Par Kader Bakou Occupé à jouer durant la journée, Hocine ne pense pas beaucoup à ses parents. Mais la nuit, il pleure souvent. Les gens parlent de la guerre, quelque chose que l'enfant ne connaît pas. La plupart du temps, c'est après avoir vu passer un avion qu'ils se mettent à parler de «el guirra» avec inquiétude. Hocine se rappelle un jour que l'inquiétude était plus grande car les avions qui ont survolé la petite ville étaient plus nombreux. Mais lui, jusqu'à aujourd'hui, plus de cinquante années après l'indépendance, il ne se rappelle presque rien de la guerre dans cette petite ville : pas une seule scène de violence, ni le bruit d'une explosion, ni même le moindre coup de feu. Au djebel, c'est différent. Les rebelles, civiles ou armés, se cachent le jour et ne se déplacent que dans le noir protecteur de la nuit. Les avions «mouchara» (mouchard) et «safra» (parce que de couleur jaune), les hélicoptères «banana» (la banane, à cause de sa forme) ne laissent aucun répit aux moudjahidine. Les militaires français sont venus un jour à l'improviste dans un petit village où se trouvait la mère de Hocine. Les villageois sont réunis manu militari dans un endroit à découvert. Les vérifications des papiers commencent. Ceux qui n'ont pas les papiers nécessaires sont parqués près d'un gros rocher. La mère de Hocine n'a pas de papiers «français». Elle prend son bébé dans ses bras et se dirige calmement vers la fontaine. Elle donne à boire à son enfant, lui lave le visage puis se dirige tout aussi calmement vers le groupe de villageois qui ont les papiers en règle. Les soldats français n'ont rien dit croyant sans doute que cette femme au teint clair et au visage constellé de taches de rousseur portant dans ses bras un bébé aux yeux clairs et à la chevelure brillante comme de l'or au soleil, est «européenne». (A suivre). K. B.