Par Ahmed Halli [email protected] Des chiffres qui ne parlent qu'à ceux qui veulent les entendre, et y croire surtout, des chiffres qui annoncent des morts, par noyade en Méditerranée, par égorgement autour du même berceau de l'humanité. Des chiffres catastrophes qui annoncent des jours sombres pour nos économies et pour notre planète, comme le prix du pétrole et le réchauffement climatique. Un chiffre, enfin, pour finir l'année, non pas en beauté, mais dans un tonnant éclat de rire pour accueillir la nouvelle d'une coalition anti-Daesh, formée autour des principaux créateurs de terrorisme et de violence. Trente-quatre, ils sont trente-quatre, à former une sainte-alliance, autour des préceptes de l'ignorance sacrée, et pour combattre l'obscurantisme génocidaire qu'ils ont répandu sur la planète. Quand je vous disais, il y a peu, qu'il y a des scénarios que ne renierait pas Coppola, l'auteur d'Apocalypse Now, j'étais loin du compte, bien loin. Il ne s'agit plus d'envoyer des tueurs à Mossoul liquider l'agent «0077», calife autoproclamé, mais de combattre son «Etat» là où il se trouve. De préférence en Syrie, en Irak, et plus loin vers le Maghreb, encore peu sûr et peu correct vis-à-vis de la doctrine officielle qui régit le monde musulman grâce aux pétrodollars. On pourra toujours pousser plus loin, jusqu'à imaginer un débarquement en Normandie, mais de plus en plus loin des sanctuaires. Les 34, en chiffres par souci d'économie, vont donc se battre contre le nouvel ennemi de l'humanité, qui n'a plus le visage de Poutine, mais celui de l'émir Baghdadi, qui a osé rompre ses amarres. Au départ, et suivant sa feuille de route, le «commandeur des croyants» devait massacrer autant de chiites, quelques sunnites, Kurdes de préférence pour faire vrai, et débarrasser accessoirement Damas de son dictateur. Seulement, le personnage préféré de Coppola a vu trop grand et trop loin, ou plus grand et plus loin que ses créateurs et apprentis sorciers. À un moment, et après tant de massacres, il a bien fallu s'interroger sur l'identité du montreur de marionnettes, tentées de rejouer la révolte des «zindjs», et des doigts se sont pointés vers Riyad. Après avoir échoué à mobiliser pour le djihad contre la Russie (avec l'appel de ses 53 cheikhs), et dans la foulée alourdie de son enlisement au Yémen, l'Arabie Saoudite annonce une armada islamique, pour ne pas dire islamiste, contre les djihadistes. Et, comble d'intelligence tactique ou de roublardise, la monarchie wahhabite se dit disposée à coopérer avec la Russie, dénoncée hier comme l'ennemie principale de l'Islam et des musulmans. Du coup, Poutine a des raisons de se frotter les mains et de se dire qu'en fin de compte, la foi ne pèse pas grand-chose face aux calculs d'intérêts. Quant aux «24», engagés avec les «10» du Yémen pour former la coalition des «34», le moins que l'on puisse dire de ces pays est qu'ils ne passeront jamais à l'Histoire comme des modèles de démocratie et de bonne gouvernance. Autrement dit, on se moque de nous, surtout lorsqu'on nous annonce qu'en plus des bombes et des fusils, on compte combattre le terrorisme avec l'arme de la religion. On a vu les merveilleux résultats que la surenchère religieuse a obtenus en Algérie, où tous nos minarets ne bruissent que d'hymnes à la paix et à l'amour du prochain! Il ne reste plus que quelques mosquées à conquérir, et Baghdadi pourra nous visiter en suzerain, si les frappes russes faiblissent au point de se transformer en «frappes américaines». Car, il n'est pas possible de croire qu'en l'état actuel des choses, les «34» auxquels il faudra ajouter sans doute le signe moins bientôt, soient capables de faire mieux que les «10». Nous sommes, en effet, en surdose de religion et des effets secondaires de la religiosité ostentatoire qui ne profitent qu'aux forces politiques qui utilisent l'Islam comme marche vers le pouvoir, quitte à le fouler aux pieds par la suite. On peut admettre que le wahhabisme est en train de se réformer timidement dans son sanctuaire saoudien, mais sa forme la plus virulente triomphe jusqu'au cœur de l'Europe. Sans compter l'emprise sur les médias arabes, journaux et chaînes de télévision, qui propagent la même idéologie, mus par des sympathies idéologiques ou plus souvent par des stimulants financiers conséquents. Ainsi, en dehors du quotidien cairote Al-Ahram pour des raisons évidentes, il y a très peu de journaux arabes qui ont évoqué la récente sortie de David Cameron contre le mouvement des Frères musulmans. Le Premier ministre britannique qui a écarté une éventuelle interdiction du mouvement des Frères musulmans a toutefois mis en garde contre les dangers qu'ils représentaient. Le mouvement, né en Egypte, et qui a essaimé dans tous les pays musulmans, sait ce qu'il doit à l'occupation britannique, et c'est pour cela qu'il a choisi Londres comme base de repli et d'action. Les Frères musulmans sont tellement présents et influents en Grande-Bretagne qu'ils ont été informés avant tout le monde d'un rapport défavorable les concernant. Ce rapport les désignant comme inspirateurs ou responsables indirects d'attentats terroristes dans le monde n'est toujours pas rendu public, alors qu'il existe depuis plus d'un an. Commandé par le gouvernement aux services de renseignement, le rapport préconise de traiter certaines branches de la mouvance comme des éléments extrémistes et dangereux. Les Frères musulmans se sont offert en mars dernier les services d'un des plus grands cabinets d'avocats de Londres pour défendre leur «image de marque» au cas où elle serait encornée par le fameux rapport. D'où la relative prudence de David Cameron qui a toutefois révélé les grandes tendances du rapport très préjudiciables à l'organisation islamiste, dans une lettre récente au Parlement. Ce qui fait dire à Al-Ahram que si la Grande-Bretagne, connue pour ses liens étroits avec les Frères musulmans les tient désormais en suspicion, il faut s'attendre à ce que d'autres pays occidentaux commencent eux aussi à enquêter. Et il n'est pas exclu que l'on découvre que la mouvance islamiste égyptienne a quelque chose à voir avec les récents attentats en France et aux Etats-Unis. Une conclusion qui paraît logique au vu des motivations religieuses et idéologiques qui animent les théoriciens de l'islam politique et les exécutants des attentats terroristes.