Mort pour la Françafrique (1) est un livre qui plonge le lecteur dans cette face cachée de la guerre en Libye où se croisent des réseaux islamistes, une boîte de sécurité militaire privée française (Secopex) travaillant en Libye pour le compte de Blackwater, cette gigantesque boîte privée de sécurité agissant en Irak, en Afghanistan et là où il y a des conflits pour le compte du Pentagone et des services secrets américains. Une face cachée où il est question de Bernard-Henri Lévy, Nicolas Sarkozy et de leurs rapports avec les islamistes libyens. Certes, ceux qui suivent l'actualité libyenne le savent, mais l'assassinat de Pierre Marziali, ex-para et patron de la Secopex, à Benghazi en mars 2011, assassinat revendiqué par la «brigade du 17 Février, branche armée des Frères musulmans libyens dont le numéro deux est l'islamiste Mustafa al-Sagesly, ami personnel de BHL, donne un éclairage supplémentaire et inédit au conflit libyen. Dans le livre Mort pour la Françafrique, Robert Dulas (ami et associé de Pierre Marziali), barbouze ayant roulé sa bosse en Afrique de l'Ouest et au Sahel, qui a été partie prenante dans la crise ivoirienne avant de quitter Abidjan de manière rocambolesque pour échapper à un assassinat, laisse entendre que Pierre Marziali a été exécuté parce qu'il serait allé trop loin. L'ex-para gênait-il le travail de cette équipe de la DGSE présente en Libye aux côtés des insurgés libyens et de cette «mini-armée clandestine» française déployée par Paris dans l'Est libyen et dont certains activaient au centre de commandement des rebelles libyens de Zuwaytinah (Benghazi) mais prenaient part aussi aux opérations militaires au sol, tandis que d'autres formaient et encadraient les opposants libyens à Kadhafi ? Les auteurs du livre, en tout cas, fondent leurs affirmations sur la base de documents exclusifs et de témoignages inédits. Quant à l'enquête diligentée par le parquet de Carcassone sur la mort de l'ex-para, elle s'est vite heurtée au «secret défense» ! Tels que décrits par Bernard-Henri Lévy (BHL) dans son livre La guerre sans l'aimer (ed.Grasset. 2011), les chefs de la «révolution libyenne» font figure de héros de légende, comme se plaisait à les montrer une certaine littérature nostalgique d'un passé colonial mythique, mais des héros revisités, remis en selle pour remplir la fonction assignée par les tenants de l'ingérence humanitaire et démocratique. Parmi ces «héros», Mustafa al-Sagesly, cité ci-dessus, aujourd'hui l'un des dirigeants du PJC (Parti de la justice et de la reconstruction, islamiste) dont la branche armée Fadjr Libya contrôle Tripoli, et que BHL présentera ainsi que d'autres opposants libyens comme Mustapha Abdeljalil (l'ex-président du Conseil de transition libyen) à Nicolas Sarkozy au printemps 2011. Al-Sagesly et ses amis de «la brigade du 17 Février» étaient alors soutenus par le Qatar et médiatisés par Al-Jazeera. BHL n'a pas caché à ses amis islamistes libyens qu'il était juif et que «la sécurité d'Israël et sa cause étaient pour lui non négociables» (page 320 du livre). Lors d'une rencontre organisée par le Crif (Conseil de représentation des institutions juives de France) n'a-t-il pas déclaré que «c'est en tant que juif» qu'il avait «Participé à l'aventure politique en Libye» (Le Figaro du 20/11/2011) ! Toujours à propos du conflit libyen, BHL a affirmé à la journaliste Marina Ladous, co-auteure du livre: «Moi, je ne suis pas d'accord avec cette idée qu'on nous répète jusqu'à la nausée du chaos, d'une Libye qui serait dans un état pire que sous Kadhafi. Ce n'est pas vrai ça, c'est un raisonnement de défaitiste.» Tiens donc ! Par ailleurs – mais ce n'est pas dans Mort pour la Françafrique – BHL connaît si bien Abdelhakim Benhadj, l'ex-djihadiste membre d'Al Qaïda, aujourd'hui gouverneur militaire de Tripoli, qu'il l'a même proposé pour occuper le poste de ministre de l'Intérieur ! C'est ce même Benhadj, ami par ailleurs du Tunisien Rached Ghanouchi, que BHL s'apprêtait à rencontrer à Tunis en novembre dernier avant que les Tunisiens ne lui disent «dégage» ! H. Z. (1) Mort pour la Françafrique. Robert Dulas, Marina Ladous, Jean Philippe Leclerc. Ed. Stock. 2014.