Par Farid Farah l Depuis quelques années, la compagnie Microsoft s'est lancée dans une lutte stratégique pour tenter de garder son leadership IT dans un milieu technologique mondial marqué essentiellement par une mutation multidimensionnelle sans précédent causée par la forte pénétration du numérique dans l'informatique personnelle. Les adversaires de la firme de Redmond sont nombreux mais Apple et Google sont considérés, aujourd'hui, par les observateurs, comme les principaux concurrents de Microsoft dans l'industrie IT. L'origine de ce combat de titans se situe déjà à la fin des années 70 lorsque la firme Apple a cassé le monopole que détenait Microsoft avec Windows. A cette époque, au moment où Apple luttait pour commercialiser son ordinateur Macintosh, symbole d'une rivalité légendaire avec Microsoft, cette firme, dirigée par Bill Gates et Paul Allen, détenait 95% du marché mondial de l'informatique lequel était dominé principalement par le développement et la vente de systèmes d'exploitation et de logiciels. Aujourd'hui, Microsoft qui a sous-estimé l'impact du mariage du couple «Télécommunication-Informatique», sur la société du numérique, perd la bataille de l'informatique connectée et tombe dans le piège d'Apple qui a eu la bonne idée de changer la guerre des produits IT en lançant l'iPod, puis l'iPhone, l'iPad puis l'iWatch. Aujourd'hui, Apple est la société la plus valorisée au monde... et Microsoft essaie de survivre à cette mutation. Dans cette tourmente technologique, un acteur de l'économie numérique est venu menacer «les affaires» de Microsoft en créant son moteur de recherche le plus utilisé au monde et en créant des applications mondialement connues comme Google earth, Google map ou Youtube. Mieux, Google a créé son propre système d'exploitation Android qui a réussi une percée fabuleuse, là où peu de monde l'imaginait. Selon le cabinet Gartner, sur le premier trimestre 2017, Android était effectivement installé sur plus de 86 % des terminaux mobiles. En revanche, l'OS mobile de la firme de Redmond peine à décoller en restant sous la barre des 2%. C'est un échec pour cette compagnie qui est allée acquérir Nokia pour tenter de se rattraper sur ce segment mais elle demeure aujourd'hui classée loin derrière ses deux rivaux, Google et Apple. Cette situation a poussé Microsoft à opter pour un nouveau CEO. Il s'agit de Satya Nadella, le patron Cloud et entreprise de la compagnie. La raison principale de ce choix est limpide : le troisième CEO de Microsoft est l'artisan de la réussite de la mutation du groupe américain du monde du PC vers celui du Cloud et des Services hébergés. Le nouveau patron de Microsoft veut rendre son groupe un acteur incontournable des plateformes et de la productivité dans un monde orienté cloud et mobile. Il prend alors ses distances de la bataille des terminaux («devices and services») dans laquelle s'est engagé son prédécesseur Steve Ballmer pendant plus de 6 ans. Migrations vers les services Cloud En clair, le nouveau CEO de Microsoft veut orienter l'enjeu de la mobilité beaucoup plus vers l'utilisateur que le terminal. Ce choix est dicté par la montée en puissance des objets connectés qui pourraient accélérer la banalisation des terminaux, et l'arrivée d'un monde où l'informatique sera partout, mettant ainsi l'usager au centre. Mieux, la firme de Redmond veut démocratiser l'usage de l'intelligence artificielle. En effet, l'entreprise a modifié son organigramme pour mieux se positionner sur ce nouveau créneau. Elle a regroupé plus de 5 000 ingénieurs et informaticiens qu'englobent ses équipes dédiées à la R&D et celles travaillant sur le moteur de recherche Bing, l'assistant intelligent Cortana, la robotique et sur d'autres projets liés à l'intelligence artificielle pour créer une nouvelle unité baptisée «AI and Research Group». La fonctionnalité permettant à Skype de traduire en temps réel, et la dotation de Cortana d'une voix synthétique n'auraient pas été possibles sans le travail de cette nouvelle unité. Ce revirement spectaculaire ne sera pas une tâche facile dans la mesure où la firme de Redmond devra changer sa politique d'emplois et la diriger vers d'autres domaines. D'ailleurs, la chute de l'activité smartphones de Microsoft a causé des lendemains douloureux chez Microsoft. Après avoir déjà supprimé 7 800 postes l'année dernière, essentiellement dans la branche fabrication de téléphones, et annoncé 1850 suppressions en début d'année, la firme de Redmond passe encore ses effectifs à la moulinette. La société vient ainsi d'annoncer la suppression de 2 850 emplois supplémentaires d'ici au milieu de l'année 2017. Encore une fois, c'est principalement l'activité téléphonie qui va de nouveau être concernée par ces coupes. Il faut rappeler que l'an dernier, Microsoft a cédé l'activité de fabrication de téléphones Nokia à une filiale de Foxconn et à la société HMD Global pour 350 millions de dollars. Pour le patron de Microsoft, cette cession et ces suppressions d'emplois seraient axées sur la simplification du travail, en éliminant des couches de gestion afin de changer en profondeur les disciplines impliquées dans les activités d'ingénierie. Ces changements visent à accélérer le flux d'informations et les prises de décisions.