Par Zineddine Sekfali En moins de vingt-cinq ans, les armées américaines ont déclenché et conduit, en invoquant des casus belli parfois douteux, ainsi que nous le verrons ci-après, au moins trois guerres dévastatrices dans des pays qui ont en point commun d'être peuplés de musulmans. L'une de ces guerres est en cours depuis 2001 en Afghanistan, les deux autres ont eu lieu en Irak, alors qu'une quatrième vient d'être lancée sur le territoire de ce même Irak, envahi en 1990-1991 et militairement occupé par les Américains de 2003 à 2011. Un cinquième pays musulman est à son tour pris, depuis le 23 septembre 2014, dans la spirale des guerres conduites par les Etats-Unis ; il s'agit de la Syrie qu'une furieuse guerre civile de trois années a déjà transformée en un triste champ de ruines. La Russie a certes manifesté son opposition à toute atteinte à l'intégrité territoriale de la Syrie. Mais empêtrée – voire même piégée — dans l'affaire ukrainienne, la Russie semble avoir perdu le mordant et la combativité dont elle a fait preuve ces trois dernières années, à propos précisément de l'affaire syrienne. Et il est fort à craindre que la Libye voisine ne devienne, à son tour, un nouveau et effroyable champ de bataille pour les Américano-Européens. Devant le fatras des informations qui tombent, des prises de positions politiques qui sont proclamées, de la recrudescence du terrorisme islamiste dans le monde arabe, et par-dessus tout de l'apparition de cet OVNI lourdement et puissamment armé nommé Daech, le moment semble venu de procéder, d'une part, à un point de situation et, d'autre part, tenter d'esquisser, en raison de l'ampleur et de la gravité des périls mortels qui menacent hic et nunc, le monde arabo-musulman dans sa totalité, de tenter d'esquisser des pistes de réflexion en exposant quelques éléments de réponse objectifs à ces deux questions qui taraudent les esprits : à qui profitent ces guerres à répétition et quels en sont les résultats pour les peuples musulmans ? Je traiterai donc ci-après, successivement, des deux guerres contre l'Irak, puis de la guerre menée à partir de 2001 en Afghanistan contre Al Qaïda et les taliban, et enfin de la guerre en cours contre Daech et qui se déroule pour le moment en Irak et en Syrie, deux Etats qui, malgré les apparences, sont en complète déliquescence, voire même au bord du chaos. I- Les guerres américaines contre l'Irak La première guerre conduite par les Etats-Unis contre l'Irak s'est déroulée du 2 août 1990 au 28 février 1991. Elle fut rapide et courte, mais destructrice. Elle avait pour objectif de faire cesser l'occupation par l'Irak de son pays voisin, le Koweït. Il convient à cet égard de rappeler que l'Irak est aujourd'hui territorialement, à peu de choses près, identique à celui des croquis et plans établis conjointement par le diplomate français Picot et le diplomate britannique Sykes, chargés tous deux par leurs gouvernements respectifs de leur proposer un découpage de la partie arabe de l'empire ottoman accompagné d'un projet de répartition de ces territoires entre la France et le Royaume-Uni. Les propositions de ces deux diplomates furent validées par la Conférence de San Remo (avril 1920). La France recevait de la Société des Nations (SDN) un mandat sur la Syrie et le Liban. En arrivant à Damas pour prendre ses fonctions de haut représentant de la France au Levant, le général Gouraud prononça sur la tombe de Salah Eddine El Ayoubi (mort en 1193), qui avait libéré Al Qods (Jérusalem) et en avait chassé les croisés, ces propos revanchards et provocateurs : «Nous revoilà, Saladin !» Il y a des haines inextinguibles : celle qui tourmentait le général Gouraud en est une manifestement ! La Grande-Bretagne obtenait, quant à elle, un mandat sur l'Irak, la Palestine et la Transjordanie. Mais on sait que le Royaume-Uni avait précédemment donné son accord en 1916, dans une lettre de dix lignes pompeusement qualifiée de «Déclaration Balfour», pour la création, au cœur de la Palestine, d'un «foyer juif» qui deviendra plus tard Israël. On sait aussi que tout a été fait pour «autonomiser» le Kurdistan irakien, dont le sous-sol regorge de pétrole, avec le secret espoir qu'il se détachera à terme de l'Irak. Le Traité de Sèvres de 1920, contesté par le général Mustapha Kemal Atatürk, chef de la nouvelle République turque, qui le jugeait humiliant pour la Turquie, parvint à le faire remplacer par un autre traité, celui de Lausanne (1923), peut-être plus conciliant sur divers autres aspects mais qui néanmoins consacrait le partage proposé par les deux compères, Sykes et Picot. Tout compte fait, aux yeux des Arabes d'hier comme d'aujourd'hui, l'empire français et l'empire britannique, dont les appétits coloniaux étaient insatiables, remplaçaient l'empire ottoman, «l'homme malade de l'Orient», défait par la Première Guerre mondiale et supprimé ensuite par M. K. Ataturk. Le découpage et le partage du Moyen-Orient furent réalisés, il faut le rappeler, dans l'esprit de la Conférence de Berlin (nov. 1884- fév 1885), grande messe et colossal banquet, où les «hommes blancs» européens ont dessiné la carte de l'Afrique, se sont appropriés «à l'encan» des territoires plus étendus que leurs territoires dits «métropolitains», et soumis à leur joug les peuples noirs qui y vivaient. S'agissant du territoire de l'Irak, il faut encore rappeler que le général Kassem qui y prit le pouvoir en juillet 1958 après un coup d'Etat sanglant — le roi Fayçal II, sa famille et ses ministres furent en effet massacrés — avait, bien avant Saddam Hussein, contesté le rattachement au Koweït d'une partie de la province de Bassora. Moins de cinq années après sa prise de pouvoir, le général Kassem, marxiste avéré et ami proche de l'Union soviétique, fut à son tour renversé par un coup d'Etat militaire (janvier 1963) qui porta le parti Baâth au pouvoir. Au régime militaire, par nature autoritaire du général Kassem, succédait alors un régime dont l'idéologie baathiste, constituée d'un mélange d'arabisme, de panarabisme, de nationalisme, de dirigisme économique et de despotisme, va durant quarante ans mettre l'Irak sous une lourde chape de plomb. Aujourd'hui, on sait que la stabilité de l'Irak n'était qu'apparente, car sous la chape politico-policière du Baâth et de ses chefs successifs, la société irakienne, privée de liberté, inégalitaire et segmentée en tribus, ethnies et sectes, était traversée par de puissantes lames de fond et de sérieux remous qu'une implacable et sourde répression arrivait difficilement à contenir. Or, invité récemment à donner une conférence au Forum du quotidien national Liberté (16/09/2014), le politologue français Gilles Kepel a lié les convulsions qui agitent actuellement le Moyen-Orient arabe à la remise en cause par Daech de la carte des Etats de cette région, telle qu'elle a été établie par Sykes et Picot. C'est un point de vue, à mon avis, complètement erroné. On vient de montrer que les frontières Sykes-Picot de l'Irak et du coup du Koweït étaient contestées bien avant qu'apparaisse l'étrange phénomène «Daech». Ajoutons que la division de l'Irak en zones chiite et sunnite a été exacerbée par l'administrateur américain Bremer, dans l'intention plus que probable de susciter, à terme, des mouvements sécessionnistes et séparatistes dans les différentes provinces constitutives de l'Irak. Quant au «Kurdistan irakien» d'ores et déjà largement autonome, nul n'ignore que certains pays souhaitent qu'il devienne indépendant et qu'il intègre à terme en son sein les zones kurdes de la Turquie et de l'Iran, ce qui, on le devine aisément, va gravement déstabiliser ces deux grands pays musulmans. Il existe en effet en Iran et en Irak d'importantes minorités kurdes et il est évident que les Américains et les Européens ont de plus en plus nettement pour les Kurdes «les yeux de Chimène» ! Plaise au ciel qu'ils aient un jour ces mêmes yeux de Chimène pour les Palestiniens de Gaza, par exemple !... On sait aussi que le régime baathiste de Damas considère le Liban comme le prolongement naturel de la Syrie. Des troupes syriennes ont occupé à une certaine époque une partie du Liban et le régime de la dynastie Assad a toujours cherché à exercer, sur ce pays, une sorte de tutelle politique. Mais comme pour contrer les velléités expansionnistes syriennes, il circule depuis quelques années — en tout cas bien avant l'apparition de Daech — dans la presse internationale politique des cartes pour un nouveau découpage non seulement de l'Irak et de la Syrie, mais aussi de l'Egypte, de la Libye, et même de l'Arabie Saoudite... Quand d'aucuns cherchent à «balkaniser» le Moyen-Orient en le faisant éclater en plusieurs micro-Etats, voici que des hommes en armes, parfaitement inconnus et anonymes et qui se sont baptisés «jihadistes», pensent être en mesure de disposer du territoires de trois pays pour en faire un seul Etat, nommé «califat» par nostalgie d'une mythique période de l'histoire politique de l'Islam. Bien que l'acronyme de ce mouvement utilise le mot «dawla ou Etat», le monde s'est focalisé de suite sur celui de califat. Quant au chef de bande qui s'est autoproclamé «khalife» de ce «Daech» fantasmé, il nous rappelle davantage l'empereur Bokassa que les khalifes orthodoxes ou historiques comme Omar, Ali, Haroun Er-Rachid ou Al Mamoun, notamment. Mais souvenons-nous aussi que dès le début des années 1940, les frontières de la Palestine ainsi que l'existence de la Palestine elle-même étaient brutalement remises en cause par les groupes terroristes juifs, connus sous les noms de Hagana, Irgoun et Stern, dans les rangs desquels ont activé pratiquement tous les grands dignitaires d'Israël et du sionisme. La création d'un Etat juif, raciste, agressif, en constante expansion et visant à instaurer à terme le «Grand Israël», a eu l'effet d'un terrible séisme dans tout le monde arabe. Ses répliques ne se sont pas arrêtées. Depuis 1948, l'instabilité du Moyen-Orient est devenue chronique, entrecoupée de périodes de crises paroxystiques aiguës. Ainsi, il n'est pas exagéré de dire que le plus «grand facteur déstabilisateur commun» des pays du monde arabe d'Orient, c'est Israël. Cela est si vrai qu'il est tout à fait sensé de penser que Daech, à l'évidence entièrement voué à l'éclatement et à la destruction des Etats arabes, arrange les plans et les affaires d'Israël qui ne verrait pas d'un mauvais que le Moyen-Orient arabe sombre dans un chaos fatal... Dans les écrits publiés par les journaux occidentaux sur Daech et dans les débats organisés par les chaînes occidentales de télévision sur le même sujet, on n'a vu personne avoir le courage de rappeler, ne serait-ce que d'une courte phrase, l'action néfaste d'Israël sur la stabilité politique du Moyen-Orient. Pour revenir à la guerre d'Irak de 1990-1991, on doit d'abord noter que ce fut une guerre inachevée. A vrai dire, de nombreux observateurs étaient persuadés qu'elle ne saurait tarder à reprendre, car tous les comptes n'avaient pas été réglés avec le régime baâthiste de Bagdad. Ce régime aussi arrogant que borné fournirait lui-même, espérait-on, le casus belli qui permettrait de le défaire totalement. Le seul résultat positif auquel a abouti cette guerre est la récupération par le Koweït de son intégrité territoriale. En termes diplomatiques, on dira que cette guerre a consacré le principe de la primauté du Droit et permis le rétablissement de la légalité internationale. Mais cette guerre présentait quelques autres aspects qu'il est intéressant de souligner. Elle a en effet permis aux Etats-Unis de former une coalition de 34 Etats comprenant une dizaine de pays arabes parmi lesquels on trouve l'Egypte, la Syrie et l'Arabie Saoudite, ainsi du reste que des Etats musulmans comme la Turquie, le Pakistan et le Bangladesh, le Nigeria, le Niger et le Sénégal... La présence de pays arabes dans cette coalition a mis en évidence le fait que le temps des «unions arabes» et le temps des «fronts du refus» étaient révolus. On a bien compris aussi que les pays arabes n'éprouvent aucune réticence à s'allier aux Etats-Unis, ouvertement appuyés par d'anciennes puissances coloniales et plus discrètement par Israël, et acceptent de servir de forces d'appoint dans une guerre où l'ennemi est un pays arabe. De ce point de vue, on peut dire que cette première guerre d'Irak de 1990-1991 a sonné le glas de l'idéologie panarabe et du nationalisme arabe. On y a vu en effet le parti Baâth syrien combattre militairement le Baâth irakien aux côtés de puissances occidentales ! L'autre remarque à faire est que cette guerre a confirmé le rôle des Etats-Unis en tant que grand protecteur du Koweït et des Etats du Golfe, en lieu et place du Royaume-Uni qui fut jadis leur tuteur. En effet, les Etats-Unis qui avaient déjà posé pied au Moyen-Orient grâce à Israël ont confirmé avec fracas, à l'occasion de cette guerre, leur emprise désormais exclusive sur le Moyen-Orient arabe. La dernière remarque qu'il importe de faire est que bien qu'elle fût de courte durée, cette guerre de 1990-1991 provoqua en Irak comme au Koweït d'importantes pertes humaines et dégâts matériels. Pour l'Irak qui venait de sortir d'une stupide et très coûteuse guerre de huit ans contre l'Iran (1980-1988), les pertes furent considérables, tant en termes d'équipements et moyens militaires qu'en termes d'infrastructures civiles, qu'en pertes humaines. Un rapport de la mission de l'ONU envoyée sur les lieux en mars 1991 pour évaluer les besoins humanitaires de l'Irak décrivait l'état de ce pays comme «quasi apocalyptique». Par contre, les pertes de la coalition étaient quasi insignifiantes. S'agissant à présent de la deuxième guerre américaine contre l'Irak, elle devait, disait-on, détruire ou neutraliser le stock d'armes de destruction massive (ADM) détenues par ce pays, libérer les Irakiens de la dictature de Saddam Hussein, liquider les éléments d'Al Qaïda qui activeraient en Irak avec la complicité du régime baâthiste et instaurer la démocratie en Irak ! La guerre fut déclenchée le 20 mars 2003 et prit officiellement fin le 1er mai 2003. Elle ne dura donc qu'une quarantaine de jours, mais fut suivie d'une occupation militaire qui se poursuivit jusqu'à décembre 2011, soit durant presque neuf années. Cette guerre fut intensive et massive. L'armée irakienne et son fer de lance, la Garde républicaine, ont été totalement défaits, ses blindés quasiment tous anéantis et son aviation clouée au sol dès les premières heures de l'attaque. Alors que la propagande faisait accroire aux masses endoctrinées que l'armée irakienne était la quatrième du monde, si j'ai bonne mémoire, au point que certains baâthistes proclamaient publiquement qu'elle allait faire de «Bagdad, le Stalingrad de l'armée américaine !», il fallut vite déchanter. L'armée irakienne s'était comme évaporée dans la nature en moins de quatre semaines de combats. Les officiers et leurs troupes avaient déguerpi. Les dignitaires du régime avaient fui et se cachaient. C'était la débandade générale ou, pour rester dans les comparaisons historiques osées, la débâcle de l'armée irakienne fut une véritable bérézina ! On voyait sur nos écrans de télévision les GI's se balader sans risque dans les aéroports, les gares, les casernes, les palais, les ministères, les musées, les grandes entreprises et dans tous les lieux publics ! Cependant, alors que personne n'avait trouvé ni à Bagdad ni ailleurs quelque ADM que ce fut le monde entier se rendait compte que les photographies aériennes produites par les services secrets de renseignement américains et britanniques, et présentées le 5 février 2003 au Conseil de sécurité de l'ONU par le secrétaire d'Etat américain, le général Collin Powel, comme étant la preuve irréfragable de l'existence de ces ADM, n'étaient que des faux et que Colin Powell n'était qu'un fieffé menteur. La communauté internationale avait été victime de la part des autorités américaines et britanniques les plus hautes de la plus incroyable escroquerie politique ! Seuls le Premier ministre espagnol J. Aznar et le Premier ministre portugais J. M. Barroso, réunis en conseil de guerre à Madère avec G.W. Bush et T. Blair, avaient accordé foi à cette histoire d'ADM. Mais la vérité a fini par éclater : la deuxième guerre contre l'Irak, qu'on tentait de faire passer pour «une guerre préventive», ne fut en réalité qu'une «expédition punitive». Or, elle fut terriblement dévastatrice. Les pertes humaines ont été très élevées. Selon divers organismes, elles se situeraient entre plus de 110 000 et 600 000 victimes directes ou indirectes, qui étaient pour la plupart des civils. Durant les premiers mois de l'occupation du pays, l'Irak fut géré par l'ancien général américain Jay Garnier, qui en fait de gestion et d'administration ne s'intéressait qu'à une chose : la remise en marche de toute urgence des forages et des stations de pompage de pétrole et de gaz, endommagés durant les combats. Telle était la priorité fixée par les «faucons» qui peuplaient la Maison-Blanche, le Pentagone et le Congrès, autour desquels gravitaient, tels des rapaces, les lobbies et les affairistes. Jay Garnier fut remplacé en mai 2003 par un administrateur civil, Paul Bremer, diplomate et expert en terrorisme, titre étrange tant cette expression est ambivalente et ambiguë. Bremer prendra quelques mesures phares : le renvoi des officiers irakiens à leurs foyers, la dissolution du parti Baâth, et la nomination d'un conseil de gouvernement intérimaire local, sans grands pouvoirs. Il suffit pour s'en rendre compte de noter que le président de ce conseil devait changer tous les mois : il y a eu en effet 6 présidents entre juillet 2003 et décembre 2003. Bremer a quitté l'Irak en janvier 2005, éclaboussé par les scandales de la disparition de 9 millions de dollars américains destinés au programme de reconstruction de l'Irak, et celui des 2,5 milliards de dollars américains du programme «Pétrole contre nourriture». Bremer avait la haute main sur ces deux programmes. Ces sommes colossales étaient parties en pots-de-vin, en bakchich, en détournements et en vols ! Si donc la gestion civile américaine de l'Irak est très loin d'avoir laissé de bons souvenirs, la présence militaire américaine dans ce pays a, quant à elle, été carrément catastrophique. Les Irakiens qu'on prétendait venir libérer ont subi les pires actes arbitraires et exactions : tortures, humiliations, comportements pervers et déviants, profanations de cadavres... La sinistre prison d'Abou Ghraieb restera à tout jamais un des symboles des horreurs que les peuples imbus de leur supériorité sont capables de commettre sur d'autres hommes. A tout cela, il faut ajouter la recrudescence des faits de banditisme, des attentats terroristes, des enlèvements, rapts et prises d'otages, qui marquèrent le quotidien des Bagdadis pendant toute l'occupation américaine. Après le départ des soldats américains, l'instabilité a persisté et l'insécurité est devenue structurelle. Sous Nouri Maliki, qui fut pendant huit ans, de 2006 à 2014, un Premier ministre autoritaire et intraitable vis-à-vis de l'opposition, la situation s'est aggravée avec l'exacerbation du sectarisme, des conflits entre chiites et sunnites, entre Arabes et Kurdes, entre islamistes et laïques... La décomposition de l'Irak a atteint en 2013-2014 son paroxysme avec l'apparition de Daech, dont nous parlerons plus loin. II- La guerre américaine en Afghanistan L'Afghanistan est depuis qu'il existe une zone tribale où coexistent et cohabitent plusieurs ethnies (Pachtounes, Tadjiks, Ouzbeks, Turkmènes, Hazaras, Baloutches..), qui ont chacune leur langue, leur dialecte et leurs traditions particulières. Ce qui fédère ces tribus si différentes, c'est l'islam avec ses deux courants principaux : le sunnisme et le chiisme. L'Afghanistan est aussi un lieu de rencontres, que traversait une voie commerciale historique, l'ancienne route de la Soie. L'Afghanistan tient ainsi lieu d'interface, si j'ose dire, entre l'Orient (il a dans sa partie sud-ouest une longue frontière avec l'Iran), l'Asie (il a des frontières avec la Chine, le Pakistan), et enfin avec l'Occident, via les anciennes «Républiques musulmanes» russes du Turkménistan, de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan. Sa place centrale au cœur de l'Asie a attiré vers lui dans les temps anciens de nombreux envahisseurs parmi lesquels Gengis Khan, Tamerlan et les Mongols. A l'époque moderne et contemporaine, Il a connu trois occupations étrangères : celle des Britanniques, celle des Soviétiques et enfin celle des Américains qui ont entraîné avec eux dans cette occupation quelques-uns de leurs alliés traditionnels... Il est utile, me semble-t-il, de rappeler ici que la Grande-Bretagne, dont l'empire s'étendait à l'Inde, a mené en Afghanistan trois guerres entre 1839 et 1919. La première guerre eut lieu en 1838-1842. L'armée britannique subit un désastre retentissant : une colonne de 16 500 personnes – composée de soldats, d'auxiliaires et de civils – fut prise dans une embuscade, au milieu d'une vallée encaissée, près de Kaboul et anéantie. Il n'y eut qu'un seul rescapé, un certain docteur Brydon qui devint célèbre grâce à un imposant tableau d'une artiste peintre nommée Elisabeth Thomson, exposé à la Tate Gallery de Londres, et représentant le miraculé arrivant épuisé sur un cheval fourbu aux portes de Kaboul. La seconde se déroula de 1878 à 1880. Cette fois encore l'essentiel des troupes britanniques était composé de soldats «indigènes» de l'Empire c'est-à-dire de Gurkhas, de Sikhs, d'Hindous, etc. Elle aboutit à la conclusion d'un traité par lequel la Grande-Bretagne reconnut, moyennant quelques concessions, l'indépendance de l'Afghanistan. La troisième eut lieu en 1919 et s'acheva sur la victoire du Royaume-Uni qui y utilisa l'aviation. Ces guerres s'inscrivaient à vrai dire dans ce qu'on appelait «le Grand Jeu» des influences et des rivalités entre les grands empires de l'époque, tous deux présents dans la région, l'empire britannique et l'empire russe. L'Union soviétique a envahi l'Afghanistan le 25 septembre 1979 dans les circonstances suivantes. En 1978, après une longue période de troubles internes, un parti politique afghan, d'obédience marxiste, prenait le pouvoir et proclamait une «République démocratique d'Afghanistan» qui était immédiatement reconnue et soutenue par l'URSS. L'opposition afghane, conservatrice et de tendance islamiste, était bien entendu ouvertement appuyée par les Etats-Unis et le voisin iranien. Cette opposition était regroupée autour des moujahidine et du commandant Massoud. La guerre civile éclatait immédiatement et Kaboul tombait assez rapidement. C'est alors que l'URSS intervint et occupa l'Afghanistan. Elle y installait un nouveau chef de gouvernement, le communiste Babrak Kermal. Les moujahidine redoublèrent d'agressivité et une longue guerre d'usure commença en Afghanistan. Les Russes utilisaient les moyens lourds des armées classiques, c'est-à-dire des blindés et de l'artillerie, difficiles à déplacer et à manœuvrer dans un pays au relief très accidenté, constitué de montagnes élevées et de ravins encaissés, où l' ennemi opère par petits groupes, furtifs et rapides, comme dans les guérillas. Les forces terrestres russes devinrent donc des cibles faciles et furent en conséquence peu efficaces. Par contre, l'aviation provoquait d'importantes pertes chez les moujahidine, qui ne reprenaient le dessus qu'après que les Etats-Unis leur eurent fourni en grande quantité les redoutables Stingers, ces lance-missiles anti-avions et hélicoptères. De nouveau donc, l'Afghanistan se trouvait pris dans «le Grand Jeu» des influences et rivalités des grandes puissances concurrentes dans cette région, en l'occurrence l'URSS et les Etats-Unis. Un haut responsable américain s'était laissé aller, rapportait-on en ce temps-là, jusqu'à confier à quelques interlocuteurs, que son souhait le plus profond était que l'Afghanistan devienne le Viêt-Nam des Russes ! La guerre contre l'Afghanistan s'arrêta à l'arrivée au pouvoir à Moscou de Gorbatchev. C'est lui en effet qui ordonna le retrait des troupes russes lequel s'acheva en mai 1988. Le régime communiste pro-russe de Nadjibullah parvint à se maintenir jusqu'en 1992. A sa chute, l'Afghanistan entra dans une longue période d'instabilité politique au cours de laquelle les grands seigneurs de la guerre entrèrent en conflit les uns contre les autres. En 1996, les taliban battaient tout ce monde et s'installaient au pouvoir. Mais de nouveau, les moujahidine attaquaient les taliban, les mettaient en échec et les chassaient du pouvoir. Les Etats-Unis qui avaient puissamment aidé à ce total renversement de situation ramenèrent des Etats-Unis l'opposant Hamid Karzaï, un conservateur pro-royaliste, et l'installèrent au pouvoir en décembre 2001. Karzaï perdra ses convictions royalistes, devint un fervent républicain, et se fit élire président de la République d'Afghanistan. Il le restera jusqu'en septembre 2014. Comment en est-on arrivé là ? Après les spectaculaires et sanglants attentats de septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington, les Etats-Unis ont vite désigné les coupables et responsables de ces attentats, à savoir : l'organisation terroriste Al Qaeda, son chef Oussama Ben Laden et les milices armées des taliban qui avaient pris le maquis après avoir été chassés, comme on l'a dit ci-dessus, par les moudjahidine du commandant Massoud. Les services de renseignement américains, probablement aidés par ceux du Pakistan allié des Etats-Unis, ayant localisé leurs ennemis dans les montagnes de Tora Bora, l'armée américaine passa à l'attaque en octobre 2001. C'est ainsi que tous les médias du monde se saisirent de ces deux mots fascinants de «Tora Bora», puis laissant libre cours à leur imagination, «cette folle du logis» disait Malebranche (1638-1715), «cette maîtresse de d'erreur et de fausseté», affirmait Blaise Pascal (1623-1662), se sont mis à présenter ces hauteurs montagneuses afghanes comme une gigantesque forteresse contenant un réseau dense de tunnels aménagés et équipés d'installations électriques, menant à des salles d'opérations militaires high-tech, avec des postes de commandement sophistiqués, des dépôts considérables d'armes et de munitions, des garages pour véhicules de tous types dont des chars... Les journalistes spécialisés et des experts en guérilla et en lutte antiterroriste se succédaient sur les plateaux de télévision, pour nous décrire, comme s'ils avaient visité cet infernal blockhaus enfoui à 300 mètres sous le sol, affirmant de surcroît à tous ceux qui voulaient les entendre, que les Américains allaient devoir utiliser pour le détruire et éradiquer les terroristes qui s'y trouvaient des bombes intelligentes et super-perforantes, et peut-être également certaines armes nucléaires. Les opérations durèrent quelques jours, puis cessèrent d'un seul coup. Les troupes américaines n'avaient en effet trouvé à Tora Bora ni dédales, ni salles d'opérations, ni blindés, ni taliban, ni Ben Laden. Mais ces troupes allaient s'installer en Afghanistan. Elles y sont encore, alors que la majeure partie des pays qui ont suivi les Etats-Unis dans cette occupation militaire de l'Afghanistan ont retiré, l'un après l'autre, leurs forces non sans avoir subi quelques pertes. Aux dernières nouvelles, il est prévu de retirer d'Afghanistan avant la fin de l'année 2014, soit après 13 ans d'occupation, 49 000 soldats étrangers dont 23 000 soldats américains. Le retrait ne sera cependant pas total, car il a été décidé d'y maintenir une force de 12 000 soldats, pour la plupart américains. Ils ne feraient, assure-t-on, que des tâches de formation et d'assistance technique. Le bilan de la guerre d'Afghanistan et de l'occupation qui s'en est suivie apparaît, par rapport aux objectifs affichés avant l'attaque de Tora Bora, très mitigé. On peut ainsi le résumer : 1- Ben Laden a été tué, mais cela s'est passé en mai 2011, au Pakistan, à l'intérieur d'une maison d'aspect rustique dans une localité où il existe une académie militaire pakistanaise ; 2- les taliban opèrent toujours en Afghanistan ; on a annoncé le 26 septembre 2014 une nouvelle offensive des taliban qui aurait fait 80 morts dont 12 par égorgement ; 3- le pays reste instable et peu sûr ; 4- Al Qaïda a un autre leader et dispose de réseaux actifs ou dormants ainsi que d'alliés dans d'autres pays ; 5- l'Afghanistan est plus que jamais le plus grand producteur et exportateur de cocaïne et de son dérivé l'héroïne ; 6- la société afghane demeure l'une des plus archaïques du monde ; 7- les institutions politiques restent fragiles et dépendent d'équilibres précaires et de compromis négociés entre les clans ; 8- il s'est passé trois mois après la proclamation des résultats de l'élection présidentielle du 14 juin 2014, avant qu'on ne parvienne à un compromis plutôt surprenant : le candidat Ghani Ashraf doit prendre le poste de président de la République, et son rival Abdullah Abdullah celui de chef de gouvernement ; 9- l'armée américaine semble comme coincée en Afghanistan et va devoir prolonger sa présence dans ce pays, en y maintenant un assez fort contingent. III- La guerre contre Daech Les Etats-Unis sont en guerre contre Daech, acronyme arabe de l'Etat Islamique d'Irak et du Levant (EIIL), nom que s'est donné un nouveau mouvement terroriste qui multiplie ses attaques plus particulièrement en Irak dont il occuperait 30% du territoire et en Syrie où il aurait autorité sur 20% du territoire. Les Etats-Unis ont mobilisé autour d'eux une quarantaine de pays européens, mais aussi arabes. Les formes légales et juridiques ont été soigneusement respectées. La France a réuni à Paris, le 14 septembre 2014, une «Conférence internationale sur la paix et la sécurité en Irak» à laquelle ont participé, sous la présidence conjointe du président de la République française et du président de la République d'Irak, 26 Etats dont plusieurs pays arabes, ainsi que des organisations internationales. A l'issue de leurs travaux, les participants, après avoir «salué la formation d'un nouveau gouvernement irakien sous l'autorité du Premier ministre, M. Haïdar al-Abadi» ont déclaré «apporter leur plein soutien pour conforter l'Etat de droit, mettre en œuvre une politique de rassemblement et assurer la juste représentation de toutes les composantes au sein des institutions fédérales et l'égalité de tous les citoyens, toutes mesures nécessaires pour lutter efficacement contre Daech (EIIL) et les groupes terroristes qui sont une menace pour tous les Irakiens». Ils ont aussi «affirmé que Daech constitue une menace pour l'Irak mais aussi pour l'ensemble de la communauté internationale et que faire face à une telle menace, où qu'elle soit, nécessitera une action sur le long terme de la part de la communauté internationale». A cet égard, «ils ont condamné les crimes et les exactions massives qu'il (Daech) commet contre les populations civiles, y compris les minorités les plus vulnérables, qui peuvent être considérés comme des crimes contre l'humanité. Ils sont convenus de coopérer et de tout faire pour veiller à ce que les auteurs de ces crimes en rendent compte devant la justice...». Ils ont par ailleurs souligné «l'urgente nécessité de mettre un terme à la présence de Daech dans les régions où il a pris position en Irak. Dans cet objectif, ils se sont engagés à soutenir, par les moyens nécessaires, le nouveau gouvernement irakien dans sa lutte contre Daech, y compris par une aide militaire appropriée, correspondant aux besoins exprimés par les autorités irakiennes et dans le respect du droit international et de la sécurité des populations civiles». On apprenait que le jour même l'aviation française, suivant en cela les précédents raids de l'aviation américaine contre Daech, a bombardé des positions de ce mouvement. Depuis, les raids se succèdent à un rythme régulier, en Irak et en Syrie, tantôt sur des positions «militaires» de Daech, tantôt sur les forages et puits de pétrole que ce mouvement exploite de force... D'autres Etats comme le Royaume-Uni et le Danemark ont par la suite annoncé la participation de leur aviation aux raids de bombardement. Au plan diplomatique, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réunion deux fois en cinq jours. Le 19 septembre 2014, le Conseil de sécurité a adopté une résolution tendant à intensifier la mobilisation internationale afin d'apporter à l'Irak l'aide internationale dont il a besoin sur les volets politique, humanitaire et sécuritaire. Le 24 septembre 2014, il a, à l'issue d'une réunion au sommet présidée par le président B. Obama, adopté à l'unanimité une résolution consacrée à la lutte contre la menace créée par les «combattants terroristes étrangers» ; cette résolution oblige les Etats membres de l'ONU à prendre les mesures de nature à «prévenir et éliminer les activités de recrutement, d'organisation, de transport ou d'équipement bénéficiant aux individus qui se rendent dans un Etat autre que leur Etat de résidence ou de nationalité, aux fins de la commission, de l'organisation ou de la préparation d'actes de terrorisme». Daech est sans aucun doute une organisation terroriste d'un type inédit. Elle ne ressemble pas à Al-Qaïda qui est une «nébuleuse» non structurée et plutôt diffuse, dont les cellules sont comparables à des électrons libres aux réactions imprévisibles. Daech est également différent, par son organisation, le nombre impressionnant de ses effectifs combattants, par ses équipements et son armement, de tous les divers groupes terroristes qu'on a connus en Algérie, tels le MIA, le FIS, le GIA, le GSPC, Aqmi et depuis l'affaire malienne, le Mujao ou Ansar Eddine, par exemple. En fait, Daech, de par son organisation, sa structuration, ses effectifs, les uniformes que ses hommes portent, son armement lourd, les défilés auxquels il procède dans les rues de Raqqa en Syrie, ressemble à une milice, à un groupe paramilitaire, à une armée privée, dont le modèle type serait la milice du Hezbollah libanais. Selon les évaluations les plus récentes données par la CIA, le nombre des combattants activant dans les rangs de Daech serait de 20 000 à 30 000 et selon une source sécuritaire russe, de 30 000 à 50 000 (voir Algérie 1 du 27 septembre 2014). Le plus inquiétant est que Daech possède des chars, un nombre important de pick-up montés de mitrailleuses lourdes, des missiles individuels et au moins d'un gros missile tracté qu'on a vu lors d'un défilé télévisé à Raqqa. En outre, il exploite à son profit, au vu et au su des autorités locales irakiennes ou syriennes, des forages et des puits de pétrole, que l'aviation alliée est actuellement en train de mettre hors service. Or, si l'aviation alliée peut, avec une précision quasi chirurgicale, faire voler en éclats les stations de pompage et les pipelines indûment exploités par Daech en Syrie, se pose obligatoirement la question de savoir pourquoi l'aviation syrienne qui est sur place ne le fait pas, préférant continuer à larguer ses bombes sur les villes et leurs banlieues, détruisant les maisons et tuant les habitants ? Autre question : pourquoi reste-t-elle sans réaction quand Daech fait défiler de jour ses troupes et ses engins dans les rues de Raqqa et ailleurs ? Ces deux questions nous amènent inévitablement à poser celle-ci : mais pour qui roule donc Daech en Syrie ? La présence dans les rangs de Daech d'étrangers d'origine occidentale, américaine ou maghrébine ou provenant d'autres pays plus lointain doit interpeller les responsables politiques et sécuritaires des pays touchés par ce fléau. La question est posée : pourquoi les services de sécurité et de renseignement, qui savent parfaitement bien l'intérêt de l'infiltration des réseaux criminels de contrebande, de fausse monnaie, de trafic de devises, de traite des femmes, de narcotrafic, etc., ne recourent-ils pas contre Daech à ce procédé autorisé par la loi, et qui a fait ses preuves dans la prévention et la répression du grand banditisme ? Pourquoi ne tentent-ils pas d'infiltrer des officiers de renseignement afin de noyauter les réseaux et se donner ainsi, le moment venu, le moyen de les mettre hors d'état de nuire en même temps que leurs commanditaires ? En d'autres termes, pourquoi les services de renseignement n'arrivent-ils pas à récupérer et retourner, comme on dit, les candidats au «djihad» ou les anciens «djihadistes», qui sont de l'avis général des «paumés ou d'anciens petits délinquants» pour ensuite les réinjecter dans les réseaux terroristes à démanteler ? Autant de questions sans réponse, mais auxquelles il faudra bien un jour trouver une réponse, car comme chacun sait, il n'y a nulle part de services de renseignement sans infiltrés, sans agents doubles, sans informateurs, sans indicateurs... Conclusion Je dirai pour conclure qu'il est regrettable que ce soit toujours les étrangers qui interviennent en première ligne contre le terrorisme islamiste qui sévit avec une sauvagerie inédite dans des pays musulmans. On a, en effet, cette très désagréable impression que les musulmans s'en remettent systématiquement, pour leur protection contre le terrorisme islamiste qui n'est rien d'autre qu'une «fitna», aux Etats-Unis et à leurs alliés occidentaux. Que les Etats-Unis et les Européens réagissent avec force contre les terroristes islamistes, dès lors que leurs intérêts sont gravement menacés et que leurs ressortissants sont enlevés ou agressés, c'est normal et c'est légitime. Mais que des Etats musulmans appellent à leur secours des non- musulmans est simplement choquant. C'est pour les gouvernements qui le font un aveu de faiblesse, d'incompétence politique et d'impéritie sécuritaire : ce qui ne rassure personne. Dans les relations interétatiques, il y a une règle absolue qu'il faut ne jamais oublier : les Etats ne donnent rien pour rien. Le grand homme politique, qui a rappelé cette règle de base de la realpolitik a également dit dans Mémoires : les Etats-Unis ont une tendance quasi naturelle à vouloir faire la loi et dire le droit. Aujourd'hui, les Etats-Unis sont en outre sollicités pour faire le gendarme. Ma conviction est que personne ne pourra sauver le monde arabe et musulman des périls mortels et de la «fitna» auxquels il est dangereusement confronté, s'il ne prend pas la ferme résolution de se sauver lui-même, par lui-même et de passer courageusement à l'action et à la lutte contre l'obscurantisme et le sous-développement. Il en a encore, à mon sens, les moyens matériels et les ressources humaines nécessaires.