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A�t-Ouabane, une citadelle antiterroriste au fin fond du Djurdjura
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 12 - 2008

On n�improvise rien avec les habitants d�A�t-Ouabane, notre vir�e dans ce village situ� au fin fond du Djurdjura, � 65 km de Tizi-Ouzou entre Abi Youcef et A�n-El- Hammam, � l�est et nord-est, Yataf�ne et Iboudrarene � l�ouest et au nord-ouest, la wilaya de Bouira au sud et Tassaft au nord, a failli tourner court.
Quand on est �tranger et inconnu des habitants, on n�y entre pas comme dans un moulin. Le chemin communal qui y m�ne au-del� de la RN 71, reliant Beni Yenni � A�n-El- Hammam, ne conduit nulle part ailleurs. Il s�arr�te au village adoss� au Djurdjura, dans une cuvette naturelle en forme d�entonnoir. Il n�y a que les hautes montagnes en face et sur les c�t�s et un seul acc�s, celui que nous avons emprunt�. Aussi, il n�y a rien d��tonnant, par les temps qui courent, que tous les regards se soient braqu�s sur nous. Un joli monument des martyrs de la guerre de Lib�ration nationale marque l�entr�e du village. Lorsque notre taxi s�est gar� sur la place de la mosqu�e, am�nag�e par les soins des villageois comme beaucoup d�autres choses r�alis�es avec ou sans le concours de l�Etat, il y avait beaucoup de monde, des gens �g�s et des jeunes, qui nous interrogeaient et nous scrutaient du regard, attendant une parole ou un geste de notre part pour �tre fix�s sur l�objet de notre visite. Ce fut fait machinalement et apr�s les salutations d�usage, on nous d�signa un caf� juste en face o� on pouvait rencontrer les membres du comit� du village susceptibles de nous �clairer, car en dehors d�eux, personne n�est habilit� � s�exprimer au nom du village. L�unique membre trouv� sur place refusa de le faire individuellement. Il aura fallu discuter un moment notre qualit� sur le pass� r�cent du village pour d�geler l�atmosph�re avant que l�on soit rejoint par d�autres membres. On s�est finalement retrouv� au milieu de cinq membres du comit�, avec � leur t�te l�ex-directeur d��cole et un responsable d�un groupe de 52 GLD et Patriotes qui nous ont invit�s � un petit speech dans la salle de r�union am�nag�e au rez-dechauss�e de la mosqu�e. Cette vigilance extr�me tient en premier lieu de la situation s�curitaire, la r�gion a v�cu des incursions terroristes de 1999 � 2004. Le village a enregistr� trois morts, cinq si l�on compte les citoyens assassin�s hors de son territoire, dont deux adolescents, et dix bless�s. Les villageois ont pourchass� les hordes qui ont �lu domicile aux alentours, notamment autour du village d�A�t-Allaoua et du hameau voisin, dont la population a �t� contrainte d�abandonner ses biens et de se r�fugier chez des proches dans les villages limitrophes. Peu nombreux et tr�s isol�s pour pr�tendre faire face aux menaces constantes des terroristes, l�exode de ces petites communaut�s villageoises obligera les hordes de l�ex-GSPC � aller s�approvisionner chez les A�t- Ouabane. C��tait le 18 octobre 1999 � 15 h, trois hommes arm�s portant barbes et habits afghans se pr�sent�rent chez un jeune commer�ant du village qui h�sita de les servir avant de recevoir l�accord d�un membre du comit� de village, par ailleurs chef des GLD. Ils ont achet� pour 44 000 DA de provisions, prirent un fourgon de force et s�en all�rent. Ils reviennent le 24 du m�me mois, cette fois-ci � quatre et avec l�intention de r�gler son compte au courageux commer�ant qui refusa de les servir. Mal leur en pris, car ce jour-l�, ils eurent � faire � une r�sistance arm�e du village. Au premier coup de feu tir� par le chef patriote, ils prirent la fuite en blessant gri�vement un artisan ferronnier d�Abi-Youcef pris en otage quelques instants auparavant avec son v�hicule et contraint d�abandonner ses deux enfants loin du village. Cette deuxi�me incursion signera la fin des tentatives de domestiquer le village d�A�t-Ouabane. Elle d�clenche aussi une r�action inverse, le d�but de l�offensive contre les assaillants. Les 27 GLD du village se sont vu renforcer par 25 Patriotes solidement arm�s par l�Etat, qui, sous la conduite de l�ex-directeur d��cole, donneront la chasse aux hordes terroristes dans les alentours, d�truisant 10 kasmates r�cup�rant de la dynamite, des provisions de toutes sortes, des tapis vol�s dans les mosqu�es� permettant, en m�me temps, aux citoyens d�A�t- Allaoua et du hameau voisin de regagner leurs maisons et r�cup�rer leurs biens. Mais avant cela, le village a perdu deux adolescents, tu�s au centre du village par une bombe qui en blessa quatre autres. Il perdit aussi un autre citoyen dans la tentative d�assassinat visant l�ex-maire de A�n-El-Hammam, M. Berkani, au village Tamjout, et qui co�ta la vie au fr�re du maire au cours de sa riposte aux assaillants. Un autre citoyen du village, Patriote de son �tat, sera amput� d�une jambe en sautant sur une mine lors d�un ratissage des forces combin�es o� l�on a enregistr� deux soldats bless�s. Dans le sillage de tous ces faits, le village A�t-Ouabane est devenu, en d�pit de son enclavement, une citadelle imprenable prot�g�e par les 52 GLD et Patriotes plus un nombre �quivalent d�autres citoyens arm�s de fusils de chasse, une v�ritable arm�e bien organis�e � la vigilance aiguis�e. Cette part tr�s active et d�terminante prise par les citoyens d�A�t- Ouabane dans la lutte contre les hordes terroristes compte pour beaucoup dans le rev�tement de la route desservant le village en passant par A�t- Hamsi et A�t Mislaiene. Le village a, en effet, une histoire de hauts faits d�armes et une exp�rience av�r�e dans la r�sistance. Il abrita pendant longtemps un des PC de l�ALN. Amirouche, Krim Belkacem, Mohammedi Sa�d, Amar A�t- Cheikh et d�autres dirigeants de la Wilaya III historique ont s�journ� au village, b�n�ficiant de l�aide et de l�assistance de ses habitants jusqu au 11 d�cembre 1957 o� le village fut totalement d�truit par les bombardements a�riens et terrestres de l�arm�e d�occupation, faisant 43 victimes parmi ses habitants. �Les hommes aux 3 �paules�, c�est ainsi qu��taient surnomm�s les gens du village par un officier de l�arm�e coloniale parce que tous les hommes �taient arm�s, raconte-t-on au village avec une fiert� dissimul�e.. Il faudra, pourtant, attendre le d�but des ann�es 1980 pour voir le village sortir de la torpeur. L�Agence postale, le dispensaire dot� de deux logements pour un m�decin et un chirurgien dentiste permanents, les antennes relais de la t�l�vision, du t�l�phone sans fil et du WLL, la mosqu�e, l��lectrification, l�alimentation en eau potable, l�assainissement, le b�tonnage des rues n�entreront au village qu � partir des d�cennies 1980, 1990 et 2000 et avec une tr�s large contribution du village pour pallier l�insuffisance des subventions �tatiques. Sans une tr�s large mobilisation des habitants, la plupart de ces projets vitaux pour la population ne seraient pas encore en service. L��lectrification a n�cessit� 6 mois de travaux de fouille pour les poteaux, de transport de ces derniers et des mat�riaux n�cessaires. L��quipe d�p�ch�e sur place en plein mois d�cembre de l�ann�e 1981 a failli rebrousser chemin d�s son arriv�e, le village �tait couvert de neige. Il paraissait impossible aux agents et techniciens de Sonelgaz de travailler dans de telles conditions climatiques. Mais les villageois qui attendaient depuis trop longtemps de voir la lumi�re �clairer leurs foyers r�ussirent � vaincre la crainte de leurs h�tes. Nourris, log�s, chauff�s et r�serv�s uniquement aux aspects techniques de l�op�ration, ils ne repartiront qu�apr�s avoir �lectrifi� le village au-del� du plan pr�visionnel, racontent encore nos interlocuteurs. Entam�e en 1985, la mosqu�e, qui se r�alise dans les m�mes conditions et, en gros, avec les moyens du village, n�est pas encore totalement achev�e, les 55 millions de subventions de la tutelle et les 10 autres millions allou�s sur le budget de la wilaya se sont av�r�s d�risoires devant l�ampleur des travaux. L��difice de deux niveaux accompagn� d�un logement de fonction, d�un magasin, d�une salle de r�union, n�cessite encore des travaux de peinture et d��tanch�it�. Pour l�heure, les deux imams envoy�s sur place par la tutelle � 4 ans d�intervalle sont repartis aussi vite qu�ils sont arriv�s. Impossible de vivre dans un pareil isolement, ont-ils fait savoir. Par quel miracle ce village pourtant totalement d�pourvu de ressources a-t-il pu r�sister aux sollicitations d�aller ailleurs et de r�aliser tout ce qu il faut pour am�liorer les conditions de vie de ses habitants, pourrait- on se demander ? L�arboriculture et le mara�chage pratiqu�s autrefois, gr�ce � l�abondance de l�eau, sur de petites surfaces, permettant aux villageois de subsister tr�s modestement , sont en tr�s net recul du fait de l�expansion du village aux d�pens de la for�t et des faibles parcelles de terre cultiv�es au pied du Djurdjura. Et aussi du captage syst�matique des sources d�eau coulant de la montagne enneig�e nagu�re jusqu�au mois de juillet. La rivi�re qui s�parait le village en deux, il y a une vingtaine d�ann�es, et qui permettait d�irriguer les cultures vivri�res sur les deux rives de son lit, n�est plus qu�un vague souvenir pour ceux qui n�ont pas remis les pieds au village depuis le d�but des ann�es 1980. La rivi�re est, aujourd�hui, enjamb�e par de nouvelles constructions �difi�es gr�ce aux pensions des moudjahidine, des veuves de chouhada et des autres ayants droit, et gr�ce aussi aux �conomies de la centaine d��migr�s. A part cela, il n�y a rien d�autre que l��levage � petite �chelle, la taille manuelle de la pierre pour les besoins locaux et la coupe de bois. Ici, le gaz butane occupe une place secondaire dans les foyers. Les fagots de bois que l�on trouve devant chaque maison renseignent sur la rigueur du climat hivernal, le village qui se trouve � 900 m d�altitude est cern� par des montagnes hautes de 1 000 m et plus. Sur notre chemin vers A�t- Ouabane, on pouvait d�ailleurs admirer Lalla Khedidja et la Main du Juif, enti�rement couverts de neige.

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