Le chanteur Idir a animé hier un point de presse à Alger à l'occasion de son come-back en Algérie après 39 ans d'absence. Organisée par l'Office national des droits d'auteur (Onda), cette tournée débutera en janvier à Alger. Co-animé par Sami Benchikh, directeur de l'Onda et le chanteur Idir, le point de presse a attiré une foule considérable de journalistes à la salle Frantz-Fanon de l'Oref. Les dates retenues pour le premier concert d'Idir en Algérie depuis 1979, sont les 4 et 5 janvier à la Coupole d'Alger dans le cadre de la célébration du nouvel an berbère Yennayer. D'autres villes suivront au cours de l'année 2018, à l'instar de Tizi-Ouzou où le gala est prévu en juin au stade du 1er-Novembre, Béjaïa, Bouira, Batna, Annaba, Constantine et Tlemcen. M. Sami Benchikh précise néanmoins que les dates de ces concerts ne sont pas encore arrêtées et dépendront de l'agenda artistique d'Idir mais se situeront probablement entre mai et juin 2018. Sur cette longue absence qui l'a éloigné de la scène algérienne, l'artiste s'exprimera franchement en évoquant «les péripéties de l'Histoire et les tentatives de récupération politique et idéologique du fait culturel» qui l'ont dissuadé, lui l'artiste jaloux de son indépendance. A cela s'ajoute bien sûr le déni identitaire dont il se sentait victime, au même titre que tous les berbères d'Algérie. Cette décision de renouer avec la scène nationale est motivée, selon lui, par des raisons personnelles et politiques : personnelles «car les années filent vite et, n'étant plus très jeune, je pense que ce serait dramatique de ne pas saluer une dernière fois son public» ; politique parce que «tamazight est devenue langue officielle. Même si je suis conscient qu'il reste beaucoup à faire, ce pas important a été franchi et c'est essentiellement cela qui m'a encouragé à accepté l'invitation». A ce propos, Idir précisera qu'il n'a à aucun moment rejeté l'idée de venir chanter en Algérie mais qu'il considérait impossible de se produire sous une quelconque tutelle politique. Aujourd'hui, cette possibilité rarissime a donc été donnée au chanteur de rencontrer son public sans que les formules consacrées de «Sous l'égide et sous la tutelle» ne s'imposent dans son concert. La tournée est en effet co-organisée par l'Onda et les éditions Izem, «des partenaires qui respectent mon indépendance». L'artiste s'est d'ailleurs longuement étalé sur le début de sa prise de conscience identitaire lorsque, sorti pour la première fois de son village natal, il découvrit à Alger tout un monde où les différences culturelles et linguistiques devaient constituer une richesse et un terrain de rencontre et de découverte mais dont l'idéologie a fait une pomme de discorde, en considérant que tout ce qui dépassait de son moule devait disparaître : «J'ai défendu ma culture et mes ancêtres dont nos parents qui ont contribué à la libération du pays. Les berbères d'Algérie ont accompli leur devoir envers leur patrie mais leurs droits sont passés à la trappe. Je me devais de réagir à tout cela et lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la question identitaire, je n'ai pas trouvé une ombre de raison pour qu'une langue en gêne une autre. Aujourd'hui, des choses se font mais nous sommes encore loin de la satisfaction complète et effective de nos revendications ; il reste beaucoup de chemin à parcourir. En tout cas, en ce qui me concerne, je ne lâcherai rien quand il s'agit de mon identité.» A la question sur une éventuelle invitation parvenue des précédents chefs d'Etat algériens, Idir précisera qu'il en a reçu par organismes culturels interposés : «Mais j'ai naturellement refusé car ma condition sine qua non était que ma langue soit reconnue officiellement et que je reste indépendant de tout parrainage politique». Certains détails des deux méga-concerts prévus en janvier à Alger ont été dévoilés par Sami Benchikh qui annonce 10 000 spectateurs attendus pour chaque soirée. Il exprime par ailleurs la volonté de l'Onda d'inviter de nombreux artistes algériens à assister aux galas ainsi que certains artistes ayant collaboré avec Idir dans son dernier album «D'ici et d'ailleurs» dont Aznavour et Francis Cabrel. L'organisateur promet également la sortie d'un coffret Collector contenant l'œuvre complète d'Idir ainsi que d'autres surprises. Par ailleurs, interrogé sur sa perception des médias étatiques berbérophones, le chanteur exprimera «son insatisfaction» notamment envers la TV amazighe qu'il juge non professionnelle, lestée d'idéologie et dont les émissions «sont commanditées». Quant à savoir pourquoi il n'a jamais chanté en arabe, il précise qu'il n'éprouve aucun rejet pour cette langue pour elle-même mais pour ce qu'elle est en Algérie : un instrument d'oppression et d'exclusion des langues berbères.