Souvenez-vous, c'était le bruit qui envahissait le salon quand, peu après l'émission «Nulle part ailleurs», Canal+ repassait en crypté. Remplacé depuis plusieurs années par un simple écran noir, vous risquez d'entendre (et de voir) ce cryptage à nouveau. Invité de RTL, jeudi 8 octobre, le patron du groupe Canal+, Vincent Bolloré, a annoncé le retour du «cryptage à l'ancienne», afin de «susciter l'envie de s'abonner à Canal+». «Le téléspectateur doit avoir envie de nous rejoindre», a-t-il expliqué. Un argument qui émeut sans doute toute une génération de téléspectateurs, encore intrigués par la légende urbaine de la passoire (agiter l'ustensile devant l'écran devait soi-disant vous permettre de regarder le match – ou autre chose – sans décodeur).Il «écoute les critiques» et fait confiance au «Grand Journal» «Canal+ est aujourd'hui dans un modèle essoufflé», a ajouté l'industriel et homme d'affaires, qui ne cesse de susciter la polémique depuis qu'il a pris les rênes du groupe, en septembre. «J'écoute les critiques, mais quand vous avez besoin de faire bouger une maison, il faut changer les choses.» Pour redynamiser ce modèle, il a renouvelé sa confiance à l'équipe du «Grand Journal», et à sa présentatrice Maïtena Biraben, vivement critiquée depuis la rentrée. «On ne peut juger de rien en quatre semaines, il faut lui laisser le temps», a-t-il expliqué, assurant qu'il n'y avait «aucun plan B», visant à la remplacer. En revanche, il n'a pas indiqué si «Les Guignols de l'info» absents de l'antenne depuis la rentrée, seront, un jour, de retour à l'écran, avec ou sans cryptage. Pourquoi le «Grand Journal» de Canal + vire au fiasco Pour sa semaine de rentrée, la nouvelle formule de l'émission phare de la chaîne cryptée a connu des audiences catastrophiques. Une émission trop lisse Premier reproche adressé à l'émission : un ton trop lisse, policé. En témoignent les multiples commentaires négatifs publiés sur la page Facebook par des téléspectateurs qui déplorent une nouvelle formule «convenue», «insipide», «triste», «fade», «ennuyeuse»... La nouvelle présentatrice, Maïtena Biraben, avait d'ailleurs elle-même revendiqué ce changement de braquet, en début de semaine, promettant un ton plus lent et «plus poli», car, à ses yeux, le «Grand Journal» était devenu «trop fragmenté». Problème : L'émission n'est pas assez dynamique. Or, on sait que, à cette heure-là, sur les autres chaînes, tout s'enchaîne, ça rigole énormément. Le public aime le piquant ! A cette heure-là, les gens picorent et zappent beaucoup entre les chaînes. Des sujets trop lourds Quand on regarde la courbe d'audience de l'émission, on observe qu'elle est en dents de scie. Cela signifie que les gens viennent, regardent, que l'émission ne leur plaît pas, et qu'ils s'en vont. En cause, des sujets «très bien faits», mais «hyper pointus». «Quand tu diffuses un sujet de cinq minutes à 19h25, tu largues tout le monde», insiste-t-il. Jérôme Ivanichtchnko, journaliste médias à Europe 1, pointe lui aussi du doigt des «reportages souvent très longs, sur des sujets très lourds, trop lourds pour un téléspectateur qui rentre d'une journée de travail». Journaliste pour le site Konbini, Rachid Majdoub ne dit pas autre chose : il déplore «une surdose d'information anxiogène, à l'heure où le téléspectateur préfère un programme s'apparentant davantage au "Petit Journal" de Yann Barthès». Des chroniqueurs trop discrets Pour Jean-Michel Aphatie, qui a quitté l'émission au mois de juin en même temps qu'Antoine de Caunes, «le plateau est un peu faible». «Maïtena est à la hauteur de ce qu'on connaît d'elle. Elle a vraiment de la présence. Après, il manque dans l'équipe des chroniqueurs, quelqu'un de vraiment fort et sérieux pour l'épauler» estime, dans un entretien à Metronews.fr, celui qui a enchaîné neuf saisons d'affilée dans le «Grand Journal». L'équipe a été choisie dans l'urgence et sans véritablement avoir de marge de manœuvre. Les chroniqueurs sont trop figés. Maïtena Biraben n'a pas jugé nécessaire de s'entourer d'experts, comme Jean-Michel Aphatie ou Karim Rissouli l'an dernier. Or, avoir des chroniqueurs qui ont une vraie personnalité, qui en imposent par leur analyse, par leur humour, c'est indispensable dans ce genre d'émission. Un goût de déjà vu L'émission a aussi «un petit goût de déjà vu : Le Grand Journal ressemble à une déclinaison quotidienne du supplément, le magazine que Maïtena Biraben présentait chaque dimanche midi jusqu'à la fin de la saison dernière. L'animatrice a changé, les chroniqueurs ont changé mais, finalement, le concept, ça reste une animatrice, des chroniqueurs et un invité politique autour d'une table, qui débattent sur deux ou trois actualités». Mais à la base la première grosse erreur est d'avoir gardé le même nom. Changer de nom aurait donné un signal très fort. La fin des «Guignols» trop dure à amortir Enfin, dernière explication – et pas des moindres – de ce fiasco : la suppression des «Guignols de l'info», décidée par le nouveau patron, Vincent Bolloré. L'an dernier, cette tranche de l'émission, diffusée en clair peu avant 20 heures, attirait en moyenne 1,8 million de téléspectateurs. Cela signifie que les «Guignols» assuraient 30 à 40% de l'audience du Grand Journal. Ce qui permettait à l'émission d'assurer des scores relativement corrects. Et, si la direction de Canal + a promis des ajustements constants pour cette nouvelle formule, Maïtena Biraben et sa bande ne pourront, quoi qu'il arrive, pas compter sur les marionnettes de cire pour redresser la barre. Peu appréciées par Vincent Bolloré, elles ne devraient revenir à l'antenne qu'au cours de ce mois d'octobre, à 20h50 et en crypté, sans leur mythique présentateur, PPD, remercié par le nouveau patron du groupe.