Dans la mesure où la nouvelle Centrale des risques des entreprises et ménages est opérationnelle et que les banques primaires sont censées être prêtes, qu'est-ce qui pourrait retarder encore le lancement concret de l'octroi de crédits à la consommation ? Est-ce l'incertitude sur la nature des biens et services concernés ? Les marques de véhicules sont-elles toutes éligibles à ce type de financement ? Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Suspendu par une disposition de la loi de finances complémentaire de 2009, l'octroi du crédit à la consommation aux ménages a été relancé lors de la réunion tripartite (gouvernement-UGTA-patronat) de février 2014. Une suspension motivée alors par le souci de juguler l'envolée des importations et la sortie de devises et par l'objectif de soutenir la production domestique. Relancé officiellement par une disposition de la loi de finances 2015 dans le but justement de promouvoir la consommation de la production nationale, ce type de financement bancaire a été entériné par un décret exécutif pris au mois de mai de cette année. Ce texte définit le crédit à la consommation en tant que «toute vente de bien dont le paiement est échelonné, différé, ou fractionné». Il précise en fait les conditions et les modalités d'octroi du crédit pour les biens fabriqués localement. Ainsi, ce type de crédits peut être accordé aux particuliers, pour une durée supérieure à trois mois et n'excédant pas soixante mois. Soulignons toutefois que l'octroi du crédit à la consommation est réservé exclusivement aux nationaux résidents. Ce crédit permet l'acquisition de produits d'entreprises qui exercent une activité de production ou de service sur le territoire national, produisent ou assemblent des biens destinés à la vente aux particuliers, sont en règle avec l'administration fiscale et les organismes de Sécurité sociale, sont bancarisées et vendent avec factures. En outre, l'offre du crédit doit comporter des informations sincères et loyales précisant notamment les éléments de l'offre, les modalités de son octroi ainsi que les droits et obligations des parties au contrat de crédit. Le montant mensuel global de remboursement du crédit contracté, par l'emprunteur, ne peut en aucun cas, dépasser 30% des revenus mensuels nets régulièrement perçus. Ceci, dans le but d'éviter le surendettement du client. Un risque que la mise en place au niveau de la Banque d'Algérie d'une nouvelle Centrale des risques des entreprises et ménages (Crem) est censée permettre de juguler. Or, cette Centrale, une base de données qui collecte et restitue toutes les données relatives aux crédits bancaires octroyés et à la situation financière des demandeurs dont les défauts de paiement, est opérationnelle sur le plan technique. Entrée en production dès le 15 septembre 2015, après une année de réalisation et de tests techniques, la Centrale est accessible en ligne par les banques et les établissements financiers de la place ainsi que les succursales de la Banque d'Algérie. Dès la fin septembre, en fait le début d'octobre, ces banques pourront déclarer ces données à la Centrale des risques qui commencera à les centraliser et à les restituer tout au long du mois. Ainsi, la Banque d'Algérie a été au rendez-vous en mettant en place la Crem. Ce faisant, les banques primaires sont également prêtes à octroyer ce type de financement. Ce qui relève au demeurant de leurs prérogatives et non de la Banque centrale. En effet, ces banques ont été informées officiellement, via une correspondance de la Direction générale du crédit et de la réglementation bancaire, de la réception opérationnelle de la Centrale. Comme les banques ont dû mettre en place au niveau de leur réseau d'agences les conditions adéquates en termes d'ingénierie et d'information en interne. A charge cependant que les agents de banques soient au fait des produits et services éligibles au crédit à la consommation. Ce qui n'est pas évident et pourrait peut-être retarder la relance effective du crédit. Certes, le décret exécutif indique que les biens éligibles sont ceux fabriqués par des entreprises de production ou de service exerçant sur le territoire national, par des sociétés de production ou d'assemblage de biens destinés à la vente aux particuliers. Toutefois, l'identité des entreprises concernées n'est pas encore connue. Jusqu'à nouvel ordre, aucun texte réglementaire, aucun document officiel n'a été rendu public et identifiant clairement les entreprises éligibles, les produits concernés. De même, le taux d'intégration des produits concernés – déterminant le volume de composants importés dans le volume global — reste flou, même si le décret exécutif cité plus haut indique que «les biens éligibles peuvent répondre à un taux d'intégration fixé, en tant que de besoin, par arrêté ministériel». Or, les biens éligibles doivent-ils répondre à un taux d'intégration précis, de l'ordre de 5% ou de 10% ? De 30% ou 45% ? Ou plus ? Ce taux sera-t-il fixé comment et par qui ? C'est encore l'incertitude. En effet, le grand public ignore si une quelconque commission ministérielle, interministérielle ou multisectorielle a été mise en place en ce sens, s'est réunie et aurait établi la liste des biens ou fixé un taux précis. Ce qui ouvre la voie tant à l'arbitraire qu'à l'incertitude et permet à tout opérateur économique, même exerçant une simple activité de production ou de montage, de prétendre être éligible en arguant de la disposition réglementaire suscitée. Sachant que le dispositif du crédit à la consommation avant sa suspension en 2009 concernait essentiellement les véhicules et à un degré moindre l'électroménager et l'ameublement, en sera-t-il également le cas dans quelques jours ? Suffira-t-il qu'un produit, notamment un véhicule automobile soit assemblé localement, même avec un taux d'intégration quasi nul, pour qu'il bénéficie automatiquement du label production algérienne et soit éligible de facto ? Les marques de véhicules sont-elles toutes éligibles au dispositif ? Tel produit électroménager ou d'ameublement serait-il davantage éligible qu'un autre, parce fabriqué sur la base d'un tel ou tel taux d'intégration ? Un questionnement qui se pose dans la mesure où la nature des biens concernés reste encore méconnue et que le discours des pouvoirs publics est quelque peu flou à ce propos. Notons que le ministre de l'Industrie et des Mines avait considéré, la veille de l'entrée en production de la Crem, que «quand la Banque d'Algérie aura fait son travail, les entreprises auront à étudier» les modalités de ce dispositif. Ce qui n'a pas été donc encore enclenché. Dans la mesure où justement la Banque centrale est au rendez-vous et que les banques primaires sont prêtes, qu'est-ce qui pourrait constituer une contrainte, un facteur de retard dans le lancement effectif du crédit ? A moins de l'indisponibilité des liquidités bancaires, une éventualité pourtant relativement nulle, et nonobstant les questions de rentabilité, aucune raison ne justifierait donc un quelconque retard. Mais serait-ce le cas ?