier», expliquent des experts. Concernant les arrêts techniques proprement dit, il est indiqué dans le rapport d'expertise que les «attachements de contrat étaient au nombre de 30 et que les opérations d'entretien ou d'affrètement étaient assurées respectivement par les compagnies maritimes Great Hope Shipping et Progress Bulk». Les rédacteurs du rapport ont conclu qu'il «existe des attachements-contrats qui sont supérieur, inférieurs ou égaux au deux tiers du contrat originel». Une situation qui a soulevé des réserves de la part des deux experts. «Les coûts des prestations assurées par Progress Bulk et Great Hope Shipping sont de l'ordre respectivement de 6 442 515,13 dollars et 200 000 euros pour les frais de justice et autres enregistrements judiciaires», lit-on dans le rapport, dont le Soir d'Algérie détient une copie. Surfacturations Les deux autres axes identifiés par le rapport d'expertise concernent les conditions portant création de la joint-venture IBC et le contrat conclu en 2007 avec le groupe Gofast/Aigle Azur. Le rapport rappelle que IBC est une entreprise de droit algérien, née d'une association entre le Saoudien Ghait Rashad Pharaon, Laradj, un Algérien établi en Jordanie, et Cnan Group. La Cnan entre dans le capital d'IBC à hauteur de 49% en mettant dans la cagnotte les navires Aïn Temouchent, El Hadjar, Nedroma, Nememcha, Blida, Djbel Ksel et Djbel Rafia. L'homme d'affaires saoudien décroche 49% grâce à l'apport financier et 2% pour M. Laradj. Ce montage devait, normalement, permettre à l'Algérie de détenir 51% du capital d'IBC. Mais très vite après la conclusion de cet accord, une société, Leedarwo, va voir le jour à Panama. Son capital social ne dépasse pas 1 000 dollars US. Pourtant, IBC va mettre à sa disposition les navires et à charge pour Leedarwo de les mettre à son tour sur le marché mondial de l'affrètement. La même source parle de surfacturation avec la complicité de CTI Group, qui revendique aujourd'hui du Group Cnan le paiement d'autres créances qui n'ont pas été déterminées. L'autre point relevé par l'expertise est celui qui concerne l'homme d'affaires franco-algérien, patron du groupe Gofast. Selon le rapport d'expertise, le Group Cnan a subi un préjudice de 219 843 683 DA suite au contrat conclu avec le group Gofast/Aigle Azur dans le cadre de l'exploitation de la ligne maritime Alger-Marseille à travers sa filiale CML. Pour rappel, dans cette affaire, trente-trois personnes sont poursuivies pour les chefs d'inculpation de «dilapidation de deniers publics», «passation illégale de marchés», «corruption», «trafic d'influence» et «violation de la réglementation relative aux mouvements de capitaux de et vers l'étranger». Des chefs d'inculpation relevant des articles 26, 29, 32 et 33 de la loi 06/01 relative à la lutte et à la prévention contre la corruption et les articles 119 bis et 175 du code pénal. A. B.