Faut-il applaudir aux propos du grand cond� de la R�publique, ce ministre de l�Int�rieur, lorsqu�il affirme que Djaballah est un �ill�gal� en politique ? Rien n�est plus suspect que cette accusation qui ne cible qu�un seul islamiste sectaire quand il fallait exclure toutes les officines se revendiquant de cette sensibilit�. El-Islah aussi bien que ce Hamas relook� en �mouvement pour la paix� sont des courants fondamentalement religieux avec tout ce que cette r�f�rence leur conf�re de potentiel de nuisance anti-d�mocratique. En bonne r�publique, la censure politique sanctionne de telles manifestations d�opinions au nom, pr�cis�ment, du sectarisme qu�elles v�hiculent � travers l�instrumentalisation de la spiritualit�. On ne le sait que trop, les int�grismes sont la n�gation du libre arbitre du citoyen. Et, � l��vidence, ils n�ont pas leur place dans le champ profane du politique. Cela dit, l�exception alg�rienne, qui se targue d�avoir innov� en la mati�re, a fait d�une exceptionnelle permissivit� tactique une r�gle et une constante sans qu�au pr�alable, elle ait �tabli de solides garde-fous constitutionnels. Bien au contraire, elle codifia le sacr� comme une donn�e identitaire, ce qui n�est rien moins qu�une franchise � toutes les ob�diences � caract�re religieux. Or, pour peu que la tol�rance d�mocratique admette leur pr�sence dans l�espace politique, il fallait � l�Etat qu�il se d�finisse d�abord par sa la�cit�. Cela peut, � premi�re vue, para�tre paradoxal, n�anmoins elle est la seule parade aux tentations fascisantes dans les enjeux du pouvoir. L�on ne peut en effet exprimer quelques convictions religieuses ou m�me en faire un fonds de commerce politique qu�� la condition de ne jamais remettre en question le sacro-saint (sans jeu de mots) principe de la diversit� d�s lors que l�Etat n�a pas de substrat religieux. Tel n�est pas le cas de notre pays o� la Constitution, bien qu�abondamment amend�e par les r�gimes successifs, l�on se gard�t par contre, de gommer de la d�finition de l�Etat cette r�f�rence religieuse. C�est implicitement � ce titre que tous les FIS, Hamas, Nahda et Islah, doivent non seulement d�exister mais revendiquent une sorte de pr��minence dans la l�gitimit�. L�islam �tant religion de l�Etat, ne furent-ils pas les plus actifs dans l�interpr�tation de ce postulat jusqu�� disqualifier quiconque contesterait l�aspect r�ducteur qu�on lui donne ? Ils ont eu tort les constitutionnalistes qui pr�tendaient avoir fait acte de salubrit� d�mocratique en arrimant la religion � l�Etat. C�est de cette confusion de concepts et de vocations que souffrent encore nos institutions politiques lesquelles donnent aux imams les armes de la politique et font du politicien un tartufe honteux. L�islamisme politique que l�on pr�tend tenir sous haute surveillance n�y a-t-il pas trouv� jusque-l� son compte ? Le cas de Djaballah et la capacit� de d�ploiement de son courant n�attestent- ils pas de cette alt�ration de l�Etat inscrit dans sa loi fondamentale ? Parce que la religion est une donn�e fondatrice, il ne reste au pouvoir que la conjuration administrative pour juguler les surench�res. Le proc�d� n�a, �videmment, pas bonne presse et renvoie de celui-ci une d�testable image de manipulateur. Les arguties avanc�es par Zerhouni afin de justifier une interdiction n�ont-ils pas fini par rendre sympathique cet imam dont le populisme et l�impr�cation politiques ne sont pourtant gu�re rassurants? C�est ainsi que l�on d�couvre que le pouvoir est d�sarm� face � la r�surgence du pros�lytisme int�griste quand il affirmait par le pass� r�cent qu�il l�avait dissous dans sa strat�gie r�conciliatrice et sa loi amnistiante. Les premiers dividendes d�une politique capitularde n�ont-ils pas �t� engrang�s pr�cis�ment par ce courant, aujourd�hui menac� de dissolution apr�s qu�il eut �t� courtis� pour plaider la cause du r�gime ? Le pr�texte de la scission dans ce parti justifie-t-il s�rieusement une telle mesure administrative ? N�y a-t-il pas en r�alit� la volont� de reprendre en main une chapelle qui, depuis 2002, balise fortement son territoire d�influence et s��mancipe de l�influence de l�appareil d�Etat ? Djaballah, qui n�est pas � son premier coup de grisou, lui qui a d�j� subi un putsch, le laisse en tout cas entendre. En vieille victime des d�capitations politiques, il sait de quoi il en retourne. Dans son entourage de fid�les l�on envisage d�ores et d�j� de riposter � l�oukase administratif par une participation aux l�gislatives � travers les listes �ind�pendantes�. Voil� qui va donner bien des migraines aux commissions d�agr�ments charg�es de filtrer les �sous-marins� politiques. En effet, gr�ce � sa base militante et ses relais de sympathisants, il a parfaitement les moyens de jouer au perturbateur �lectoral face � ces partis honteusement muets quand il leur fallait, au nom de l��thique, d�noncer une man�uvre administrative. Par leur indiff�rence g�n�e, les appareils ne participent-ils pas � une cur�e qui ne les grandira pas dans l�estime des �lecteurs si tant est que ces derniers leur en conservent un peu. Car si El Islah n�est plus en conformit� avec la loi sur les associations pourquoi ne rappellent- ils, par acquit de conscience, au gouvernement que des pans entiers des institutions �lues activent sans mandats revalid�s. L�UGTA pour ne citer que la plus scandaleuse n�a pas renouvel� ses instances depuis des mois, voire des ann�es. Il est de notori�t� syndicale que pas moins de 28 unions de wilaya activent avec des mandats invalides et l�on peut dire autant des f�d�rations de branche parmi lesquelles celle du secteur p�trolier n�a pas tenu le sien depuis 1997 ! Idem pour Sidi Sa�d et la commission ex�cutive qui, de subterfuge en subterfuge, b�n�ficient d�une proc�dure d�rogatoire qui les maintiendra en poste jusqu'� septembre 2007. Cela ne fait-il pas � la fois d�sordre et iniquit� dans l�application laxiste des lois ? Djaballah, nous dit-on, est depuis 2004 en d�licatesse avec la r�glementation, mais alors comment se fait-il qu�il ait �t� sollicit� pour �tre la rampe de lancement de la campagne pour l�amnistie ou que ses �lus aient r�cemment vot� aux s�natoriales ? Il y a de cela quinze jours � peine, cet homme politique activait � ciel ouvert avec toutes les autorisations officielles pour animer des meetings et la semaine derni�re on lui signifie l�in�ligibilit� de son parti que l�on date de 2004. Si cela n�est pas une curiosit� politique typiquement alg�rienne �a y ressemble quand m�me. De toutes les raisons avanc�es, une seule tient convenablement la route bien qu�elle demeure dans le non-dit. Qu�est-ce � dire si ce n�est que l�on vise � brider les ambitions de l�homme et � travers son exemple r�duire toutes les vell�it�s qui se manifestent ici et l�. C�est que le pouvoir, qui n�a jamais renonc� � son d�sir de parvenir � un bipartisme solidement rattach� au syst�me, doit d�abord laminer les niches r�fractaires � la normalisation. A terme, m�me le MSP de Soltani devra faire les frais d�une recomposition en ce sens qu�il ne pourra cultiver sa �diff�rence� qu�� l�int�rieur d�un large �front� aux c�t�s du RND. Le FLN �tant tout d�sign� pour �tre la matrice d�un parti de la majorit� pr�sidentielle face � des d�mocrates de pacotille qui lui serviront d�opposition de fa�ade. El-Islah de Djaballa, o� l�on n�a jamais cess� de vanter l�autonomie de d�cision et de se revendiquer comme la deuxi�me force politique, ne pouvait � l��vidence �chapper � l��puration. En programmant son exclusion des assembl�es futures, le pouvoir amplifie � dessein des querelles internes pour le discr�diter. D�sormais, cet imam qui n�est qu�un homme politique en sursis, ne peut b�n�ficier de l�amnistie du pouvoir qu�en faisant de l�entrisme. Demain, il oubliera vite ses fanfaronnades d�opposant sans concession quand il lui faudra s�asseoir � la table du pouvoir pour n�gocier sa survie politique.