Aussi paradoxal que cela puisse para�tre, les pays producteurs de p�trole tirent un avantage certain, quoi que difficilement quantifiable, de bas cours p�troliers : ils se pr�servent contre les convoitises directes ou brutales sur leurs ressources et se remettent � la qu�te de th�rapie contre la �maladie hollandaise� qui les affecte dans leur construction structurellement renti�re. L�effondrement des cours p�troliers a ceci de salutaire qu�il sert, pour les plus d�mocratiques d�entre eux, d��lectrochoc contre l�assistanat, les importations excessives et le gaspillage de ressources. S�agissant d�une ressource rare et non renouvelable, la notion de �bien public�, �labor�e sous l��gide du Fonds mon�taire international, semble agir au-del� des fronti�res h�rit�es de l�ordre colonial pour asseoir une sorte de �droit d�ing�rence �nerg�tique�. Elle renvoie l�image paternaliste d�enfants s�amusant avec des armes dont ils ne connaissent pas le maniement ou ne saisissent pas la dangerosit�. Quoique balbutiante, jusqu�� la r�cente chute des cours, la qu�te d�un r�gime particulier pour les avoirs p�troliers semble se doubler de projections s�attachant � une nouvelle gouvernance du march� p�trolier. On sait, en effet, que le Conseil d�administration du FMI � sa v�ritable instance d�cisionnelle � a pouss� son int�r�t pour les fonds souverains au point d�adopter, il y a un an, un projet de texte d�cidant l�installation d�un groupe de travail international charg� de �l��laboration d�un ensemble de pratiques optimales � l�intention des organismes de placement d�Etat�. Par ailleurs, les revenus p�troliers et le fonctionnement de ces fonds sont strictement encadr�s par l�OCDE, le G-7 et la Commission des communaut�s europ�ennes, suivant un sch�ma d�inspiration am�ricaine, �tabli par Clay Lowery, le secr�taire adjoint au Tr�sor am�ricain de l�administration Bush, en fonction de quatre principes directeurs : primo, l�engagement politique que les d�cisions d'investissement sont fond�es exclusivement sur des motifs �conomiques ; secundo, la compatibilit� des politiques d�investissement avec des syst�mes de gestion des risques, des structures de gouvernance et des contr�les internes qui assurent une pleine transparence ; tertio, une concurrence loyale avec le secteur priv� ; quatro, le respect des r�gles de droit du pays d�accueil. Pour sa part, l�absence de r�gulation du march� �nerg�tique est au centre d�un int�r�t croissant, au nom de �l�int�r�t public�. L�argument de base est simple : si la finance a une structure de gouvernance bien assise et tr�s professionnelle � reliant les banques centrales et le Tr�sor par la Banque des r�glements internationaux, en passant par le G-7 et le Fonds mon�taire international � et que l'OMC (et son pr�d�cesseur, le GATT, Accord g�n�ral sur les tarifs douaniers et le commerce) a r�ussi � r�duire les obstacles au commerce, ce n�est malheureusement pas encore le cas de l��nergie. Il existe certes d�innombrables institutions qui travaillent sur les questions d'�nergie � de l'Opep � l'American Petroleum Association ou le groupement europ�en des fabricants, agissant sous la banni�re d�Europia. Nombre d�entre elles sont tr�s comp�tentes dans ce qu'elles font mais chacune se consacre � la promotion des int�r�ts d'un groupe ou d'un autre. M�me l'Agence internationale de l'�nergie (AIE), qui dispose d�une grande comp�tence technique, est un club d'importateurs form� en 1974, dans le prolongement du conflit isra�lo-arabe et de l�embargo p�trolier qui l�a suivi. L'organisme surveille et analyse l'�volution de l'�nergie dans le monde entier, mais de gros importateurs comme la Chine et l'Inde en sont exclus. La derni�re �tude en date de Nick Butler (*) plaide pour une nouvelle gouvernance de la ressource p�troli�re : �En d�pit de l'importance fondamentale de l'�nergie pour la vie quotidienne, aucune institution ne dispose d�aucun mandat pour veiller � l'ordre et la stabilit� des march�s. � Pourtant, � ses yeux, l'ann�e 2008 a apport� suffisamment de �preuves manifestes de la n�cessit� d'une institution qui repr�sente l'int�r�t public�. Le prix du p�trole est pass� de 60 dollars le baril au d�but de l'ann�e � 140 en juillet, avant de s'�craser � 40 en l'espace de 16 semaines. Or, parmi les producteurs, beaucoup d�entre eux ont projet� des budgets 2009 sur la base de 60, 80 et m�me, dans le cas de l'Iran et du Venezuela, 90 dollars le baril. Les d�g�ts ne s'arr�tent pas l�. Cette volatilit� des cours affecte toutes les projections en mati�re de prospection des ressources et de nouvelles infrastructures ; leur niveau affecte �galement la rentabilit� des gisements en cours d�exploitation. Pour Nick Butler, de �nouveaux d�veloppements �taient n�cessaires pour les remplacer et pour r�pondre � une demande suppl�mentaire �. L'an dernier, l'AIE a calcul� qu�un investissement annuel de 350 milliards de dollars �tait n�cessaire entre aujourd'hui et 2030 dans le p�trole, le gaz et les infrastructures associ�es. L�essentiel de cet investissement devrait �tre le fait de soci�t�s d'Etat qui contr�lent l�essentiel des ressources disponibles. Celles qui, justement, sont aujourd�hui les moins bien plac�es pour faire face au yo-yo des prix, �tant donn� leur difficult� � concilier les attentes de leurs gouvernements, habitu�s � d�penser sans compter, et les fonds devant �tre r�investis dans l'�nergie. Fort heureusement pour eux, en 2008, la croissance de la population et la prosp�rit� dans les pays �mergents, en particulier en Asie, ont maintenu la demande d'�nergie � la hausse. Bien mieux, pour la premi�re fois depuis plus de deux d�cennies, les investissements ont diminu� dans les �nergies alternatives et renouvelables. Ce que Nick Butler soutient, c�est que les march�s constituent le meilleur moyen de faire correspondre l'offre et la demande � pour autant qu'ils soient ouverts � et de r�agir rapidement aux signaux de prix. Le probl�me est que les march�s de l'�nergie ne sont pas ouverts. Les r�serves de p�trole et de gaz sont concentr�es dans un petit nombre de pays, o� l'investissement par les compagnies p�troli�res multinationales est habituellement strictement r�glement�. Les dommages caus�s � l'environnement r�alis�s par les �missions de carbone ne sont pas refl�t�s dans le prix que nous payons pour satisfaire nos besoins actuels d��nergie. Est-il alors possible d�envisager �un certain degr� d'ordre� ? Un cadre global pour le march� de l'�nergie lui semble possible. Son objectif serait de g�rer les pressions imm�diates exerc�es sur l'offre et la demande, et sur le long terme, de passer � une autre source d'�nergie. Confiance et transparence doivent guider la nouvelle institution, ouverte � tous, aux producteurs comme consommateurs de sorte � couvrir une adh�sion d�une ampleur telle qu�elle puisse �d�velopper des processus de gestion de la volatilit� du march� en tenant un coussin de r�serves�. �Des institutions efficaces ont besoin de ressources et d�un degr� d'autonomie, ainsi que de r�gles et de normes mondiales soutenues par l'Etat de droit�. Tout le contraire des dictatures p�troli�res. A. B. (*) Nick Butler, �Why global energy markets need gouverning �, l�auteur est directeur au Centre for Energy Studies de la Cambridge Judge Business School.