Gr�ce � monsieur Ouyahia nous savons d�sormais que ce qui est �pressant� n�est pas forc�ment �l�gitime�. Et que, disons-le poliment, m�me la faim ne justifie pas les moyens pour la combattre. Au nom des pauvres, par ailleurs majoritaires dans ce pays d�sesp�r�ment corrompu, il faudra le remercier de cette discrimination au pr�texte qu�il est lui le parangon de la rigueur �conomique. Le voici, le voil� donc, ce grand ministre qui manquait tant � notre d�magogique r�publique. L�homme qui pr�tend d�tenir la grande v�rit� dans ce domaine. L�argentier scrupuleux qui refuse d��tre dispendieux lorsqu�il s�agit de faire reculer la mis�re, mais ferme les yeux sur l��vasion fiscale, l��conomie de container et le train de vie des privil�gi�s du syst�me. Mais, pour l�opinion, qui n�est plus dupe de ses politiques � g�om�trie variable, il est une vieille connaissance qui a cess� d��tonner m�me quand elle joue sciemment dans le registre de l�impopularit�. Ce politicard, qui s�efforce tant � se singulariser de ses pairs en commettant �pisodiquement de tapageuses d�clarations, fait plut�t ricaner que craindre. Les pav�s, � contre-courant du politiquement correct, qu�il lance, n�ont souvent fait que des petits ronds. Et pour cause, il n�a jamais fait preuve de force de conviction ni s�en �tait tenu � ce qu�il disait, quitte � en tirer les cons�quences. Trop heureux pour se d�dire afin d��viter les affres du �ch�mage� minist�riel ! Il est pass� le temps o� les petites formules qu�il distillait mettaient en app�tit les commentateurs. Maintenant ils sont de plus en plus rares ceux qui le prennent au mot et attendent de lui qu�il se conforme � ses engagements. Sa versatilit� tout autant l�gendaire que son ambition ne le rendent pas plus �cout� que ses rivaux au sein du s�rail. Car ceux-l� savent qu�un seul �briefing� du palais lui suffit pour changer d�opinion et m�me s�auto-adresser un d�menti. C�est la marque de fabrique de ce carri�riste, parmi tant d�autres bien s�r, que de ne pas avoir d��tat d��me quand il s�agit de durer. Aussi personne ne sera surpris de le voir dans le r�le de l�oracle �contraire� : celui qui annoncera urbi et orbi que les salaires doivent �tre relev�s. C�est que, malgr� sa longue fr�quentation du sommet de l�Etat, il ne s�est pas encore dot� d�une �paisseur politique suffisante qui lui aurait permis d�avoir de l�ascendant dans la fameuse alliance qui s�entre-d�chire. Joueur de poker politique, il n�est demeur� redoutable que par sa capacit� � �tre premier dans la servitude et le dernier � revendiquer un �quant-�soi� qui le distingue. De plus, dire de lui qu�il est un fid�le du pr�sident est de surcro�t abusif, pour la raison simple qu�il fut le fusible du pr�c�dent conduisant une autre politique qui pr�nait le contraire de ce qui est en train de se faire actuellement. Ce qui pour lui n�est pas une conversion mais un art consomm� du grand �cart. Ceci dit, ce chef de gouvernement qui torpille, en une formule ravageuse, un principe de la concertation (la tripartite) laborieusement mis en place il y a de cela dix ann�es, le fait-il sur injonction et pour le compte du chef de l�Etat ; ou a-t-il simplement saisi une opportunit� m�diatique pour asseoir une posture personnelle avant son d�part ? Double interrogation qui alimente la sp�culation depuis le retour du chef de l�Etat et se nourrit pr�cis�ment de son insondable silence. Comme on le sait, les critiques se multiplient et visent la gestion des affaires publiques. Or, elles n��manent plus de quelques oppositions traditionnelles � si tant est que celles-ci peuvent encore s�exprimer �, mais bien de cette majorit� dont s�est dot� Bouteflika. En effet, le FLN et le MSP ne cessent de formuler des r�serves sur l�action gouvernementale et celles-l� ont tout l�air d��tre des messages destin�s � El-Mouradia. En r�ponse � ces signaux, la pr�sidence cultive l�observation et laisse enfler les diff�rends. La crise de l�alliance est bien l� et le pr�sident ne semble pas vouloir la d�samorcer. Cette �tonnante lenteur � remettre de l�ordre dans sa tro�ka est bien plus inqui�tante qu�on ne le croit. Elle laisse m�me supposer que le chef de l�Etat n�a plus de solution de rechange ou, plus grave, n�est plus en mesure d�agir sur des rapports de force politiques tendus. Son effacement de la sc�ne nationale et les interrogations qu�il induit aggravent pr�cis�ment la perception de cette crise. Certains y voient � travers elle l�annonce de grandes difficult�s pour le chef de l�Etat dans l�accomplissement de son mandat. Mais avant l�horizon 2009 qui est une ligne de mire pr�occupante pour Bouteflika, les FLN, MSP et RND devront d�abord en d�coudre lors des l�gislatives et locales en 2007. Chacun voulant se positionner en opposition des autres, l�on peut comprendre que le temps des concessions soit r�volu et cela � 15 mois de ces �ch�ances. Avec la fin du compagnonnage dans le pouvoir, chacun voudra r�cup�rer son identit� �sociologique� �selon la formule d�un confr�re �, afin de peser dans la distribution des quotas des mandats. Le MSP, bien plus rapidement que les autres, devra envisager cette alternative en suspendant sa participation au gouvernement. Sachant qu�il n�est qu�une force d�appoint in�ligible � la chefferie et aux portefeuilles de souverainet�, il ne voudra pas faire plus longtemps les frais d�un concubinage de pouvoir dont profitera son interface islamiste El Islah qui lui rappellera sa compromission. Entre le FLN et le RND, le sc�nario s��crira diff�remment. Car tant qu�Ouyahia conservera son poste, le FLN ne lui passera aucune critique. L�objectif est de le d�boulonner, d�abord, et, ensuite, avoir la haute main sur les leviers qui g�rent les urnes. La surench�re de Belkhadem n�est pas �trang�re � ce stratag�me. Cependant, il faudra encore convaincre le pr�sident que le FLN est son espace naturel dans le champ partisan et que le RND n�a de r�alit� �sociologique� que ce que lui a conf�r� jusque-l� la bienveillance de l�administration. Ouyahia est conscient que ses rivaux ne manquent pas, � ce sujet, d�arguments mais il pourra mettre en exergue sa propre long�vit� politique qui, � ses yeux, est un gage de comp�tence. A son tour, il lui faudra emporter l�approbation de Bouteflika en lui rappelant qu�il est moins apparatchik qu�un technocrate aux ordres. Il aura m�me le loisir de valoriser cette vassalit� en se pr�sentant comme un homme de devoir contrairement aux agitateurs et aux sp�cialistes des conciliabules. Comme on le devine, entre Ouyahia et Belkhadem la divergence est moins doctrinale qu�ils le laissent entendre. C�est une affaire de comp�tition o� se jouent des destins personnels. De 2003 � ce jour, ces fonds de commerce individuels �taient masqu�s � la fois par la forte emprise du pr�sident mais aussi par l�absence d�enjeux imm�diats que sont les �lections. Depuis, il en va autrement. D�une part, Bouteflika se h�te� lentement sur un probl�me qui le concerne au premier chef, et d�autre part, deux partis (FLN, MSP) qui ne d�sirent plus faire de la figuration m�me intelligente. Or, des affaires publiques suspendues au bon vouloir des humeurs et calculs d�appareils, cela n�est gu�re r�jouissant, et cela finira bien un jour par g�n�rer les pires d�stabilisations d�un attelage d�j� essouffl� par ses contre-performances. Ouyahia qui, vient de jeter un coup de froid sur le monde du travail, a-t-il consult� ses alli�s politiques avant d�en parler ? De toutes les fa�ons, cet effet d�annonce constitue le mod�le de l�impair dont les cons�quences seront d�sastreuses sur les m�canismes de r�gulation mais aussi sur l�image que veut se donner ce pouvoir. Il ne vient pas seulement de signer l�acte de d�c�s de la tripartite, il �corche �galement dans la foul�e tous les satisfecit que lui et ses alli�s d�hier n�ont eu cesse de claironner depuis 1999. Implicitement, il fait l�aveu de l��chec global d�un pouvoir qui, apr�s sept ans, n�a pas impuls� la croissance voulue ni parvenu � relancer l�emploi. L��tat de Bouteflika ressemble � celui de Zeroual mais avec un tr�sor de 50 milliards de dollars qui dort. C.Q.F.D� Ainsi, c�est bien le chef du gouvernement qui est rattrap� par toutes les contrev�rit�s du pass�. Comme il est difficile de croire que ce politicien retors ait pu d�raper seul, l�on ne peut s�emp�cher de penser que ses propos provocateurs ne soient pas destin�s � �savonner la planche�, en cas de remaniement, afin de mettre dans la difficult� son successeur. Paradoxalement, c�est le pr�sident qui devra subir les dommages collat�raux d�une pol�mique qui ne manquera pas d��tre dure sur ce sujet. Quand, au nom d�un r�alisme s�lectif, un gouvernement d�sesp�re la rue, il ne doit pas s�attendre � naviguer sur un fleuve tranquille. Les d�brayages sauvages et la contestation sociale seront � nouveau au rendez- vous. Une cacophonie dans l�ex�cutif et une soci�t� prise de doute, cela n�est-il pas suffisant pour convaincre le pr�sident de monter en premi�re ligne ? Faire le m�nage et rassurer les sujets� de la R�publique sont les volets d�une m�me urgence. Cela fait trois semaines qu�il est rentr� de convalescence et le pays continue toujours � scruter les signaux lamentables du s�rail. Or, l�opinion a un besoin �pressant� et �l�gitime�, celui-ci, de comprendre. De comprendre pourquoi il est ill�gitime aujourd�hui de relever le pouvoir d�achat des plus faibles quand le co�t pour l�Etat n�atteint gu�re celui du train de vie de nos institutions. D�cid�ment, l�on se paiera toujours sur la b�te chaque fois qu�il faudra sauver les �quilibres macro-�conomiques, comme diront tous nos docteurs �s sciences �conomiques.