«Je vous le dis, je préfère venir ici que d'aller vers les plages d'Alger. Ici, on est mieux qu'à Moretti. Dites-le dans votre journal.» La sentence est du père de Zaki (26 ans) le Constantinois qui est venu, en famille, de Cirta pour séjourner chez des proches des hauteurs de Tizi-Ouzou. Zaki, ses parents,ses frères et sœurs qu'on verrait bien dans le décor de Moretti, descendent chaque jour de la capitale de la Grande Kabylie pour prendre la destination de Souanine 1, l'une des 4 plages de la commune de Sidi-Daoud (ex-Abbo), à l'Est de la wilaya de Boumerdès. Cela leur fait un trajet d'une soixantaine de kilomètres mais la famille se sent bien à l'aise. C'est ce qu'ils nous ont affirmés ce dimanche. Le verdict du père de Zaki, assené avec conviction, est affectif et conciliant mais découle d'une réalité. A Moretti, on part pour frimer ; se faire voir et parfois jouer le nabab sans le sou. A Souanine, on est dans la nature sans boniment, sans fard, sans pollution et dans un climat paisible. A Sidi Daoud, la terre est un immense tableau composé de milliers de lignes verdoyantes de vignoble. Les vacanciers qui aiment les douces étreintes de la Grande Bleue en tombent amoureux. «Ici, l'eau est propre, tellement propre qu'on voit le fond de la mer.» Dira plus tard madame Kessenti venue avec son mari et ses deux enfants de Blida au lieu de monter vers Tipaza ou l'une des plages de l'ouest d'Alger. «Nous l'avons découverte cette plage grâce aux amis de Dellys. Depuis qu'ils sont venus la première fois, les enfants ne veulent plus aller ailleurs», ajoutera la dame. A Souanine 1 ou dans les trois autres plages, on est loin des racketteurs des plages. On s'installe librement où l'on veut. Et pourtant.... Les 4 plages (Souanine1 et 2, Sahel et Sahel Bouberak) au pied du massif montagneux de Bouberak autorisées à la baignade que nous avons visitées ce dimanche, totalisent une longueur de 3 300 mètres pour un rivage de 5 000m tout a fait exploitable à l'avenir. Ces plages sont accessibles à partir de la RN24 (Alger- Tigzirt par Boumerdès et Dellys). Ce dimanche, seuls une quarantaine de surveillants de baignade et 4 chefs de postes de la Protection civile, sont l'unique corps constitué en fonction sur les lieux. Autorités locales ou régionales et estivants sont déçus par l'absence de la Gendarmerie nationale. Il est vrai que l'APC de Sidi- Daoud n'a pas construit des locaux pouvant abriter la présence permanente de ce service de sécurité comme l'a fait la commune voisine, Cap-Djinet en l'occurrence. On ne peut ne pas comprendre ces déçus et en même temps se poser la question : que devient le plan Delphine, mis en branle chaque été par l'état-major de la Gendarmerie nationale pour sécuriser les rivages algériens ? Pourtant, il y a de grandes foules à chaque week-end. Selon le directeur du tourisme de la wilaya de Boumerdès Nor Zoulim, jusqu'à fin juillet, pas moins de 300 000 baigneurs avaient pris la destination de l'une des plages de Sidi-Daoud. Même durant le mois du Ramadhan il y avait des vacanciers qui y venaient durant la journée. «Nous veillons à ce que les visiteurs passent des moments tranquilles. Pas plus tard que ce matin, un groupe de jeunes est venu avec un gros chien. Nous leur avons dit que cette bête pouvait agresser un enfant. Ils ont compris notre message et ils sont partis», attestera l'un des pêcheurs de Sahel Bouberak. «Des jeunes viennent nous demander s'ils peuvent camper. Nous les rassurons et ils s'installent», dira pour sa part Touileb, le vice-président de la mairie que nous avions joint par téléphone. Effectivement, nous avons constaté, ce dimanche que les familles étaient sereines et permettaient à leurs enfants de s'adonner à leurs jeux préférés. Et pourtant cette région sort d'une période terrible. A Zaki, le Constantinois qui a quelques appréhensions sur le regard persistant des jeunes de la localité, nous pointâmes le doigt en direction de la montagne pour lui dire : «Tu vois cette montagne, il n'y a pas si longtemps les services de sécurité ne montaient pas là comme ils le voulaient. La plage où tu es, était le royaume exclusif des pilleurs de sable et leurs patrons les terroristes des GIA, du GSPC puis d'Aqmi. Les jeunes te regardent pour s'assurer que tu fais bien partie du camp des pacifiques.» A l'occasion, il y a lieu de louer le travail et les grands sacrifices des éléments du bataillon des fusillés marins (BFM) de l'ANP, en particulier l'un de ses officiers que la population de Sidi Daoud appelait affectueusement le commandant Slimane, qui ont chassé ou éliminé les terroristes de cette région pour la sécuriser. Pour revenir aux plages de Sidi-Daoud, Zoulim, le directeur du tourisme qui est sur tous les fronts... et sur tous les rivages se démène quotidiennement, c'est ce que nous constatons régulièrement, avec les communes de la wilaya de Boumerdès pour les faire bouger afin qu'elles assurent le minimum aux estivants. Ce n'est pas toujours facile. Au niveau des collectivités territoriales où les élus et les responsables locaux ne sont pas encore imprégnés de la culture du tourisme et de ses exigences, les uns et les autres privilégient la léthargie. A leur décharge, ils ont d'autres revendications citoyennes et, en majorité, ils sont dépourvus de moyens. C'est le cas de toutes les communes de l'Est de la wilaya. On peut considérer que Sidi Daoud qui a une vocation totalement agricole, donc n'a pas de fiscalité à récolter, est, financièrement, sinistrée. A notre question sur l'entame des travaux d'aménagement des accès à deux plages en pleine saison estivale ; ce qui est gênant pour les vacanciers surtout les automobilistes, le vice-président de l'APC rétorqua : «Nous avons lancé les travaux dès que nous avons reçu les deux subventions de 12 millions de dinars de la wilaya. C'est-à-dire en retard.» De son côté la direction du tourisme a débloqué 3 800 000,00 dinars pour réaliser des aménagements de parking, l'acheminement de l'eau potable, l'installation de l'éclairage public et quelques équipements publics comme les locaux de la Protection civile. De plus Zoulim a affecté quelques sanitaires tout neufs en préfabriqué démontables. «Je sais que la commune de Sidi-Daoud est dépourvue de moyens et notre aide reste insuffisante, mais nous intervenons dans les 9 communes du littoral de la wilaya de Boumerdès pour améliorer la situation des 35 plages que compte cette région soit une longueur globale de 27 900 mètres. Dans notre plan de développement à long terme, nous avons prévu pour Sidi Daoud, d'autres travaux pour améliorer les plages existantes et ouvrir d'autres», dira Zoulim que nous avons croisé alors qu'il était en inspection à Cap-Djinet. Selon le directeur exécutif, des projets touristiques sont en étude pour leur implantation dans cette agglomération. Un propriétaire de terrain a eu l'accord pour créer, à quelques pas de la mer, un centre de vacances de 350 lits et un investisseur a eu l'accord pour bâtir un camping pour abriter des centaines de vacanciers. A Sidi- Daoud, ou ailleurs dans la wilaya de Boumerdès, il y a un énorme potentiel dans le cadre de l'investissement dans le secteur des vacances balnéaires. Le crime des pilleurs de sable Sur le rivage de Sidi Daoud, il y a certes la tranquillité et l'eau pure de la Méditerranée. On s'y sent à l'aise, mais beaucoup d'insuffisances sont à relever. Au niveau des 4 plages, aucun commerce n'est ouvert. L'arrière de la plage de Souanine 1, la plus à l'ouest de la petite bourgade de Bouberak est sale. D'ailleurs nous la déconseillons. A certains endroits les dunes sont déformées à cause de l'extraction illégale du sable. Cette extraction a causé d'énormes dégâts y compris sur les terres agricoles. Un ancien restaurant a été détruit par les vagues suite à l'érosion, mais fort heureusement le sable commence à s'accumuler. Ce dimanche, les enfants ne faisaient pas cas de ces insuffisances. Ils s'amusaient comme des diables et riaient à gorge déployée. Les responsables doivent savoir qu'il y a des milliers d'autres enfants algériens qui ne demandent qu'à venir à Sidi Daoud ou ailleurs dans l'une des plages de Boumerdès pour aimer la mer et s'amuser.