Andr� Citro�n reste � jamais l'homme qui a r�volutionn� l'automobile fran�aise. Gr�ce � ses talents de visionnaire et son bagout inimitable, le fabricant d'engrenage � chevron est ainsi devenu le pionnier de l'industrialisation automobile et le roi de la r�clame de l'entre-deux guerres... au d�pend de ses cr�anciers. �Que serions nous devenus sans vous ?� lan�a Louis Renault � son pire ennemi dont le corps �tait transport� pour la derni�re fois dans un v�hicule qui ne portait m�me pas son nom. La terrible concurrence entre les deux hommes stimula, en effet, fortement l'industrie automobile fran�aise des ann�es 1930. Lorsque qu'Andr� Citro�n, petit homme de 1,64 m, d�cida de fabriquer des voitures � la place des obus, c'est � pas de g�ant qu'il fallait d�sormais avancer. Andr� Citro�n : le g�ant de Javel Fils d'un diamantaire hollandais, le jeune polytechnicien Andr� Citro�n, �g� de 22 ans, est constamment � la recherche de l'innovation qui fera de lui un grand industriel. Au cours d'un voyage avec sa famille en Pologne en 1900, il d�couvre un proc�d� lui permettant de produire des engrenages � double chevrons � moindre co�t. Sept ans plus tard, il est � la t�te d'une petite entreprise prosp�re qui emploie une dizaine d'ouvriers. C'est pour donner un coup de main � des amis en difficult� qu'il met pour la premi�re fois ses comp�tences au service de la production automobile. De 1907 � 1914, il participe au redressement de la soci�t� Mors en multipliant la production par dix. Andr� Citro�n per�oit alors les immenses d�bouch�s de ce march� en pleine expansion. ll part imm�diatement aux Etats-Unis pour s'inspirer du mode de production r�volutionnaire pratiqu� par un certain Henry Ford dont le mod�le T est produit � grande cadence. A son retour lorsque la guerre �clate, il tente de convaincre l'Etat et quelques amis de le financer pour construire une usine sur le Quai de Javel qui, promet- il, fabriquera des milliers d'obus. Sceptique, le ministre c�de face aux arguments du jeune officier ambitieux qui obtient un march� d'un million d'obus. L'usine se d�veloppe en un temps record. Ses 13 000 ouvriers produisent 23 millions d'obus � des prix tr�s comp�titifs en quatre ans. Toujours pr�sent dans l'usine aupr�s d'eux, leur patron leur rappel r�guli�rement : �Un obus de plus c'est cent vies fran�aises de sauv�es�. Citro�n est d�sormais le symbole de l'effort de guerre et re�oit la visite des plus grands responsables politiques. Outre des m�thodes de travail modernes inspir�s du taylorisme, Citro�n pr�conise �galement un paternalisme �volu�. Les ouvriers b�n�ficient de prestations sociales avantageuses leur permettant de recevoir des soins, d'aller au cin�ma ou de laisser leur enfant � la cr�che. Malgr� son succ�s, Citro�n n'a pas totalement rembours� ses emprunts et compte s�rieusement sur la reconversion de son outil de production apr�s la guerre. D�s 1916, il embauche le brillant ing�nieur Julies Salomon pour dessiner une voiture populaire la type A lanc�e trois ans plus tard � grands coups de publicit� comme �la premi�re voiture fran�aise de grande s�rie�. En 1922, la 5 HP rebaptis�e �Citron� fait exploser les ventes. Plus de 90 000 exemplaires sont �coul�s en trois ans avant d'�tre progressivement remplac� par la B 14, �la premi�re voiture tout en acier�. Apr�s un second voyage aux Etats Unis, il fabrique les C4 et C6 puis propose d�s le d�but des ann�es 30 le moteur �flottant� plus silencieux. DES PUBLICIT�S PHARAONIQUES Innovation et publicit� massive resteront d�sormais les outils du succ�s. Pionnier de la production en s�rie, Citro�n r�volutionne �galement le marketing. Il lance ainsi ses voitures dans les croisi�res jaunes, noires et blanches, v�ritables aventures de plusieurs dizaine de milliers de kilom�tres � travers le monde. Pour faire parler de lui, il n'h�site pas, non plus, � illuminer l'Arc de triomphe puis faire �crire son nom dans le ciel de Paris ou encore recouvrir la tour Eiffel de 250 000 ampoules en 1924. Malgr� un physique quelconque, Andr� Citro�n est un grand s�ducteur. ll exploite son intelligence et son art oratoire pour convaincre les femmes comme les investisseurs. Mais �le Petit Barnum�, comme le surnomme am�rement son concurrent de Boulogne Billancourt, fait des jaloux et agace les nombreux antis�mites. Lorsque Louis Renault l'invite � visiter sa nouvelle usine, Citro�n, vex�, se doit de r�agir imm�diatement. En 1933, il fait b�tir en 6 mois, une cath�drale de verre et d'acier pouvant produire 1000 voitures par jours. C'est dans ce temple de la productivit� que la PV surnomm� ult�rieurement �traction� voit le jour. La �Petite Voiture�, d�voil�e en 1934 au salon de Paris, est v�ritablement r�volutionnaire. Inaugurant le syst�me de traction pr�n� par l'ing�nieur Andr� Lefebvre, elle d�mode toute la production automobile. Mais les sommes d�pens�es sont ph�nom�nales . Andr� Citro�n a �puis� toutes ses cartouches aux d�pens de nombreuses banques et m�me emprunt� de l'argent � ses clients � des taux exceptionnels. Et les premiers d�fauts de fabrication de la PV n'am�liore pas l'image de la firme au double chevron dont le patron d�pense des sommes colossales dans les casinos. Michelin, d�sormais principale cr�ancier, lance un immense plan de restructuration. Citro�n ne peut plus faire face aux �ch�ances. D�sesp�r�, il se tourne m�me vers Louis Renault pour obtenir des fonds. Mais en f�vrier 1934, un petit cr�ancier d�cide de porter plainte pour r�cup�rer ses 60 000 F. D�s le 21 d�cembre, Citro�n est mis en liquidation judiciaire. Le gouvernement propose alors � Michelin de reprendre l'affaire pour calmer le mouvement social des 250 000 ouvriers renforc� par la protestation de 1 500 cr�anciers et de milliers de petits porteurs. Rong� par la tristesse et humili�, Andr� Citro�n quitte son bureau en 1935. Six mois plus tard, il est emport� par ce qu'on appel alors �la grande maladie�, un cancer de l'estomac. La Traction permettra � Michelin de d�clarer 18 millions de b�n�fices un an plus tard.