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A FONDS PERDUS
�Vous trouvez que le savoir co�te cher ? Essayez l'ignorance !� Par Ammar Belhimer [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 11 - 2005

La contribution des Etats- Unis au d�veloppement extraordinaire de la soci�t� de l'information n'est pas seulement d'ordre technologique. Le droit am�ricain participe �galement � cet essor. Parce qu'il est consid�r� comme un des services de t�l�communication, l'ADSL am�ricain est, pour l'essentiel, le domaine de pr�dilection des �Baby Bells� issus du d�mant�lement d'AT&T au milieu des ann�es 80.
Ce sont aujourd'hui les r�gles locales impos�es par les Etats qui gouvernent l'acc�s � Internet, sous l'autorit� de r�gulation de la Naruc (National Association of Regulatory Utility Commissioners). En consid�rant, en 2002, que le modem � large bande (Internet et DSL) est un service d'information, donc non soumis aux r�gles qui s'imposent aux compagnies du t�l�phone, la FCC (Federal Communications Commission) avait donn� un essor extraordinaire � l'Internet haut d�bit sur le c�ble. Le pourvoi en cassation des compagnies du t�l�phone contre la FCC n'a pas assouvi leurs ambitions monopolistiques : en juin dernier, la Cour supr�me des Etats-Unis a donn� raison � la FCC et � sa politique ultra lib�rale de d�r�gulation et de concurrence qui devrait placer la d�r�gulation du haut d�bit en t�te de ses priorit�s, pla�ant le DSL au m�me niveau que le c�ble, pr�servant par l� m�me l'int�r�t du consommateur. L'essor du net tient donc � ce double heureux hasard : les retomb�es de la guerre froide sur le plan des applications civiles et la d�r�gulation reaganienne. Ce hasard a g�n�r� une supr�matie am�ricaine que l'Europe s'efforce de contenir, avec la sympathie des pays �mergents du tiers-monde, notamment l'Inde, la Chine et le Br�sil. Ceux-ci se pr�sentent n�anmoins en ordre dispers� et leurs int�r�ts nationaux ne convergent pas toujours. Le Br�sil, m�me avec Lula � sa t�te, ne renouera pas de sit�t avec les politiques protectionnistes d�sastreuses des ann�es 1970 qui, sous couvert de protection de l'industrie informatique nationale naissante, lui ont occasionn� un retard consid�rable. A New Delhi, premier exportateur mondial de services informatiques et champion de la d�localisation, les autorit�s ont tendance � ne pas trop afficher leur r�le de leader du monde en d�veloppement pour arracher des avantages dans le secteur des services et � faire cavalier seul. En Chine, le durcissement des r�gles d'exploitation d'Internet date du 25 septembre 2005, avec la mise � jour des �r�gles concernant l'administration des services d'information et de nouvelles sur Internet� appliqu�es depuis 2000 n'alt�re en rien l'engouement du plus grand march� du monde dop� par une croissance in�galable nulle part ailleurs. Un forum populaire sur le web, du nom de Yannan, a fait couler beaucoup d'encre lors de son interruption momentan�e par les autorit�s. Yannan s'est pourtant impos� comme espace de d�bat sur les efforts des villageois pour d�mettre un dirigeant �lu du comit� du village de Taishi qu'ils accusaient de corruption. L'affrontement de Taishi est consid�r� comme un bel exemple de l'exp�rience de la d�mocratie de base et ne compte certainement pas se passer de l'aubaine du net pour �tendre le maillage du contr�le politique du territoire. Certes, Selon Human Rights Watch et RSF, plus de 60 Chinois purgent des peines d'emprisonnement pour avoir exprim� leur opinion sur Internet de mani�re non violente, mais le march� et les besoins de modernisation des banques, des services et de l'�conomie chinoises auront le dernier mot. Un peu moins d'un milliard de personnes utilisent actuellement Internet � travers le monde L'histoire retiendra que Ch�rif Rahmani, alors ministre gouverneur du Grand-Alger sous la pr�sidence Z�roual, avait entrepris avec audace, courage et conviction, d�s la fin des ann�es 1990, de �semer la puce � Alger� en inaugurant les premi�res m�diath�ques. Beaucoup de ses d�tracteurs analphab�tes ricanaient alors sous le sale burnous du mercantilisme : comment ose-t-il offrir aux jeunes un luxe, en l'occurrence le savoir, r�serv� au Nord ? Et comme s'il paraphrasait Abraham Lincoln - 1809-1865- : �Vous trouvez que le savoir co�te cher ? Essayez l'ignorance !�, l'histoire a fini par lui donner raison. Le nombre d'internautes alg�riens est pass� de 10 000 en fin 2000 � un million en fin 2004 ; il est pr�vu qu'il atteigne deux millions en fin 2005, soutenu principalement par l'essaimage des cybercaf�s dont le nombre est pass� de 100 � 6000 puis 7000. Les perspectives 2010 affichent une p�n�tration des PC de 15-20% (contre 2,5% en juin 2005) avec une connectivit� � Internet de 35-40% (contre 3,7% aujourd'hui). C'est la raison pour laquelle, chez nous comme ailleurs, les r�actions contre le �multilat�ralisme� de fa�ade sont certainement l�gitimes lorsqu'elles ciblent des reliques du pass�. L'�ditorialiste du Wall Street Journal s'alarmait r�cemment, non sans une bonne dose d'ironie et de pertinence : �Une toile mondiale de bureaucrates ? Se mettre en conformit� avec quelque 190 codes p�naux pourrait �tre source de grande confusion. Le plus simple serait alors de se conformer aux r�gles les plus restrictives. Si vous aimez l'id�e que Robert Mugabe puisse dicter des r�gles pour tout le monde, le Sommet mondial sur la soci�t� de l'information est pour vous�. David Gross, ambassadeur am�ricain charg� des n�gociations au sommet de Tunis sur la soci�t� de l'information, explique, � juste titre, le contr�le am�ricain par l'absence de �proposition alternative garantissant fiabilit� et stabilit� : �Beaucoup proposent de cr�er de nouvelles organisations, mais �a ne ferait que cr�er des incertitudes. Ensuite, toutes les propositions que nous avons vues remplaceraient le r�le du gouvernement am�ricain par un groupe de plusieurs pays. Qui garantirait alors le m�me engagement pour la libre circulation des informations sur le r�seau ?� Les Etats-Unis craignent que soit restreinte �la capacit� d'innovation des entreprises et de la soci�t� civile� sous la supervision des gouvernements. Apr�s le premier sommet mondial sur la soci�t� de l'information, qui s'�tait tenu � Gen�ve en d�cembre 2003, Tunis accueille, � partir de demain, et ce, pour trois jours, � la demande de l'Onu, et organis� par l'Union internationale des t�l�communications (UIT), le second sommet mondial avec une nouvelle pr�occupation. La question pos�e au sommet est la suivante : comment instaurer un contr�le plus d�mocratique d'Internet ? Elle n'est pas : comment permettre � des pouvoirs autoritaires et despotiques d'emp�cher leurs populations d'acc�der aux portails du savoir sous couvert de droits, qu'ils consid�rent souverains, de se soumettre ces m�mes populations ? �Peut-on dire pour autant que le XXIe si�cle verra l'essor de soci�t�s du savoir partag� ? s'interroge le rapport mondial de l'Unesco �Vers les soci�t�s du savoir� coordonn� par J�r�me Bind� et publi� en vue du sommet de Tunis. �Il ne devrait pas y avoir d'exclus dans des soci�t�s apprenantes, car la connaissance est un bien public qui doit �tre accessible � tout un chacun�, �crit le DG de l'Unesco Ko�chiro Matsuura. Pour le secr�taire g�n�ral de l'Organisation des Nations unies, M. Kofi Annan, le sommet de Tunis aura pour objectif principal de donner aux pays pauvres les moyens de tirer tout le parti possible des nouvelles technologies de l'information et des communications, et surtout de l'Internet, pour leur d�veloppement �conomique et social. Dans une r�cente intervention publique, M. Kofi Annan s'est carr�ment align� sur les positions am�ricaines : �Le r�seau mondial est devenu un vecteur de changement spectaculaire, voire r�volutionnaire, dans des domaines qui vont de la sant� � la politique en passant par l'enseignement et le journalisme. Dans nos activit�s de d�veloppement, nous n'avons encore fait qu'entrevoir les avantages qu'offre l'Internet : des secours plus rapides et mieux coordonn�s pour les victimes de catastrophes ; une information m�dicale qui peut sauver des vies pour les r�gions recul�es ; des sources d'information non censur�e et une voie pour faire entendre les dol�ances et appeler � l'aide pour ceux qui vivent sous le joug de gouvernements r�pressifs�. Il s'oppose alors ouvertement aux politiques restrictives d'exploitation du r�seau : �Censurer l'espace cybern�tique, porter atteinte � ses fondements techniques, ou le soumettre � un contr�le gouvernemental strict reviendrait � se priver d'un des plus puissants instruments de progr�s qui s'offre � nous. D�fendre l'Internet, c'est d�fendre la libert�. Une rumeur, par exemple, dont le succ�s ne laisse pas d'inqui�ter, est que l'Onu a l'intention de s'emparer de l'Internet, d'y faire la police ; bref, de le contr�ler d'une mani�re ou d'une autre. Rien n'est moins vrai. Loin de chercher � faire main basse sur l'Internet, l'Onu veut lui garantir une port�e mondiale. C'est le but du sommet.� Voil� qui est rassurant.

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