Au crépuscule de sa vie et au bout d'un parcours révolutionnaire que personne, pourtant, ne lui dénie, Yacef Saâdi multiplie des sorties pour le moins surprenantes et mystérieuses. M. Kebci - Alger (Le Soir) Après avoir accusé, en janvier dernier, Zohra Drif-Bitat d'avoir «donné» Ali La Pointe aux paras français, avant de se ressaisir quelques jours plus tard, Yacef Saâdi remet ça. Cette fois-ci, sa «cible» n'est autre que celui que plus d'un qualifie de l'une des «icônes» du long mouvement de libération nationale du joug colonial français, Larbi Ben M'hidi. Dans un long entretien en partie entamé hier dans les colonnes du quotidien arabophone Echourouq, Yacef Saâdi n'a pas hésité un instant à soutenir que «Larbi Ben M'hidi n'a pas tiré une seule balle de sa vie contre le colon». Ceci quoiqu'il reconnaisse à l'illustre fondateur du Comité révolutionnaire d'unité et d'action en compagnie de huit de ses compagnons, sa sagesse. «On le nommait le sage, il était à Oran et n'a jamais travaillé à Alger. Je l'ai rencontré là pour l'informer d'une réunion des dirigeants de la Révolution pour faire l'évaluation de la Révolution depuis son lancement. Il était membre du CCE (Comité de coordination et d'exécution. Il n'a jamais tiré une balle de sa vie contre le colon.» Mais à quelle logique obéit cette sortie de Yacef Saâdi et en ce moment précis ? Surtout que le concerné, dont les répliques et les citations ont désarçonné jusqu'à ses propres tortionnaires et bourreaux, était plus un politique, un guide comme nombre de ses semblables dont notamment Abane Ramdane et Krim Belkacem, dont il partageait les idées. Yacef Saâdi, qui est revenu sur les circonstances de l'arrestation de Rabah Bitat dans un café de la Casbah, sur trahison d'un certain adjudant qui les a infiltrés et qui leur a fait miroiter tout un plan d'acheminement de l'armement à partir de la Tunisie, a soutenu que c'était lui qui avait convaincu Abane, Krim, Bitat, Débaghine et Ouamrane de surseoir à leur décision d'«isoler» la capitale de la révolution armée, rattachée qu'elle était à la Wilaya IV historique. «J'ai désapprouvé cette décision estimant que la capitale se devait d'être parmi les villes où les actions militaires devaient être intensifiées. Je leur disais : vous vous trompez : il faudra se concentrer sur Alger car les informations sur la Révolution seront rapidement répandues dans le monde entier et c'est là notre but. A contrario, si nos actions se limitaient aux seules montagnes et aux wilayas de l'intérieur du pays, personne n'en serait au courant. Mais j'ai bien fini par les convaincre de mon point de vue et ils m'ont invité à compter sur Dieu.» Et c'est ainsi qu'Alger est devenue zone autonome subdivisée en trois zones : la première d'El Harrach au 1er-Mai, la seconde du 1er-Mai à la Casbah et la troisième de la Casbah à Bab-el-Oued au début de la guerre de Libération.