Si la politesse est la plus acceptable des hypocrisies, on peut affirmer que la majorit� des Alg�riens sont loin d��tre hypocrites. Lorsqu�ils vous croisent dans l�escalier, point de bonjour. Lorsqu�une personne �g�e monte dans le bus, tout le monde d�tourne le regard, si deux personnes se disputent, gare aux chastes oreilles. Le moins que l�on puisse dire, c�est que le manuel des bonnes mani�res est un outil non seulement �tranger mais totalement �trange. Petits et grands font all�grement un pied-de-nez aux bonnes mani�res. Petit tour d�horizon de ce qui aurait certainement donn� le tournis � la baronne de Rothschild, une mani�re non pas de donner des le�ons mais de diss�quer un vrai ph�nom�ne de soci�t�. Le crachat, un sport national ? Les trottoirs sont de v�ritables terrains min�s. Il est presque impossible de faire quelques m�tres sans marcher sur des s�cr�tions visqueuses de toutes tailles et de toutes couleurs. Insulte glaireuse, h�ritage d�un instinct animal archa�que, le crachat semble �tre dans l�air du temps. Le �cracheur� typique n�est pas un jeune d�linquant, sans occupation et issu d�un milieu d�favoris�. Tout le monde semble prendre un malin plaisir � s�adonner � ce sport national. C�est devenu presque un comportement social, un signe d�appartenance � un groupe, celui des personnes qui crachent avec un naturel incroyable. Nul besoin de se cacher pour le faire. Aucun endroit n�est �pargn�. Dans l�abribus, � travers les voitures, au sortir d�un magasin et m�me � partir des balcons, les crachats fusent tels des salves et atterrissent dans le meilleur des cas sur les trottoirs ou au pire sur un nonchalant passant. Fait �tonnant : rares sont les personnes que �a choque encore. Sinon comment expliquer qu�un Monsieur BCBG, accompagn� d�une dame tout aussi BCBG se permette de cracher comme s�il respirait, s�essuie la bouche d�un revers de la main et reprend la conversation. Alors est-il poli l�Alg�rien qui se comporte de la sorte ? Quand les femmes s�y mettent� Est-ce au nom de l��galit� des sexes que les femmes ont, elles aussi, d�couvert les �vertus� du crachat ? Des dames au volant de leur voiture ne se g�nent plus pour baisser les vitres et d�verser leurs glaires sur leur carrosse. Au diable finesse et d�licatesse, certaines femmes ont oubli� la retenue. D�autres ne se contentent pas de cracher mais se permettent des �carts verbaux d�une rare violence. Lorsqu�elles se disputent, se bousculent dans des magasins bond�s, il vaut mieux se boucher les oreilles. C�est carr�ment la surench�re : � qui traitera l�autre de tous les noms d�oiseaux. Certaines usent des gros mots devant leurs enfants qui assistent � la sc�ne, enregistrent pour mieux reproduire plus tard le mod�le maternel dans les cours de r�cr�ation et aires de jeux. Qu�est-ce qui pourrait expliquer un tel comportement ? L��chelle des valeurs totalement boulevers�e ? La soci�t� qui perd ses rep�res ? Rien ne peut justifier l�injustifiable. Alors, polie l�Alg�rienne qui crache de la sorte ? Gare aux oreilles chastes ! La sc�ne est classique, elle se r�p�te souvent dans les bus, dans les lieux publics. Les deux protagonistes commencent par se toiser. L�ambiance tourne court. Le plus audacieux pour certains, le plus violent pour d�autres, viole l�espace vital de l�autre. Il s�approche un peu trop de l��autre�. Respiration saccad�e, vestes qui voltigent, c�est le d�but de la bagarre. Personne n�est �pargn� : la m�re de l��autre�, sa femme, sa s�ur sont trait�es de tous les noms. Les grossi�ret�s se suivent et ne se ressemblent pas. En la mati�re, le g�nie alg�rien excelle. Enferm�s dans leur d�lire d�obsc�nit�s, les deux �ennemis� oublient qu�ils ne sont pas seuls, que des enfants, des personnes �g�es ou pas assistent aux �changes d�amabilit�s. Rien � faire : jusqu�au bout, ils d�verseront leur fiel, tant pis pour les chastes oreilles. C�est une v�ritable agression qui est ainsi v�cue au quotidien. Au m�pris des bonnes mani�res, de la pseudo HORMA, de la culture alg�rienne, des traditions, les gros mots font irruption m�me dans les foyers. Les personnes qui habitent le rez-de-chauss�e en savent quelque chose. Lorsque �clate une bagarre dans le quartier et que fusent les insultes, ni les fen�tres ferm�es, ni la t�l�vision � tue-t�te ne mettent � l�abri des obsc�nit�s. Pourquoi certaines personnes �prouvent-elles le besoin de d�blat�rer autant de goujateries ? Probablement pour mieux humilier l�adversaire, pour se �d�fouler�, diront d�autres. Alors, poli l�Alg�rien qui use d�autant d�obsc�nit�s ? Y a-t-il une personne �g�e dans le bus ? Les transports en commun, lieu de cohabitation forc�e o� se croisent et se toisent toutes cat�gories sociales, est un barom�tre non n�gligeable des rapports sociaux. L�espace d�un trajet, tout le monde se �l�che�. La promiscuit� aidant, les langues se d�lient. On parle de tout et de rien. Du prix du mouton, de Saddam, des augmentations de salaire. On se bouscule un peu, les pickpockets font de bonnes affaires mais d�s qu�une personne �g�e monte dans le bus, c�est la panique. Tout le monde prie pour que �la vieille� ne se mette pas debout juste devant lui. Personne n��prouve des difficult�s � r�sister � son regard qui supplie de lui c�der la place. Tout le monde regarde ailleurs. Une personne �g�e dans le bus ? Non, personne ne l�avait remarqu�e. Tant mieux si la personne en question est discr�te et ne r�clame pas haut et fort �un peu de respect �. Si au contraire, elle exige qu�un �jeune� la laisse s�asseoir, elle risque d�entendre les pires r�pliques. Tout � coup, tout le monde se d�couvre des rhumatismes, tout le monde est fatigu� et puis ces vieux, ils ont leur retraite pour se payer des taxis. Certaines sc�nes sont encore plus affligeantes : des parents installent leurs enfants sur les banquettes et sous pr�texte d�avoir pay� leurs places, ne font pas lever leur prog�niture par respect aux personnes �g�es. Quelles valeurs leur transmettent-ils ? Sont-ils polis ces Alg�riens qui ne respectent plus personne ? A quoi sert l��ducation civique ? Comment en sont-ils arriv�s l� ? N�ont-ils pas �t� souvent harcel�s par des parents qui leur r�p�taient �dis bonjour � la dame�, �excuse-toi�, �ne r�p�te plus jamais �a� ? S�rement que si. Cela fait partie du �travail� des parents. Mais pas seulement, puisque l��cole prend le relais. Mais comment le fait-elle ? En incluant dans le programme quelques heures d��ducation civique. Qu�apprennent alors les enseignants aux �l�ves ? Les principes de base de la politesse : dire bonjour, frapper � la porte avant de rentrer, le respect des plus grands� mais les enfants ne sont pas dupes, ils s�impr�gnent de ce qu�ils vivent et non pas de ce qui est �crit sur le tableau. Lorsque l�enseignante se permet de traiter les �l�ves de tous les noms, lorsque les parents d�nigrent le professeur, et que le grand fr�re insulte � tout bout de champ, l��ducation civique se r�sume � une mati�re comme les autres. Il faut juste apprendre le cours pour bien r�pondre le jour de l�examen. Pour s�en convaincre, il suffit d�observer le comportement des plus petits : ils crachent comme le font les grands, insultent, bousculent les autres et n�ont de respect pour personne. Un vrai ph�nom�ne de soci�t� qui devrait inqui�ter. L��ducation civique rend-elle plus poli ? R�sultat : L�homo sapiens de nationalit� alg�rienne poli est-il en voie de disparition ? Malheureusement oui. Pour s�en convaincre, il suffit de compter le nombre de crachats sur le trajet qui vous s�pare du travail, le nombre d�insanit�s que vous �tes oblig� d�entendre chaque jour sans parler du parfait inconnu qui vous tutoie. Qu�est-ce qui peut justifier un tel comportement ? Rien, absolument rien. Heureusement que tout n�est pas aussi noir et qu�il subsiste des �lots de politesse, des personnes qui y attachent la plus grande importance et qui transmettent � leurs enfants les valeurs, les vraies, celles qui pourront dans une g�n�ration ou deux renverser la tendance. �La politesse co�te peu et ach�te tout�, disait Montaigne. Un proverbe � m�diter�