[email protected] Comment ne pas comprendre que la fameuse opposition politique fait partie d'un jeu politique qui conforte toujours le système ? Dans l'une de ses contributions succulentes à un réseau social, mon ami Hakim Laâlam posait crûment cette question : comment et pourquoi cette opposition, qui passe son temps à critiquer vertement le pouvoir et à parler de large fraude, va-t-elle, mine de rien, à cette élection ? Question toute simple et qui interpelle les consciences. Sans faire appel à un institut de sondage, -encore que ce genre de machins ait superbement prouvé son inutilité parce que tapant de plus en plus à côté -, je peux affirmer, aujourd'hui 30 novembre 2016, que c'est le FLN qui remportera les prochaines élections et que la même majorité se redessinera sur les travées de l'APN ! Je crois aussi que l'opposition aura un peu plus de sièges puisqu'il s'agira de récompenser les non-boycotteurs, mais sans remettre en cause la suprématie du camp présidentiel. Le système s'en fout des partis d'opposition sauf quand il s'agit de les faire participer aux élections car ce semblant de démocratie s'en trouverait lourdement affecté. Dans les assemblées qui disposent partout d'une large majorité, ce système fait ce qu'il veut : ainsi, il aura de beaux jours devant lui. Comme je suis un chroniqueur et non pas un opposant politique, je dis souvent qu'il ne faut pas nier les efforts déployés pour mettre à niveau l'infrastructure du pays qui était non seulement en retard, mais qui a également été sabotée et détruite par les islamistes armés. Je parle aussi des efforts du gouvernement en matière de routes, logements, universités, etc. Personne ne peux les nier et nous sommes mieux placés pour en parler, car nous faisons du pays sans cortège, ni «maquillage » spécial des walis. Mais l'on pourrait me rétorquer : quel mérite ? Quand il y a de l'argent, il est un peu normal qu'il soit utilisé dans ces investissements publics. En fait, ce qui a manqué à ce pays est un grand projet novateur, un souffle salvateur qui chasserait le désespoir pour remporter l'adhésion des jeunes, pour installer définitivement l'enthousiasme et l'espoir dans leurs cœurs. Nous pouvons construire des millions de logements, mais tant que leurs occupants n'auront pas un salaire digne, un travail stable, rien ne sera réglé. Des familles, originaires des vieilles villes, ne tardent pas à louer ou à vendre carrément les nouveaux logements car ils n'ont pas de quoi payer les charges, l'électricité et l'eau et le transport. Dans les vieux quartiers, ils pirataient les réseaux de distribution d'eau et d'électricité et n'avaient pas besoin de prendre le bus pour aller au marché tout proche. La majorité des jeunes que je connais, et principalement les diplômés, sont à la limite du découragement. Un docteur en médecine, placé dans le cadre de «l'emploi des jeunes», de surcroît pistonné car les postes sont accordés au compte-goutte, touche 7 000 DA par mois ! 70 euros par mois ! Etudier 20 années pour en arriver là, c'est plus que révoltant ! Bien sûr, on vous expliquera que c'est le résultat d'une politique audacieuse pour faire travailler les jeunes et qu'il ne s'agit pas du vrai salaire d'un médecin. Et de vous sortir toutes les mesures prises dans le cadre de l'emploi des jeunes, une politique sans effet réel sur le chômage et dont le premier résultat est de décourager nos universitaires obligés d'accepter n'importe quel poste et n'importe quelle paie pour ne pas pourrir dans les rues. Et le problème est encore plus grave pour les jeunes filles : un travail, c'est souvent la possibilité de quitter les quatre murs de la prison – pas dorée du tout – où elle moisit. Des jeunes filles, à la fleur de l'âge, m'ont clairement dit qu'elles «attendaient la mort !» Entendez-vous cela ? Est-ce normal et existe-t-il un autre pays où les demoiselles sont aussi tristes et aussi désespérées ? Entendez-vous les cris des pilotes qui ont honte lorsqu'ils comparent leurs salaires à ceux de leurs collègues des autres pays ? Et les professeurs d'université, les cadres, les juges ? N'est-il pas honteux, pour l'Algérie, pour nous, que le plongeur d'un hôtel international à Alger, touche mieux qu'un président-directeur général d'une société qui brasse des centaines de millions de dinars ? Et vous voulez qu'ils votent ? Quand un jeune trabendiste réalise, en deux tours, trois mouvements, des bénéfices qui dépassent l'entendement, quand les employés et les cadres sont tentés de puiser dans les caisses pour compenser la perte de leur pouvoir d'achat, quand une Algérie riche, jamais vue auparavant, jamais imaginée, nargue l'Algérie populaire, celle qui se lève tôt pour aller chercher le pain et le lait – Ah ! Le lait –, c'est qu'il y a maldonne ! Et, comble du comble, voilà qu'on touche aux maigres retraites... A l'heure où le monde découvre l'horreur de l'ultralibéralisme, nos dirigeants en perçoivent les supposés... bienfaits ! L'économie de marché est-elle donc cette manière brutale, scandaleuse, d'enrichir les uns au détriment des autres, est-elle dans la fuite des capitaux ? Nous avons la chance de vivre dans la vraie Algérie qui ne saurait se résumer à un discours ou à l'éditorial d'un khobziste: les acquis de 45 années d'indépendance, en termes d'industrialisation, sont gaspillés entre fermetures d'unités et bradages sous forme de privatisation aveugle. Cette pratique scandaleuse a offert sur un plateau des entreprises qui ont été fermées pour permettre aux produits importés de s'écouler facilement. Faut-il préciser que ces produits viennent des usines étrangères de ces mêmes acheteurs ? Si vous êtes étranger, toutes les portes s'ouvrent devant vous. Mais si vous êtes algérien hors cercle des donateurs-aspirateurs d'argent public, autant vous préparer à accomplir les travaux d'Hercule. Ce ne sont pas les étrangers qui votent, sinon on aurait des scores proches des 90% ! Notre propos est de dénoncer la manière avec laquelle on nous traite. Je subis personnellement les affres de la bureaucratie et de l'injustice et je n'ai pas besoin de me rendre au douar d'à côté pour voir la hogra : elle s'abat sur moi quand je veux installer un compteur d'électricité pour alimenter l'ancienne bâtisse de la ferme ; elle s'abat sur moi quand je revendique mon droit d'avoir l'eau potable ; elle s'abat sur moi quand je dis à la «commission» de faire vite car ma citerne de gaz propane attend depuis 4 ans ! (*) Je n'ai pas besoin de faire du reportage pour décrire l'insensibilité de ceux qui ont pour mission de veiller à notre bien-être ! Alors, je ne voterai pas, encore une fois ! Ce qui me conforte dans mon choix éminemment politique, c'est le fait que nous serons très nombreux à dédaigner ce vote qui remettra les mêmes aux mêmes postes ! M. F. P. S. : ce cas personnel est cité pour illustrer mon propos. Cet écrit n'est pas le produit d'élucubrations politiques ou de chroniqueuses coquetteries. Il part de la dure réalité qui nous est imposée, nous qui vivons en Algérie, fréquentons les administrations et les hôpitaux du bled réel...