La prévalence des maladies chroniques est en constante progression. Le traitement des patients nécessite, en plus des soins médicamenteux, un accompagnement thérapeutique. A travers ce complément de soin, le malade apprend, expliquent les spécialistes, à gérer sa maladie de sorte à éviter des complications souvent graves. D'ailleurs, le ministère de la Santé a décidé d'intégrer l'éducation thérapeutique dans le système de santé. Le diabète est la première pathologie ciblée par cette nouvelle approche. Objectif : éviter les complications liées à la maladie et réduire les coûts du traitement. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - Les spécialistes sont formels : l'éducation thérapeutique des patients est partie intégrante de l'amélioration de la qualité des soins. Selon l'OMS (Organisation mondiale de la santé), «l'éducation thérapeutique du patient est un processus continu intégré dans les soins». Partant de ce principe, le ministère de la Santé a enfin décidé de franchir le pas pour introduire l'éducation thérapeutique dans les pratiques des médecins des unités de proximité. «Nous avons saisi l'approche du mois de Ramadan et du lancement de la campagne de prévention ‘'Ramadan et santé'' pour donner instruction aux établissements de santé de proximité d'adapter l'éducation thérapeutique à la période du jeûne», a indiqué le Dr Nadhir-Zirou Djamila, sous-directrice de la prévention des maladies non transmissibles et de lutte contre les facteurs de risques. Une première séance de formation dans l'éducation thérapeutique a été lancée en mai dernier et touché 144 soignants entre médecins généralistes et personnel paramédical. L'éducation thérapeutique, dans sa première phase, souligne le Dr Nadhir, a ciblé la pathologie du diabète. La maladie qui touche plus de 2,5 millions de personnes en moyenne en Algérie est souvent à l'origine de très lourdes complications. «Pour pouvoir assurer leur mission, les médecins généralistes et paramédicaux prenant en charge les diabétiques doivent disposer des compétences requises pour approcher, éduquer et accompagner le malade dans les situations situations particulières et avoir une maîtrise de la méthodologie de communication envers le diabétique lui-même et son entourage qui doit être associé aux actions d'éducation», dit-elle. Des centres-pilotes à travers trente wilayas ont été ciblés pour l'instant. «Nous avons commencé par les maisons du diabétique car elles disposent déjà des espaces et outils nécessaires pour intégrer l'éducation thérapeutique en attendant de toucher les 48 wilayas, une fois structurées», a expliqué la sous-directrice de la prévention au ministère de la Santé. L'éducation thérapeutique des patients, dit-elle, est une «révolution dans les pratiques du médecin que nous voulons institutionnaliser». C'est quoi l'éducation thérapeutique ? Gari Saïd, spécialiste manager en éducation du patient dans un laboratoire pharmaceutique, et qui a initié cette approche depuis près de cinq ans déjà, explique que l'éducation du patient s'adresse aux personnes engagées dans une relation de soins et à leur entourage. Elle est intégrée aux soins et est mise en œuvre par les différents professionnels de santé exerçant en ville ou à l'hôpital. Elle vise à assumer au quotidien la maladie et ses conséquences sur la vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale, à gérer le traitement, à prévenir les complications et les rechutes. Selon lui, «de nombreuses études sur la compliance montrent que l'adhésion thérapeutique des malades est loin d'être optimale alors que pour soigner, le médecin dispose d'un arsenal médicamenteux important ». Selon les études, dit-il, entre 30 et 70% des patients prennent mal, voire arrêtent leur traitement. L'éducation thérapeutique du patient, poursuit-il, permet aussi l'acceptation de la chronicité de la maladie, l'optimisation du traitement et l'adaptation du comportement à la maladie. «L'éducation du patient a été démontrée dans le diabète sucré et permis d'améliorer l'efficacité thérapeutique d'une manière impressionnante (diminution de 80% des comas, de 75% des amputations, etc.) et réduit ainsi les coûts de la prise en charge des complications, de l'absentéisme et du handicap», a-t-il expliqué. S. A. ENTRETIEN AVEC LE Dr GARI SAID, MANAGER EN EDUCATION DU PATIENT Le Soir d'Algérie : A quand remonte les débuts de la formation que vous avez initiée ? Dr Gari Saïd : Depuis 2010, sous l'égide de la société francophone du diabète paramédical avec le support du professeur M. Belhadj, une formation initiation de 40 heures à la posture éducative a constitué le point de départ d'une réflexion importante sur les contenus des formations, leurs agencements spécifiques et leur inscription dans le temps. Nous avons ainsi qualifié 180 paramédicaux, diététiciens et psychologues à l'échelle nationale. L'année dernière, nous avons initié, sous l'égide de la faculté de médecine d'Oran et l'EHU d'Oran, une formation diplômante de plus de 100 heures pour 8 équipes multiprofessionnelles (médecin chef de projet, une infirmière, une diététicienne et/ou une psychologue) qui exercent ensemble dans le même service. Comment l'approche éducative peut-elle améliorer la vie du patient ? Savoir prévenir un évènement hypoglycémique, explique ce spécialiste, réduit incontestablement le stress lié au fait de vivre avec un diabète. Prévenir les lésions du pied évite l'amputation et la perte de l'autonomie, ce sont des exemples parfaits d'amélioration de la qualité de vie du patient et de ses proches. La qualité des soins dans les maladies chroniques dépend directement de la capacité des patients à gérer quotidiennement leurs maladies. En Algérie, peu de soignants ont été formés à l'éducation thérapeutique du patient et à l'organisation des soins de longue durée. Les structures hospitalières sont-elles prêtes pour assurer les prestations éducatives ? Dans la majorité de nos établissements, l'éducation thérapeutique n'est pas structurée et encore moins formalisée. Les services hospitaliers ne sont pas tous organisés pour assurer des prestations éducatives structurées et dans de bonnes conditions, par manque de ressources humaines qualifiées en éducation thérapeutique, par manque d'équipes multiprofessionnelles et surtout, pour beaucoup d'entre elles, par l'absence de dossier médical partagé. Cependant, certains services font depuis quelques années de l'éducation individuelle au lit du malade ou à l'hôpital du jour et cela n'est que le fruit de l'engagement et de la conviction des chefs de service ou d'unité. L'éducation du patient réalisée à l'hôpital devrait être fortement complémentaire de celle que l'on peut faire en ambulatoire dans les structures de soins primaires et dans les locaux des associations de patients, mais plusieurs problèmes majeurs se posent. A l'hôpital comme en ville, les actes d'éducation sont très peu reconnus. D'ailleurs, dans une étude récente, les soignants ont exprimé un besoin urgent en formations qualifiantes. En libéral, les professionnels de santé déclarent ne pas avoir assez de temps et d'espace pour éduquer les patients. Quant aux réseaux existants, ils ne semblent pas répondre de manière complète aux exigences de suivi à long terme des patients et de qualité des parcours de soins. L'enseignement de l'éducation du patient apparaît comme inexistant, notamment dans la formation initiale médicale et paramédicale des soignants en Algérie. Les professionnels de santé restent plus centrés sur l'accomplissement d'actes techniques que sur la façon d'entourer le patient ou de l'éduquer. «On soigne la maladie et non pas le malade.» La formation médicale actuelle ne tient pas suffisamment compte de ces impératifs nouveaux. Il est donc indispensable d'introduire dans le programme de l'enseignement supérieur en sciences médicales et paramédicales l'enseignement de l'éducation thérapeutique et sanitaire afin de permettre aux soignants futurs (médecins, infirmiers, diététiciens et psychologues) d'être capables de maîtriser les croyances en santé, les valeurs attribuées par le patient à sa maladie et à son traitement, le degré d'acceptation de la maladie et le grand secteur de la résilience, c'est-à-dire les capacités que chaque individu a de se développer malgré son handicap et la capacité que le soignant a d'associer la famille au processus de suivi. La prestation éducative est-elle assurée par le médecin traitant ? Une personne ayant une maladie chronique comme le diabète ne peut être prise en charge exclusivement par son médecin traitant, les besoins identifiés et exprimés par le patient et son entourage nécessitent des compétences médicales et non médicales variées et diverses que le médecin seul ne pourra satisfaire. Le pharmacien du quartier a aussi un rôle fondamental, il constitue la première oreille attentive, il est d'un support certain pour l'entourage et le patient. Notre approche «formation diplômante en équipe multiprofessionnelle » a pour objectif de répondre à cet impératif. C'est un engagement du chef de service et du médecin qu'il a désigné comme chef du programme. Chaque équipe engagée dans la formation ayant validé son programme a prévu un espace dédié à l'éducation thérapeutique dans son service, une planification des séances d'éducation et une répartition des rôles entre les membres de l'équipe et l'identification des ressources humaines et des supports supplémentaires. S. A. PREVALENCE DU DIABÈTE Une enquête vers la mi-octobre La direction de la prévention au niveau du ministère de la Santé s'apprête à lancer l'enquête STEP OMS 2 sur la prévalence du diabète et ses facteurs de risques. L'enquête dont le lancement est prévu à partir de la mi-octobre prochain auprès des ménages permettra de connaître au moins la prévalence réelle du diabète en Algérie, indique-t-on.