Abdelaziz Bouteflika présidera, demain mardi, au siège de la présidence de la République à El-Mouradia, une importante réunion de crise, peut-être la plus décisive de ces dernières années. Il s'agira effectivement d'examiner la très préoccupante situation induite par la chute brutale des prix du baril de pétrole. C'est ce que nous révèle une source sûre. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) Cette réunion restreinte regroupera, autour de Bouteflika, son directeur de cabinet Ahmed Ouyahia, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le ministre d'Etat ministre de l'Intérieur, ainsi que tous les ministres directement concernés par cette question. A savoir, les ministres de l'Energie, des Finances, de l'Industrie, du Commerce, de l'Agriculture, et tous ceux, parmi les membres du gouvernement, qui dirigent des ministères «actifs» comme les Travaux publics, les Transports, etc. D'autres hauts responsables prendront part certainement à la réunion comme le gouverneur de la Banque d'Algérie ou le président-directeur général de Sonatrach. «Contrairement à ce qui se dit en public, la situation inquiète sérieusement le pouvoir. Il ne peut en être autrement quand, en quelques semaines seulement, le pays a perdu pas moins de 50 % de ses rentrées en devises. C'est d'autant plus préoccupant que cette tendance baissière semble irréversible. En tout cas, elle est appelée à s'installer dans la durée», nous confie-t-on de même source. Toutes les prévisions sont pessimistes quant à voir cette tendance s'inverser. «Certes, le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, a été dépêché auprès des pays du Golfe, chez les Emiratis et surtout les Saoudiens dans une ultime tentative de persuader ces derniers notamment de faire baisser leur production, mais en réalité, sans se faire trop d'illusions, les Saoudiens ayant clairement signifié à maintes reprises leur refus de revoir leur quota Opep à la baisse.» Dès lors, l'Algérie est parmi les pays les plus vulnérables et les plus exposés à subir, de plein fouet, cette crise des cours des hydrocarbures. «Les dirigeants du pays ont pris conscience de la gravité de la situation et, déjà, la semaine dernière, le Premier ministre à eu à présider deux réunions successives pour traiter de cette même question. L'une le lundi 15 décembre sous la forme d'un Conseil interministériel et l'autre, deux jours plus tard, le mercredi 17 décembre en Conseil du gouvernement.» Selon toujours notre source, ces deux réunions où il était question d'une loi sur le cadrage budgétaire à la lumière de la chute des prix du pétrole ne suffisent pas au regard des décisions cruciales qu'il y a lieu de prendre. «Il ne s'agit pas seulement de revoir certaines dispositions ou dépenses à court terme prévues notamment dans la loi de finances pour 2015. Il s'agit désormais d'une révision à long terme des ambitions affichées à travers le gigantesque plan quinquennal, 2015- 2019, dont le montant est de 286 milliards de dollars. En d'autres termes, il est impératif de procéder à des coupes budgétaires significatives, à l'annulation pure et simple de certains projets qui ne sont pas absolument indispensables, à des arbitrages parfois très difficiles entre secteurs, ce que ne peut décider que le président de la République en personne.» Lors de la réunion de demain, il sera aussi question de « modérer» quelque peu le train de vie de l'Etat, ainsi que d'une révision désormais inévitable du dispositif lié aux importations. «L'on ne peut plus continuer à faire comme si de rien n'était et autoriser, avec les mêmes facilités qu'avant, des importations souvent inutiles et qui font saigner nos réserves en devises», ajoutera encore notre source. Tout cela, sans pour autant toucher aux acquis sociaux. «C'est une véritable ligne rouge chez Bouteflika. Il est hors de question, et il l'a clairement signifié au gouvernement, de provoquer, d'une manière ou d'une autre, le front social. Une agitation sur le front social est une hantise permanente chez lui, depuis 2011.» Cela s'est bien vérifié du reste, à plusieurs reprises, à travers des programmes spéciaux pour l'emploi, d'une générosité inédite dans le monde.