Par Hassane Zerrouky Officiellement, Bernard Henri-Lévy s'est rendu à Tunis pour parler de la situation en Libye avec ses «amis» libyens. Mais pourquoi en Tunisie, et qui plus est en pleine campagne électorale ? Paris n'aurait-il pas été mieux indiqué ? En fait, le philosophe, qui a raté la «révolution tunisienne», a sans doute voulu profiter de cette invitation libyenne, qui sent le préfabriqué, pour rencontrer certainement des «amis» tunisiens, prendre quelques photos, et pourquoi pas intervenir dans le débat comme il l'avait fait en Ukraine. Et revendiquer ensuite bruyamment sa part à la victoire de la démocratie en Tunisie. Mais voilà, le «come-back» programmé de BHL dans les médias parisiens a tourné court par la faute de ces «crétins» (dixit BHL) qui l'ont accueilli à l'aéroport de Tunis au soir du 31 octobre dernier par des «dégage» ! Avant que les autorités tunisiennes ne le prient de plier bagage dès le lendemain. Cette affaire ayant fait grand bruit en Tunisie et sentant le soufre, Ennahdha s'est empressé de publier un communiqué niant toute responsabilité dans la venue du philosophe à Tunis. Et en effet, cette conférence sur la Libye a été organisée par le représentant d'Ennahdha aux Etats-Unis, Radwan Masmoudi, président de l'association «Islam et Démocratie». Continuons. La veille de l'arrivée impromptue du «philosophe» français en terre tunisienne, Al-Jazeera, baptisée par les Tunisiens «al-khenzira», a commis un reportage-enquête cousu de fil blanc sur le meurtre du leader de la gauche tunisienne Chokri Belaïd. Et tenez-vous bien, selon la chaîne qatarie, Chokri Belaïd n'aurait pas été assassiné par des islamistes mais aurait été soit victime d'un crime passionnel, soit victime d'un «contrat» commandité par l'homme d'affaires et proche de Leïla Ben Ali, Kamel Letaïef, pour des motifs que la chaîne qatarie n'explique pas ! Al-Jazeera n'avance bien sûr aucune preuve crédible à l'appui de ses accusations et se base sur le seul témoignage de Maher Zid, présenté comme un journaliste d'investigation alors qu'il est employé au greffe du tribunal de Tunis et, surtout, connu comme un salafiste notoire, habitué à lancer, via les réseaux sociaux, des bobards contre les démocrates tunisiens. But de cette enquête-reportage, suspecte à plus d'un titre, devant être diffusée initialement à la veille des élections législatives tunisiennes avant d'être déprogrammée : une tentative misérable de disculper les islamistes de ce meurtre et les blanchir, en vue de peser sur le vote des électeurs tunisiens à la présidentielle du 23 novembre. Le Front populaire dont faisait partie Chokri Belaïd mais aussi sa famille ont décidé de porter plainte contre Al-Jazeera qui n'est pas à une grossière désinformation près : n'a-t-elle pas accusé l'an dernier l'ex-président Bourguiba d'avoir développé le tourisme sexuel en Tunisie ? En Syrie, n'a-t-elle pas tenté d'attribuer les massacres collectifs (vidéos à l'appui) commis par l'Etat islamique aux militaires syriens ? Terminons par le vent de panique soufflant à bord du bateau Tunisie. La victoire de Nidaa Tounès n'était pas attendue. Pas plus qu'était attendue la poussée du Front populaire, seule force de gauche entre Nidaa Tounès et Ennahdha. Et personne n'avait prévu la déroute des deux alliés d'Ennahdha – le CPR de Moncef Marzouki et Etakatol de Mustapha Benjaâfar. Du coup, à l'initiative d'Ennahdha, un front anti-Caïd Essebci, le candidat de Nidaa Tounès à la présidentielle, est en train de se constituer mais n'arrive pas à se mettre d'accord sur un candidat consensuel. Ainsi, Ennahdha, qui ne présentera pas de candidat, hésite à soutenir son allié Moncef Marzouki. Et parmi tous les opposants à Caïd Essebci, de Mustapha Ben Jaâfar à Nejib Chebi en passant par le crypto-islamiste Mohamed Hamdi, tous candidats au scrutin présidentiel du 23 novembre et tous des obligés d'Ennahdha, aucun ne veut se retirer au profit du voisin.