A peine 48 heures après les heurts qui ont opposé des délinquants spécialistes du marché informel et les agents de police venus les déloger des trottoirs et de la voie publique qu'ils squattaient, Annaba recevait, samedi dernier en fin d'après-midi, Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication et ancien ambassadeur. C'était au Centre de documentation des droits de l'Homme (CDDH) où était également représentée au titre de coorganisateur l'Association Annaba citoyens responsables en action (ACRA). Invité par le Dr Kamel Daoud, le responsable local du CCDH, l'ancien ministre a animé une conférence-débat sur le concept moderne de citoyenneté. Du monde, il y en avait beaucoup. Ce sont majoritairement des universitaires, des avocats, des médecins, des représentants de partis politiques et d'associations de la société civile, des étudiants et des gens de la communication. «Concept de la citoyenneté moderne», était un thème que Abdelaziz Rahabi paraissait maîtriser au mieux. Et pour cause, la vision de saleté permanente de nos villes et villages, l'incivisme des citoyens et le laisser-aller des responsables chargés de la gestion des collectivités locales. Il dira que le débat sur la citoyenneté est un débat sur l'homme, sur sa formation et sur sa contribution dans la vie de la cité. Pour le conférencier, il n'y a plus de hiérarchie de valeurs dans le pays. «La dépréciation du savoir au détriment du politique et des affaires a tout faussé. Les élites rendues dociles et frileuses n'arrivent plus à prendre leurs responsabilités pour imposer un règlement des problèmes de la société. Prenant l'exemple des «élus» du Parlement, l'ancien diplomate estime qu'au lieu de contrôler la politique du gouvernement et poser les véritables préoccupations citoyennes, ces derniers se comportent comme le prolongement de l'exécutif. Il dira également qu'aucune société civile ne peut évoluer sans une presse libre qui constitue un contre-pouvoir, précisant que cela ne veut absolument pas dire «contre le pouvoir». Et pour empêcher toute équivoque, il a souligné que «le contre-pouvoir a un rôle d'équilibre». Le concept de liberté est lié par l'animateur à l'indépendance. «Sinon pourquoi avoir sacrifié le dixième du peuple dans une guerre de libération pour l'empêcher ensuite de jouir de son indépendance qui veut dire liberté ?» L'évolution du pays est tributaire d'une décentralisation, selon Abdelaziz Rahabi, qui affirme que le système applique a confectionné un duplicata à toutes les wilayas au lieu d'instaurer une saine compétitivité entre elles. Ayant apporté son soutien au candidat Ali Benflis lors des dernières présidentielles, Abdelaziz Rahabi trouve que le système politique algérien est dépassé. «L'Algérien ne conçoit la politique que comme moyen pour régler ses problèmes. Le rapport de confrontation entre le pouvoir et la société civile est imposé par ce dernier. Il utilise tous les moyens dont il dispose pour empêcher les journalistes d'exercer leur devoir envers la société civile, a-t-il fait savoir. Un débat s'est instauré à l'issue de l'intervention d'Abdelaziz Rahabi. Il a notamment porté sur l'élévation de la conscience politique des citoyens, la défense de la liberté d'expression à travers un soutien aux gens des médias. «Avec tous ses défauts, la presse algérienne n'atteint pas le dixième de ceux du pouvoir», tient à préciser Abdelaziz Rahabi, en réponse à une question. Prenant la parole à la clôture de la rencontre, le responsable du CDDH de Annaba a estimé que la première qualité de Rahabi, c'est son courage politique, avant d'inviter les citoyens de la quatrième ville du pays à rejoindre son initiative pour redonner au mot citoyenneté tout son sens. «L'action de chacun de nous est demandée pour modifier le comportement des gens et redonner à la cité son lustre d'antan.» Dans le communiqué émis par le CDDH à cette occasion, il est mentionné qu'«à Annaba, manifestement, la vie citoyenne a besoin d'être activée tant la dégradation des espaces publics a atteint un niveau intolérable. Ce qui a amené chacun à se réfugier dans son espace privé, à se désintéresser de l'espace public et à observer avec tristesse, parfois avec colère, l'invasion des ordures partout et des routes défoncées et abandonnées».