Las �v�nements qui se d�roulent dans le monde arabe viennent de prouver, � la fois de fa�on brutale et douloureuse, � tous ceux qui pouvaient se laisser distraire un moment, qu�il ne faut jamais �tre oublieux de ses actes, et de croire que tout est acquis et que l�impunit� est garantie ad vitam-�ternam. C�est ce qui est arriv�, � leurs d�pens, aux despotes arabes et � leurs r�gimes autocratiques. Il para�t �vident, en ce d�but du XXIe si�cle, que le renforcement et l��largissement des forces de paix dans le monde suscitent de grands espoirs pour l�humanit� tout enti�re, mais il est tout aussi �vident que ce mouvement de l�histoire s�accompagne dans le m�me temps par la volont� des Etats occidentaux et notamment des Etats-Unis d�Am�rique de diriger les affaires de la plan�te. Dans ce contexte, la mont�e en puissance de l�int�grisme religieux, r�sultat � la fois des manipulations politiques par ce m�me Occident � dans ses calculs de contrecarrer l�expansion du communisme du temps de la guerre froide � et des r�actions des franges conservatrices des courants islamistes les plus radicaux et notamment le �salafisme� � ce qui peut �tre assimil�, selon certaines th�ses, � une �l�gitime d�fense identitaire et religieuse�, a fait irruption sur la sc�ne internationale, en s�illustrant par un terrorisme meurtrier et d�vastateur. Cette tendance � l�h�g�monisme am�ricain, sur fond de mondialisation de l��conomie, qui correspond, en fait, � une nouvelle phase de croissance du capitalisme en ce d�but de si�cle, pour atteindre ses objectifs, doit imp�rativement s�appuyer sur un processus de mod�lisation de la pens�e humaine et d�homog�n�isation des opinions publiques internationales. L�Occident s�y est pr�par� depuis longtemps et ce n�est pas le fait du hasard, si la r�volution technologique � la fin du XXe et le d�but du XXIe si�cle a totalement �t� orient�e vers deux branches fondamentales pour la reproduction �largie du syst�me capitaliste. Ainsi, l�informatique, l��lectronique, la fibre optique, la t�l�matique, les techniques du laser ainsi que l�av�nement de l�internet � technologies � forte valeur ajout�e �vont devoir servir en priorit� : 1- Le perfectionnement et la modernisation du potentiel militaire et de renseignements occidental et surtout am�ricain, � travers notamment le programme de la guerre des �toiles. A ce propos, Herbet Schiller, professeur � l�universit� de Californie, sp�cialiste des cultures et des civilisations, a, dans une communication reprise par le monde diplomatique du mois d�ao�t 1989, et intitul�e �Faut-il dire adieu � la souverainet� culturelle ?�, cit� les d�clarations du g�n�ral Colin Powell, conseiller � la s�curit� aupr�s de la Maison- Blanche et chef d��tat-major des forces am�ricaines engag�es dans la premi�re guerre du Golfe : �Ce n�est pas le fait du hasard si la toute derni�re avanc�e technologique, la r�volution informatique gr�ce aux superordinateurs et aux t�l�communications, a eu son origine dans le monde d�mocratique, l� o� l�initiative ne conna�t pas d�entraves.� 2- Le d�veloppement des secteurs de la communication et des t�l�communications comme vecteurs de la propagation de �l�id�ologie du monde libre� Ce d�veloppement s�articule autour des supports techniques tels que les satellites de t�l�diffusion, la fibre optique, la mod�lisation num�rique ainsi que des programmes m�diatiques, informatifs, culturels et publicitaires � travers Internet notamment, etc., � destination des diff�rentes communaut�s ethniques, religieuses et courants de pens�e politique et sociale dans le monde. Ainsi le �syst�me de communication de masse sert � transmettre des messages et des symboles au grand public� d�inculquer aux individus les valeurs, croyances et codes de comportement, qui les feront s�int�grer aux structures institutionnelles de la soci�t� �largie ; pour que ce r�le soit tenu, il faut une propagande syst�matique�.(1) Il va sans dire qu�une telle strat�gie, depuis longtemps r�fl�chie et pens�e dans des laboratoires et autres officines et services sp�ciaux, a connu un d�but de mise en �uvre dans les ann�es 1970, puis son acc�l�ration durant les ann�es 1980-1990, s�est traduite par de profondes reconversions de pans entiers des ��conomies traditionnelles� occidentales, en leur substituant des secteurs et branches d�activit� dites de technologies de pointe, fortement g�n�ratrices de valeur ajout�e (+20% du PIB aux Etats-Unis, 20% d�occupation de la main-d��uvre�). �Le probl�me est provoqu� par l�Am�rique et par ses �normes d�penses consacr�es � la d�fense. Le pouvoir d�achat dont dispose le Pentagone pour se procurer les produits de haute technologie �lectronique est comparable � la totalit� du pouvoir d�achat du Royaume-Uni� En concentrant les fonds publics sur cette industrie aux fins de pr�server une h�g�monie mondiale servant les imp�ratifs strat�giques, d�autres pays se sont donn� pour t�che de rivaliser avec leurs propres m�thodes � Japon, France, Su�de, Royaume-Uni)�(2). L�Europe, entra�n�e par la dynamique am�ricaine, s�est ins�r�e dans cette strat�gie � travers notamment deux programmes en mati�re de communication. L�un, industriel intitul� �projet Eureka� visant � d�finir sa propre politique de la �t�l�vision � haute d�finition�, en engrangeant les retomb�es technico-�conomiques et industrielles de ce proc�d�. L�autre, de production audiovisuelle (donc politico-id�ologique) appel� �projet multim�dias�. Cet extraordinaire effort d�investissements se chiffrant � des milliards de dollars us, et pour lequel des consortiums financiers et industriels ont �t� mobilis�s sur la base d�un consensus garantissant des profits consid�rables aux firmes multinationales et la possibilit� pour les Etats occidentaux et � leur t�te les Etats-Unis de dominer le monde. Une telle dynamique transnationale s�est accompagn�e d�une d�r�glementation structurelle aux Etats-Unis qui ont voulu �tendre cette derni�re � l�Europe. Les timides tentatives de riposte de la CEE de l��poque � devenue UE entre-temps � dans le domaine audiovisuel par exemple, en imposant dans les cahiers des charges de leurs t�l�visions un temps minimum d�antenne consacr� aux programmes europ�ens afin de lutter contre l�invasion de leurs march�s par les productions am�ricaines et japonaises, avaient soulev� le �courroux� de Carla Hiles, charg�e dans les ann�es 1990 du commerce international aupr�s de la Maison-Blanche, qui avait estim�, dans une interview accord�e au journal Le Monde le 3 juin 1989 : �Les directives qui stipulent dans le cadre de la cr�ation d�un march� unique, qu�un pourcentage de la production locale devra �tre garanti dans les programmes t�l�visuels m�inqui�te beaucoup, le march� am�ricain est totalement ouvert.� Au-del� de ce r�trospectif historique pour mieux cerner les termes de la probl�matique, dans le contexte actuel, la strat�gie de domination am�ricaine appara�t clairement. La d�mocratie formelle, qu�ils tentent au demeurant d�imposer aux peuples arabes, m�me si la nature de leurs r�gimes favorise une telle d�marche, c�de le pas � des politiques concert�es de l�information, et plus largement de la communication, par les grands m�dias (CNN, Al Jazeera, France 24�) via des programmes satellitaires interpos�s, savamment �labor�s, souvent en �troite �concertation� avec la CIA. Car, les Am�ricains savent pertinemment qu�il leur faut lutter sur deux fronts. D�une part, remporter la victoire militaire sur les terrains o� ils se sont engag�s au nom de la �lutte antiterroriste� et de la �d�fense des droits de l�homme� comme pr�textes mis en avant, alors que tout le monde conna�t les motivations r�elles de leurs interventions en Irak, en Afghanistan et r�cemment en Libye. Dans le m�me temps, il s�agit pour eux de contenir les r�actions de leurs opinions publiques tout en d�stabilisant le moral des masses arabes. L��limination de Ben Laden, pr�cis�ment en ce moment, proc�de � notre avis de cet objectif, car sachant mieux que quiconque que ce dernier repr�sente � la fois un symbole de r�sistance pour une jeunesse arabe frustr�e par le comportement de ses dirigeants et courrouc�e par les �crois�s� qui veulent faire main basse sur leurs richesses, mais aussi l�incarnation du mal absolu, par les tueries qu�il a commandit�es y compris dans les pays arabes et musulmans. Quelles sont les cons�quences imm�diates et � moyen terme pour l�Alg�rie ? Pour l�heure et au plan le plus imm�diat, compte tenu de l�acc�l�ration de l�histoire du monde arabe, force est de constater que la presse ind�pendante dans sa quasi-majorit� vibre � l�unisson avec les espoirs port�s par la jeunesse initiatrice du �printemps arabe�. Cet �lan � la fois patriotique, mais �galement de solidarit� de notre communaut� journalistique, tout en exprimant le profond attachement de notre peuple aux id�es de paix, de progr�s et de justice, pour en avoir lourdement pay� le tribut, n�aurait pas �t� totalement op�rant sans l��mergence d�une presse �crite ind�pendante qu�il faut mettre tout de m�me au cr�dit des r�formes initi�es en 1991, en d�pit des entraves que le pouvoir lui fait subir. Cette attitude de notre presse ind�pendante, dont l�histoire, bien que r�cente, est jalonn�e de prises de positions courageuses mais aussi de r�pressions, de censure et d�auto-censure, est � mettre �galement au cr�dit du peuple alg�rien, qui sait ce que le mot lutte veut dire. La r�ussite des r�volutions authentiquement d�mocratiques des peuples arabes, y compris l�aspiration au changement chez nous, dans le cadre du rapport de force actuel, ne peut provenir que de la lutte au plan des id�es politiques, gr�ce � la d�mocratie dans notre pays et celle des forces d�mocratiques dans le monde. Vouloir forcer le destin des peuples contre leur volont� est une h�r�sie que l�histoire a d�j� condamn�e depuis longtemps. N�cessit� de la d�finition d�une strat�gie nationale de communication et des m�canismes de sa mise en �uvre, comme condition de renforcement de la �s�curit� nationale� A court terme, tous les enseignements de ce qui se passe dans les rues arabes devraient �tres tir�s par l�ensemble des secteurs nationaux concern�s. Cette strat�gie devra rapidement donner une impulsion plus grande aux conditions de lib�ration du champ m�diatique national. Il s�agit dans ce cadre d�un d�bat national large, impliquant � la fois les professionnels du secteur, les acteurs politiques en pr�sence de la soci�t� civile, ainsi que les pouvoirs publics dans tous leurs segments. L�objectif est de lever les contraintes de toute nature qui continuent d�entraver l��mergence d�un v�ritable pluralisme m�diatique englobant l�audiovisuel et son ouverture � l�investissement priv�. Il n��chappe � personne que tout le monde dans notre pays se pr�occupe l�gitimement de l�absence de strat�gie nationale de communication. Beaucoup d��crits de nos sp�cialistes ont soulev� les graves dangers de notre passivit� devant l�arrosage de notre jeunesse par les programmes �venus du ciel�. Beaucoup de citoyens ne comprennent pas pourquoi un pays comme le n�tre ne dispose que de trois cha�nes publiques de t�l�vision qui diffusent des programmes loin des r�alit�s et pr�occupations de la soci�t� et de sa jeunesse et le peu d�espoir qu�elle ressent la pousse � la �harga� aux risques de sa vie. On peut reproduire � l�infini ces interrogations, instinctives ou r�fl�chies, qui expriment, en fait, l�angoisse d�une nation qui se sent menac�e dans ses �quilibres fondamentaux. Pour notre part, tout en adh�rant � ces pr�occupations l�gitimes, nous pensons que les r�formes politiques dont a fait �tat le pr�sident de la R�publique, dans son dernier discours � la nation ne peuvent �tres compl�tes et cr�dibles que si elles int�grent les n�cessaires changements et mutations attendus de la lib�ration r�elle et sinc�re du champ m�diatique national, seuls garants de l�expression sociale et politique du v�cu quotidien des Alg�riens dans leur qu�te d�un meilleur �tre. Une telle approche demeure tributaire des modalit�s pratiques de mise en �uvre des promesses pr�sidentielles. C�est peut-�tre � ce niveau qu�il faut rechercher l�origine des inqui�tudes qui hantent les esprits. Des conditions primordiales qui sous-tendent la r�forme m�diatique. - Au pan politique. Le rapport publi� dans les ann�es 1980 par la commission internationale d��tudes des probl�mes de communication pr�sid�e par Sean MacBride, suite aux recommandations de la deuxi�me session de la conf�rence de l�Unesco, r�unie � Nairobi en 1976, cerne les conditions politiques internes de la communication en ces termes : �Le cadre dans lequel �volue la communication est d�fini par les luttes politiques et sociales qui ont fa�onn� le consensus social pr�dominant dans chaque soci�t�. L�organisation de la communication dans une soci�t� d�mocratique r�sulte essentiellement d�une d�cision politique qui traduit les valeurs du syst�me social en place. C�est donc vers un �quilibre entre la part l�gitime qui revient au pouvoir dans le recours aux m�dias et la possibilit� d�y acc�der, offerte aux diverses tendances et aux forces vives de la communaut�, que peut �tre recherch�e une solution au probl�me politique de la communication.� A niveau formel, cette condition est remplie chez nous, puisque la Constitution et les textes subs�quents, notamment la loi sur l�information, consacrent la libert� d�expression et le fonctionnement pluriel de notre paysage m�diatique national. Dans les faits, c�est tout autre chose, et nous sommes en pr�sence d�une situation de transgression de la loi fondamentale du pays. Il va falloir y rem�dier pour �tre en conformit� avec les lois de la R�publique et les exigences citoyennes. - Au plan du fonctionnement des m�dias. Le fonctionnement du syst�me m�diatique national demeure caract�ris� par un certain nombre de carences et de questions en suspens. Il s�agit notamment de l�acc�s aux sources de l�information, de la juste r�partition de la publicit� en la lib�rant du monopole de l�Etat � travers une loi sur la publicit�, de la d�finition des crit�res et des formes d�aide de l�Etat � la presse �crite, au-del� des �a priori �ditoriaux�, du statut de la presse �crite publique, de l�acc�s des formations politiques et de l�opposition en g�n�ral aux m�dias lourds (TV et Radio), du code de d�ontologie et de la charte de l��thique professionnelle, du statut du journaliste, des autorit�s ind�pendantes de r�gulation � conseil sup�rieur de l�information, celui de l�audio visuel �, de l�institut de sondage, de l�office de contr�le de la publicit�, de l�ouverture du secteur de l�audiovisuel � l�investissement priv�. Un int�r�t particulier devra �tre accord� � la formation des journalistes et � l�approfondissement de leur professionnalisme. Faut-il rappeler que la pertinence d�un �crit de presse ou d�une couverture audiovisuelle ne se mesurent pas � l�aune du commentaire partial, mais � celle d�une information restitu�e objectivement en direction des citoyens. - Au plan �conomique. Le m�me rapport publi� par l�Unesco et cit� plus haut insiste sur la port�e �conomique incontournable de la communication comme � la fois objectif et facteur de d�veloppement ; �ces questions n�ont pas seulement une valeur th�orique. La communication, qu�elle soit consid�r�e comme instrument de d�veloppement de l��conomie ou comme objet de recherche �conomique, appelle des �tudes nouvelles. Ces �tudes doivent conduire � des mesures politiques. Il n�est plus possible d�h�siter ni sur le r�le de l�information et de la communication dans la planification �conomique, ni sur la place qui lui revient dans la strat�gie de d�veloppement, ni sur la n�cessit� des ressources qui doivent lui �tre attribu�es par chaque pays et par la communaut� internationale.� Il est vrai qu�en Alg�rie, les plans nationaux de d�veloppement ont toujours int�gr� dans leurs objectifs des op�rations de r�alisation, de consolidation et d�expansion du champ m�diatique national. Des r�sultats tangibles ont �t� obtenus notamment en mati�re de couverture radiophonique et t�l�visuelle (95% du territoire national couvert). Cependant, compte tenu d�un certain nombre de facteurs (choix des priorit�s ?), les ressources allou�es au secteur de l�information et de la communication ont �t� r�ellement en de�� des besoins. Ce qui explique en partie les retards et les distorsions constat�es surtout en ce qui concerne les infrastructures et �quipements de production de biens et services informatifs et culturels. Il va falloir rem�dier � cette situation, en lan�ant une dynamique de mobilisation des ressources publiques et priv�es, voire m�me dans le cadre des nouveaux dispositifs de partenariat, afin que certaines branches structurantes de l�industrie s�orientent vers la prise en charge des besoins nationaux en communication. - Au plan technologique. Les �volutions technologiques rapides �voqu�es plus haut viennent bouleverser totalement les conceptions �cul�es que certains de nos dirigeants n�arrivent pas � s�en d�faire. Afin de pr�parer notre pays aux mutations d�j� en cours dans le monde de l�information et de la communication, et d��viter les �cueils qui risquent d�accentuer les retards accumul�s, il importe d�ores et d�j� de mener des �tudes � caract�re strat�gique. Ces �tudes viseront � d�terminer les axes et proc�d�s technologiques qui garantissent le progr�s de la communication � court et moyen terme. De telles �tudes, qui impliquent la participation de plusieurs secteurs (t�l�communications, information, culture, informatique, centres des recherches universitaires, industrie, d�fense nationale, int�rieur�) devront avoir notamment pour objet : les retomb�es sur la circulation de l�information technique, �conomique et sociale li�es au d�veloppement des TIC ; les cons�quences des r�sultats de ces �tudes pourraient ainsi d�boucher sur des transformations structurelles par la possibilit� de g�n�raliser et de d�mocratiser l�information. Par ailleurs, ces �tudes engloberont l�analyse des grandes tendances de l�opinion publique nationale afin d�arr�ter les politiques et strat�gies de programmes de communication qui correspondent � ces tendances. A. H. * Ancien cadre sup�rieur du minist�re de la Communication et de la Culture. (1) Herbert Schiller, professeur � l�universit� de Californie. (2) Edouar S. Herman, cit� par Schiller dans sa communication. (3) S. Jeuan Madox, savant britannique. (4) Le journal Le Monde du 3 juin 1989. - Voix multiples un seul monde, communication et soci�t�s d�aujourd�hui et de demain de Sean MacBride 1980.