Après le retrait de «Rahmat Rabbi», fameux breuvage censé guérir le diabète, le ministère du Commerce décide de passer à une étape supérieure en interdisant la commercialisation des produits médicinaux se présentant sous forme d'herbes composées et présentées comme des solutions miracles à bien des maux nécessitant des traitements médicaux contraignants. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La nouvelle réglementation introduite a immédiatement pris effet sur le terrain puisqu'il a été procédé à la fermeture de plusieurs locaux de personnes se disant herboristes mais aussi du gel de l'importation d'herbes composées, appellation donnée à ces mélanges d'herbes censées soulager de nombreuses maladies. Ce gel sera apparemment maintenu jusqu'à déblayage de la situation globale de ce genre de commerce. Le ministère du Commerce n'indique cependant pas si ces nouvelles mesures s'étendent également aux produits dérivés de ces herbes, utilisés en mélange dans des huiles ou présentés sous forme de breuvages. Elles paraissent pour l'instant y être incluses de fait du moment qu'elles représentent le plus gros du commerce des herboristeries fermées. Les herboristes concernés par cette mesure se posent également la question : «voilà deux, trois semaines que mon magasin est fermé», se plaint un herboriste situé à Belcourt. «Il y avait toute ma vie là-dedans, il ne me reste plus rien, le Ramadhan approche, ma famille et moi allons souffrir. On nous a demandé de ne plus vendre d'herbes, d'accord, mais dans ce cas-là, pourquoi fermer carrément le local, il n'y avait pas que cela ici, qu'on nous explique au moins de quoi il s'agit». Ce commerçant très connu dans le quartier attirait de nombreux clients à la recherche de produits miracles pour guérir des maux nécessitant des traitements de longue durée. Assis près de la devanture fermée du magasin, un vieux Belcourtois raconte : «Tout le monde venait ici. Même ma femme. Elle est atteinte d'une sorte d'eczéma qui la dérange beaucoup dans la vie quotidienne. On lui a conseillé de se masser avec des huiles qui étaient vendues ici. Elle se disait plus ou moins soulagée, en tous les cas, les médicaments n'ont pas fait mieux. En plus, cela nous coûtait moins cher, c'est mieux de payer 300 DA un petit flacon d'huile que de donner 2 000 DA pour une boîte de comprimés alors qu'il en faut au moins trois par mois pour des génériques.» Les avis sont parfois partagés. Certaines personnes rencontrées avouent avoir du mal à accepter d'avaler toutes ces potions vendues le plus souvent sous des appellations à connotation religieuse. Elles demeurent cependant peu nombreuses. Les clients qui se présentent par exemple chez l'herboriste le plus réputé de Birkhadem se plaignaient récemment d'avoir été lésés dans leurs droits en observant la fermeture d'un local où se vendait «comme des petits-pains» une mixture préparée à base de plantes pour la guérison des problèmes d'allergie et d'asthme. «Ma fille souffre de problèmes respiratoires depuis son jeune âge, je préfère la traiter avec des plantes que de continuer à la soigner avec de la ventoline ou tous ces médicaments qui ont des effets indésirables. Et puis savez-vous combien fait un aérosol ? Près de 5 000 DA. Je suis transporteur dans une entreprise privée, mon salaire est de 25 000 DA. Je ne peux pas me permettre de tels soins, et puis aller la nuit à l'hôpital pour soigner une crise d'asthme n'est pas évident, il faut attendre son tour pour l'aérosol et pendant ce temps-là, l'enfant souffre. On m'a dit que ces plantes allaient guérir ma fille, mais voilà, on les a retirées du marché.» Le prix élevé des produits médicaux, mais aussi une publicité tapageuse faite autour de ces produits vendus à des prix raisonnables et présentés comme étant miraculeux reconnus dans le Coran et par le Prophète ont très vite fait de ce commerce l'un des plus populaires que connaisse le marché algérien. L'épisode de «Rahmat Rabbi» est là pour le prouver. A peine mis sur le marché, le breuvage censé guérir le diabète a connu un succès fou au sein de la société. Les autorités algériennes, qui avaient laissé faire jusque-là, ont réagi après avoir constaté que de nombreux diabétiques avaient été conduits dans des états critiques dans des hôpitaux en raison de l'abandon de leur traitement à l'insuline. «Rahmat Rabbi» a été retiré du marché. Mais des équivalents subsistent et se frayent parfois même des places dans certaines pharmacies où ils sont présentés comme des produits phytosanitaires. Le ministère du Commerce a-t-il voulu ainsi mettre fin aux «mélanges» aux conséquences incertaines sur la santé ? Très probablement. Ce dernier n'est pas sans savoir qu'il met ainsi un frein à un commerce largement détenu par la tendance islamiste. «Souvenez-vous, confie un spécialiste du dossier, dans les années 1980, personne n'entendait parler de tous ces produits que nous voyons aujourd'hui. Il fallait se rendre devant certaines mosquées pour trouver ce genre d'huiles ou de pâtes à base de plantes discrètement amenées des pays du Golfe et d'Arabie Saoudite. Avec le FIS (Front islamique du salut) tout a changé, ces produits ont été amenés en grand nombre et les Algériens ont été incités à les consommer en leur faisant croire à une guérison certaine car composées de plantes citées par le Coran. Un grand marché a débuté ainsi, tenu par ces mêmes personnes qui jouent encore la carte de la religion, mais d'une autre manière.»