Par Touhami Rachid Raffa Bravo et merci à Hassane Zerrouky d'avoir remis à l'avant-scène le sort tragique de Raif Badawi et le combat extraordinairement courageux de son épouse Ensaf Haidar. En effet, l'avalanche de nouvelles fait que la campagne lancée à l'échelle internationale pour la libération de Raif des geôles saoudiennes semble s'essouffler. Cependant, permettez-moi de vous faire part de la profonde inquiétude ressentie dès l'hypermédiatisation de la situation. Il était trop tard pour dissuader Ensaf de suivre la ligne des organisations des droits de l'Homme, dont la Ligue des droits et libertés du Québec et Amnesty International qui, naïvement et en toute bonne foi, ont manqué de discernement. La diplomatie était à l'œuvre dans cette affaire, ce qui requiert la plus grande discrétion compte tenu de l'ego démesuré des dirigeants d'Arabie Saoudite, touchés de plein fouet dans leur orgueil de potentats appuyés sur des religieux au service de la dictature wahhabite. Hélas, Ensaf s'est laissée convaincre de l'efficacité d'une campagne publique de mobilisation à grande échelle qui, ailleurs, aurait fini par porter ses fruits, mais hautement risquée et vouée à l'échec en ce qui concerne l'Arabie Saoudite. Le principe d'une telle mobilisation est sain et dénote la vitalité de sociétés civiles capables de solidarité transcendant les frontières. C'est la mise en œuvre de la campagne qui s'avère, dans le cas saoudien, totalement improductive, voire davantage accablante pour le malheureux Badawi. Il est à craindre que cette victime ne puisse goûter avant longtemps à la liberté dont elle est privée indûment et injustement. Il est trop tard pour mettre fin à la campagne «Raif Badawi» sur la scène internationale des droits de l'Homme. Ensaf Haider est malheureusement prise dans un mouvement dont chaque étape ne fait qu'aggraver le cas déjà lourd de Raif. Outre sa peine – assortie de bastonnades – ce dernier doit payer pour l'engagement de son épouse, circonstance aggravante s'agissant d'une femme qui a osé prendre la parole, ôter son voile et crier sa douleur et celle de ses enfants à la face du monde. L'exercice légitime du droit — et du devoir — de dénoncer l'injustice s'est avéré inutile, voire préjudiciable à Raif Badawi ; il reflète un certain angélisme occidental qui, en l'occurrence, n'a pas tenu compte des réalités socio-culturelles et politiques saoudiennes. Se résoudre à ménager la susceptibilité exacerbée de la famille régnante des Saoud valait bien la libération du prisonnier. La diplomatie canadienne a été freinée dans son action discrète pour alléger la peine de Raif et lui rendre probablement la liberté et un visa de sortie pour rejoindre les siens à Sherbrooke (Québec).