De source sûre, nous apprenons que l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, s'est installé, depuis quelque temps, en Iran. Est-ce pour «asile politique»? Hier mardi, nous avons pris attache avec l'ambassade de la République islamique d'Iran à Alger . Après avoir noté notre question, l'on nous a signifié d'attendre une «réponse après vérification» auprès de qui de droit. Une «réponse» que nous attendons toujours... Kamel Amarni - Alger (Le Soir) Toujours est-il, cette nouvelle destination de celui qui, après Abdelmoumène Khalifa, est, incontestablement, l'homme que n'importe quel juge algérien aurait souhaité avoir en face de lui, suscite bien des interrogations. Chakib Khelil a-t-il choisi de son propre chef de se réfugier au pays des mollahs ou alors l'a-t-on conseillé de le faire ? Cette deuxième hypothèse est d'autant plus plausible que, depuis surtout «la Révolution» iranienne en 1979 et mis à part la parenthèse de 1992 due à l'ex-FIS, l'Algérie est pratiquement l'un des rares pays à avoir constamment gardé de bonnes relations avec Téhéran. Plusieurs fois, Alger a eu à jouer les intermédiaires entre les Iraniens et les autres : les Américains à propos des otages au Liban, les Irakiens et bien d'autres affaires encore, qu'elles soient publiques ou secrètes. Sous Bouteflika, les relations bilatérales frôlent quasiment l'excellence avec un intense échange de visites officielles à tous les niveaux et une parfaite coordination au niveau de l'Opep, notamment. Ceci d'un côté. D'un autre côté, celui qui, avec Abdelhamid Temmar, Mourad Medelci et Abdelatif Benachenhou faisait la pluie et le beau temps dans toute la sphère économique du pays pendant une décennie, a toujours été un pilier du cercle présidentiel. A peine arrivé au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika rappelle Khelil à ses côtés. D'abord comme conseiller à la présidence en novembre avant d'être nommé dans son premier gouvernement, le 26 décembre 1999, comme tout-puissant ministre de l'Energie et des Mines. Ami d'enfance de Bouteflika, Chakib Khelil arrive à la tête de ce secteur stratégique quasiment en même temps que l'embellie providentielle et sans précédent qui frappera durablement les marchés pétroliers mondiaux. Durant plus d'une décennie durant laquelle Chakib Khelil régnera sur le secteur, le prix du baril a constamment atteint des pics vertigineux au point d'atteindre les 140 dollars. Les dollars pleuvaient, et la Sonatrach connaîtra un boom extraordinaire qui, naturellement, en appelait, en même temps, à des investissements colossaux. Essentiellement étrangers. La Sonelgaz aussi offrira un autre eldorado pour les investisseurs étrangers, sans compter le gigantesque programme des douze stations de dessalement d'eau de mer dont Chakib Khelil avait également la charge. Dans l'absolu, rien d'anormal à tout cela. Or, outre sa proximité avec Bouteflika, Chakib Khelil en avait une autre beaucoup moins «innocente» : celle d'avec les compagnies pétrolières américaines. Et cela avait failli être déjà fatal à l'Algérie dès 2003. A la surprise générale, le duo Bouteflika-Khelil imposait une suicidaire nouvelle loi sur les hydrocarbures qui allait lever la souveraineté nationale y compris sur les réserves nationales. Une loi qui, heureusement, aura fini par être annulée par une nouvelle, votée en 2004. Par contre, la corruption qui gangrènera le secteur s'avérera si immense que l'on assistera à une série de scandales sans précédent dans toute l'histoire du pays. D'abord l'affaire BRC en 2008, puis les affaires Sonatrach 1 et Sonatrach 2 pour ne citer que les plus colossales. Un beau matin de décembre 2009, les Algériens apprendront avec stupéfaction que les principaux dirigeants du géant Sonatrach, son P-dg en tête, avaient été arrêtés durant la nuit. Le service anti-corruption des services de sécurité avait mené une enquêté minutieuse qui avait abouti à démanteler ce véritable «réseau». Pour des considérations de procédure, seul le ministre en exercice, Chakib Khelil donc, ne sera pas inquiété ce jour-là. Pour cela, il fallait bien sûr l'accord et le feu vert de Bouteflika. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce dernier... s'éclipsera. Des semaines durant, l'homme avait tout simplement «disparu» : aucune activité, aucune image, absolument rien ! Il ne refera «surface» que sous la forme d'une vraie mise en scène à laquelle Zinedine Zidane et sa famille participent à leur insu. Et encore, Bouteflika n'est apparu ce jour-là que pour démentir une folle rumeur le concernant. Il aura fallu attendre la fin mai 2010 pour que Bouteflika reprenne réellement lorsqu'il procédera à un vaste remaniement du gouvernement. Contraint, il limogera Chakib Khelil du gouvernement. Pour autant, il ne le lâchera jamais ! Même un mandat d'arrêt international prononcé en août 2013 par le procureur général près la cour d'Alger contre l'ancien ministre de l'Energie sera vite «enfoui» dans une jungle de procédures dont seule la justice a le secret...