Si le pont romain relie, depuis 19 siècles, les deux parties de la ville d'El Kantara à Biskra traversée par l'oued El Hay, Dechra El Hamra (Village rouge) constitue, à sa manière, un autre pont par lequel sont passées plusieurs vagues humaines et civilisations à travers les âges. Les peintures rupestres découvertes sur les monts alentour, témoignent de l'établissement humain à El Kantara dans un passé lointain, et celle-ci «semble avoir toujours été un point de jonction entre le nord et le sud de l'Algérie», comme le souligne le chercheur Omar Kebbour dans son étude sur «Les sites historiques et archéologiques de la région d'El Kantara». L'armée romaine est passée par El Kantara, y a implanté une colonie et y a construit le célèbre pont de la cité classé depuis 1900, alors que les fameuses gorges du site sont classées depuis 1923, note le même chercheur. Anciennement appelée Dechra Dhahraouia, El Kantara, une importante cité des Ziban, est désignée sous l'occupation française Village rouge, traduit par Dechra El Hamra, le rouge étant la couleur de sa terre et de ses maisons, relève Kebbour. Occupant 6 hectares du piémont de la rive occidentale de l'oued El Hay, Dechra El Hamra est bordée à l'est et au sud par de vastes oasis de dattiers et est limitée à l'ouest par un lotissement constructible. Ses maisons sont accolées l'une à l'autre et reliées par d'étroites ruelles sinueuses. Jadis, la cité était accessible par trois grandes portes. La terre et les troncs de palmiers-dattiers sont le matériau de construction de base, d'où l'impression d'harmonie avec son milieu naturel qu'éprouve le visiteur, au premier coup d'œil. Très sobre, l'organisation des maisons est quasi identique dans la dechra. Chaque demeure a ainsi une pièce spacieuse appelée skifa, réservée à l'accueil des hôtes, en plus de plusieurs pièces pour les membres de la famille et une cour. L'éclairage des pièces est assuré par de petites ouvertures dans le toit et l'aération par des ouvertures latérales en forme de triangle. Les murs ont une épaisseur de 40 centimètres, ce qui assure à l'intérieur une isolation thermique qui rend les températures agréables été comme hiver. Outre les maisons privées, le tissu urbain de la cité comprend des édifices publics dont des mosquées, des zaouïas, des mausolées, des écoles coraniques, des ateliers d'artisans, des bains publics, des cafés et des commerces. Un musée conservant des vestiges de l'époque romaine y a été ouvert. Noyau originel de la ville d'El Kantara, Dechra El Hamra, encore habitée, «constitue, par son architecture et son organisation urbanistique singulière un modèle culturel d'une grande valeur», estime le directeur de la culture Hadj Meshoub. «D'un point de vue touristique, le village présente un intérêt particulier : en tant que patrimoine matériel et immatériel, il est d'autant plus intéressant qu'il s'insère dans les magnifiques paysages verdoyants des immenses vergers de dattiers prenant vie au pied de sa majestueuse falaise et ses gorges saisissantes», souligne pour sa part le président de l'Association de l'office local du tourisme, Noureddine Chelli.