Le 3 avril 2008, � 22 heures, une patiente souffrant d�occlusion intestinale est admise aux urgences de l�h�pital de Bouira. Sur place et bien que souffrante, la pauvre malade n�a eu droit � la visite du chirurgien de permanence qu�� 2 heures du matin, celui-ci �tant absent pendant tout ce temps. Apr�s avoir auscult� la malade, et pour des raisons qu�on ignore encore, le chirurgien n�a pas ordonn� imm�diatement l�op�ration, comme le diagnostic l�exigeait, mais seulement quelques calmants avant de dispara�tre. Le lendemain � 8 heures, apr�s la rel�ve, l�autre chirurgien qui le rempla�ait en a fait de m�me en ignorant ou en sous-estimant le danger qu�encourait la malade qui souffrait atrocement. La patiente, qui endurait des souffrances depuis 20 heures, d�c�da � l�h�pital le m�me jour � 16 heures. Quelques jours plus tard, le fr�re de la d�funte, qui a port� l�affaire en justice, a alert� la presse locale qui s�est fait l��cho de cette n�gligence grave. Le minist�re de la Sant� et de la R�forme hospitali�re, qui a diligent� une commission d�enqu�te, a pris des mesures imm�diates en suspendant de leurs fonctions les deux chirurgiens. La d�cision finale, quant au sort � r�server � ces deux chirurgiens, auteurs de cette n�gligence ayant entra�n� mort d�homme, n�est toujours pas connue. Ce qui s�est produit au niveau de l�h�pital de Bouira � la commission minist�rielle a v�rifi� la v�racit� des faits sur place, devait, pensions-nous, inciter les responsables et le personnel m�dical et param�dical � se ressaisir et � agir en professionnels. H�las, les choses ont presque empir�. Jeudi 6 novembre 2008, dans l�apr�s-midi, nous nous sommes d�plac�s � cet h�pital, accompagn�s d�un malade. D�entr�e, nous avons relev� l�absence de personnel m�dical � la r�ception des urgences : ni infirmiers, ni brancardiers. Personne. Le portail ouvert, un froid glacial s�vissait � l�int�rieur. Au niveau du hall d�une cinquantaine de m�tres, seul, je me d�brouillais avec mon malade qui arrivait � peine � marcher. Sur ma gauche, trois infirmi�res �taient, absorb�es par leurs discussions. Sur ma droite, un agent de s�curit� me signalait du doigt la direction que je devais prendre. Face � moi, quelques infirmiers accouraient et, derri�re moi, d�autres malades me suivaient. Il y avait un jeune avec un doigt ensanglant� et band�, �paul� par un autre jeune. Puis un autre jeune accompagnait un petit gar�on, s�rement son fr�re, qui clopinait. Il pr�sentait pr�s de la rotule un grand abc�s ouvert. C��tait p�nible de voir ce gar�on souffrir. A ce moment, mon compagnon, qui souffrait lui aussi, venait de s�affaler sur mon �paule comme pour me rappeler son malheur, en supportant la marche forc�e sur ce long corridor que nous devions parcourir pour parvenir au bout, c�est-�-dire l� o� le m�decin est cens� se trouver. Que faisaient pendant ce temps les infirmiers, le personnel param�dical des urgences ? Pourquoi les brancardiers n��taient-ils pas devant le portail pour prendre en charge les malades ? Autant de questions rest�es sans r�ponses. Nous arrivons enfin au fond du hall. L�, dans la salle qui fait face au cabinet du m�decin, quatre brancards sont align�s. Trois sont occup�s par des malades en soins et sous perfusion, le quatri�me est vide. A l�int�rieur, tandis que deux infirmi�res s�affairaient � bander une femme bless�e et assise sur une chaise, deux autres infirmi�res se querellaient alors qu�une troisi�me tentait de les raisonner. Au milieu de cette cacophonie, nous avons demand� � plusieurs reprises � ces infirmi�res de nous indiquer le cabinet du m�decin, vainement. A la fin, l�une d�elles a daign� nous indiquer le cabinet. A c�t� de la porte de la salle cens�e abriter le m�decin, il y avait un banc de trois places occup�. Un p�re, qui avait sa petite fille sur ses jambes, a d� laisser la place pour mon compagnon toujours souffrant. A quelques m�tres de l�, le petit gar�on avec un abc�s �tait affal� sur le sol. Pr�s d�une demi-heure s�est �coul�e et le bureau du m�decin est toujours ferm�. Nous d�cidons de taper fort pour voir de quoi il en retournait. Sans r�sultat. Nous interpellons une infirmi�re qui s�approchait et qui voulait, elle aussi, y entrer. Vainement. Nous l�interpellons : �Etes-vous s�re que le m�decin est � l�int�rieur ?� �Je ne sais pas mais je crois qu�il est parti casser la cro�te�, dira-elle. Il �tait 14h26. Nous d�cidons d�appeler le directeur de l�h�pital pour lui faire part de cette anarchie. Celui-ci �tait � Alger mais il assure qu�il contacterait son int�rim pour r�gler les choses. La porte du bureau du m�decin est enfin ouverte. A l�int�rieur, il y avait un gendarme qui s��tait introduit � partir d�une porte mitoyenne, en train de se faire cacheter des documents portant sur les accidents survenus dans la matin�e et qui ayant co�t� la vie � quatre personnes et fait plusieurs bless�s. Apr�s la sortie du gendarme, j�introduis mon malade � l�int�rieur et l�, surprise, le jeune homme qui �tait derri�re le bureau en compagnie d�une jeune fille m�apprend que le m�decin n�est pas l� mais de l�autre c�te du corridor, c�est-�-dire � l�entr�e. Incroyable ! Nous rebroussons chemin tant bien que mal et mon malade commen�ait � pleurer. Il souffrait tellement et personne n�est venu � son secours. Sur le chemin du retour, soit plus d�une demi-heure apr�s, je rencontre les m�mes infirmi�res en train de discuter dans un coin. Elles nous ont fait signe de la main pour nous dire que le m�decin est dans la salle d�� c�t�. Devant ladite salle o� est cens� �tre le m�decin, deux autres femmes, debout � attendre avec leurs petits gar�ons. Donc, � supposer que le m�decin est l�, nous devions attendre notre tour. Je regardais mon compagnon et je le trouvais plus que jamais souffrant. Dans cette salle de soins et contrairement � la premi�re, il n�y avait pas de bancs. Les seuls bancs �taient situ�s � l�entr�e du hall principal, mais il faisait si un froid et mon malade, qui venait d��tre op�r�, ne pouvait pas supporter le froid. J�ai d�cid� de rester debout devant la salle de soins � attendre le m�decin. Celui-ci, qui avait un malade � l'int�rieur, venait de sortir sans dire un mot pour partir on ne sait o�. Quelques minutes apr�s, je me suis adress� au surveillant g�n�ral. Je hurlais en demandant si vraiment il y avait un responsable dans cet h�pital. Ne sachant quoi r�pondre, il s�en va chercher ce fameux m�decin� Pendant toutes ces minutes, le directeur � qui nous avons t�l�phon� multipliait les appels pour alerter les responsables sur place. Je me suis pr�sent� aux urgences � 13 heures 45 minutes et il �tait exactement 14 heures 55 minutes quand j�ai d�cid� de partir, alors qu�aucun soin n�a �t� prodigu� � mon malade op�r� il y a quinze jours. J�ai fait part de ma d�solation et de mon amertume au directeur quant � ce qui se passe au niveau des urgences de l�h�pital de Bouira qu�il dirige. Quelques minutes plus tard, il me t�l�phona pour me dire que le directeur adjoint ainsi qu'un m�decin et un chirurgien nous attendaient pour examiner mon malade et le prendre en charge. Je lui r�pondis que si je l�avais interpell� ce n��tait pas pour demander une faveur pour mon malade mais pour que cesse cette anarchie qui r�gne dans son �tablissement. Nous lui avons rappel� combien la pr�sence des brancardiers devant le portail �tait souhaitable pour prendre en charge les malades ; combien �tait souhaitable la pr�sence d�infirmi�res au niveau du hall pour orienter imm�diatement les malades et d�cider qui devrait �tre examin� par le m�decin en premier. Le directeur, qui nous affirmait que nous avions tout � fait raison, faisait remarquer que le personnel devait �tre s�rement fatigu� apr�s une matin�e mouvement�e due � plusieurs accidents de la circulation qui ont co�t� la vie � quatre personnes. Nous lui avons r�torqu� que ce n��tait pas une raison de laisser des malades livr�s � eux-m�mes. Apr�s cette m�saventure, nous avons opt�, malgr� l�insistance du directeur, pour un cabinet priv�. Mais tous ceux que nous avons laiss�s au niveau du service des urgences ne pouvaient pas se permettre notre choix. Alors, combien de temps encore la situation va perdurer ?