Le ministère de l'Energie vit, depuis quelques jours, une atmosphère singulière. Les récentes décisions du ministre ont provoqué la colère de certains cadres qui ont décidé de porter cette crise sur la place publique. A l'origine de cette situation, une simple convocation, la semaine dernière au cabinet du ministre, du directeur général des hydrocarbures, Mustapha Hanifi. Ce dernier représente également le ministère de l'Energie au sein du conseil d'administration de la Sonatrach. Le ministre, Salah Khebri,lui reproche sa passivité lors des réunions du conseil d'administration et de ne pas s'opposer à certaines décisions de l'organe exécutif de la Sonatrach. Hanifi répond sèchement que son rôle est d'appuyer le groupe pétrolier dans son plan de développement et qu'il n'a nullement l'intention de prendre part à la guerre menée par le ministère contre la Sonatrach. Le esprits s'échauffent à tel point que le directeur général hydrocarbures décide de quitter le bureau du ministre sans la permission de ce dernier. Aussitôt, le ministre de l'Energie prend la décision de le relever de ses fonctions de directeur général et de le remplacer dans ce poste par un autre cadre du ministère, Youcef Ourradi. Ce dernier hérite également du mandat d'administrateur dans le conseil d'administration de la Sonatrach. Nominations en cascade La semaine dernière aura été riche en rebondissements au sein du ministère. En une journée, celle du 30 mai, le ministre de l'Energie procède à la nomination de quatre «coordinateurs» dans des postes de directeurs généraux censés être nommés par décrets présidentiels. Il s'agit de la direction générale hydrocarbures, celle du développement des hydrocarbures, celle du transport et de la commercialisation des hydrocarbures et celle de l'électricité, du gaz et des énergies renouvelables. Pour couronner le tout, le ministre fait appel à une «mécontente» de la Sonatrach pour l'installer au poste de secrétaire générale du ministère. D'aucuns commentent ces nominations par une intention d'accentuer la guerre menée depuis des mois à la Sonatrach et à la Sonelgaz. Ce front anti-Sonatrach s'est renforcé par l'adhésion d'un haut cadre du ministère, dont le fils est pilote au niveau du groupe Tassili Airlines. Une enquête interne du groupe a révélé que le fils du chef du cabinet n'a pas obtenu les diplômes nécessaires et que les conditions de son recrutement ne seraient pas légales. La direction de la compagnie aérienne de la Sonatrach a donc décidé de porter cette affaire devant les tribunaux. Rébellion ou solidarité ? La mise à l'écart de Mustapha Hanifi n'est pas restée sans conséquence. Ce dernier a décidé d'en informer les décideurs du pays. D'autant plus qu'il interprète les faits dans une logique de guerre contre la Sonatrach. Mais, le plus surprenant est surtout l'attitude de son successeur Youcef Ourradi. Ce dernier refuse de procéder à la passation des dossiers et formule une demande de congé. C'est alors que le secrétaire général du ministère lui transmet, en date du 2 juin, une lettre assez menaçante. «La lecture des mails (...) échangés avec le chef de cabinet et monsieur Hanifi, juste après la formalisation, en interne et en externe, des décisions qui en ont découlé, fait ressortir une fuite de responsabilité, d'une part. Je porte à votre connaissance, d'autre part, que votre demande de congé, quelles qu'en soient les raisons, à partir du 5 juin, adressée à monsieur le Minsitre, n'a pas encore reçu son avis», écrit-il. Après avoir sommé Youcef Ourradi de procéder immédiatement aux passations de dossiers avec Mustapha Hanifi, le secrétaire général adopte un langage plus virulent : «Je vous informe que vous assumez toutes les responsabilités qui découleraient de tout manquement, retard, perturbation dans les activités HYD et de leurs conséquences et ce, depuis la date d'effet de ladite décision.» La réponse de Youcef Ourradi est immédiate et sans appel. Par un e-mail, qu'il met en copie à Mustapha Hanifi, et le chef de cabinet Mohamed Bouamama, Ourradi écrit au secrétaire général : «En réponse à votre envoi (...), je vous informe que j'ai toujours assumé mes responsabilités, par conséquent, vos menaces n'ont aucun effet sur moi.» Il ajoute : «Par ailleurs, je vous confirme que je ne suis en rien concerné par vos décisions et que mon départ à la retraite est un droit inaliénable.» Autrement dit, Ourradi refuse d'assumer le poste de GD HYD, refuse le mandat d'administrateur au conseil d'administration de la Sonatrach et s'acharne surtout à réclamer son droit à la retraite. Une situation de gravité inédite dans un ministère aussi important que celui de l'Energie.