C�est par un matin �trangement calme apr�s une nuit de vents agit�s et d�averses ininterrompues, que je me suis rendu au patelin afin de f�liciter ma tante Aldjia pour sa d�signation en t�te de liste PTT pour les prochaines �lections l�gislatives. Ce mouvement politique, n� en 1997, rassemble des militants de tendance n�o No�, des femmes et des hommes qui disent tr�s franchement que le pays court � sa ruine et qu�il faut agir vite avant que les boat people ne se transforment en axe strat�gique de la politique des jeunes. PTT veut dire : Parti des Tatas Tranquilles. Mais ne vous fiez pas au nom : les femmes et les hommes y sont � �galit�. Tante Aldjia est l�, fi�rement debout pr�s de sa ferme, discutant avec un groupe de paysans qui s�inqui�tent de ce que le PTT ne pr�voit pas de solutions � la grippe verte, cette nouvelle maladie � la �Une� de tous les quotidiens et qui s�est d�clar�e r�cemment ; elle transforme rapidement les hommes qu�elle touche� en vaches ! Ayant peur de passer, en quelques secondes et sans aucune pr�paration psychologique et physique, au stade bovin, ces braves agriculteurs disent qu�ils n��liront que la ou les personnes qui feront tout pour aider la recherche m�dicale � trouver un vaccin � cet �trange mal. Elle est interrompue par un jeune cultivateur, mince comme un saule pleureur et qui a la sale manie d�envoyer brutalement ses doigts dans les deux trous de son nez : �Assez de d�magogie, la vieille ! Moi, je ne veux pas devenir une vache.� D�un geste paternel, tata Aldjia pose sa main sur l��paule du gars : �Votez pour nous et vous ne serez jamais vaches !� Oui, c��tait un beau slogan pour une campagne qui s�annonce serr�e. Outre le PTT, le prochain vote mettra aux prises de nombreuses formations politiques habitu�es aux coups vaches ; une tendance politique � la mode. En outre, question d�magogie, ce sont les meilleurs du monde. Imaginez qu�ils font croire aux Alg�riens que leur pays poss�de un vrai parlement d�mocratique ! Une chambre basse et une autre haute, et tout cela sans toilettes, cuisine, ni salle de s�jour, c�est un monde quasi monopolis� par les dormeurs ! Rien que des pi�ces pour roupiller ! De temps � autre, �a se r�veille pour lever la main, puis retour dans les bras de Morph�e ! Il ne leur manque que des pyjamas et des bonnets pour parfaire le tableau. Mais, je ne sais par quel miracle, ces �beaux aux lois dormant� arrivent � se r�veiller au bon moment ! D�s que la fin du sommeil s�annonce, ces dormeurs n�ont qu�une envie : retourner dans les chambres. Ils y arrivent souvent gr�ce � des stratag�mes inimaginables. Parfois, ils changent de chambre. Comme il y a des cam�ras point�es en permanence sur les lits, pardon� les fauteuils moelleux, nous arrivons � les reconna�tre : �Tiens, tiens, le gars aux moustaches fournies, celui qui a l�air d�un m�canicien d�figur� par un moteur, n��tait-il pas dans l�autre chambre ?� Je ne comprends pas que l�on puisse se bagarrer pour aller s��parpiller sur un fauteuil ! Mais, enfin, �a, c�est le sport qu�ils pr�f�rent. Et ils sont tr�s, tr�s forts. Au lieu de nous laisser tranquilles, ils viennent tous les cinq ans nous bouffer l�espace visuel, d�j� bien encombr�, et nous chanter l��ternelle rengaine des urnes qui se remplissent toutes seules. C�est l�autogestion de l�urne. Les hommes ne font rien pour cela. Ni les vaches d�ailleurs ! L�urne, troisi�me �l�ment du d�cor, et qui est la seule � ne pas �tre du r�gne animal, fruit d�un long travail de la nature qui lui a donn� d�abord la vie sous la forme d�un bel arbre, rencontre de la beaut� pure et de la scie �lectrique ; l�urne a appris � conna�tre la vache avant de tomber sur les vacheries de l�homme. De beaux troupeaux venaient brouter l�herbe grasse de la for�t et l�urne � encore arbre � �tait heureuse de les saluer. C��tait avant le grand voyage en mer. Un port, un autre, un hangar et, enfin, la sale gueule d�un menuisier qui ne sait pas encore qu�il va fabriquer l�urne de� destruction massive ! Mais, passons, comme le train qui passe en regardant les vaches le d�visager, dans une relation trouble o� le Moi se d�double � l�infini comme dans un jeu de miroirs plac�s l�un en face de l�autre. L�urne arrive enfin l� o� l�attendent les insomniaques, ceux qui ont pour r�le d�envoyer les dormeurs au fond des chambres. Ils d�barquent de bon matin, parfois en courant, stimul�s par les cam�ras d�une t�l� qui a pour mission de dire que les non dormeurs sont nombreux � �lire les dormeurs ! Ces gens glissent des enveloppes dans une bo�te qui n�a rien de postal ! L�urne, enfin, n�est plus seule : apr�s avoir affront� le froid sib�rien des for�ts nordiques, la solitude, la torture par la scie �lectrique, les houles des oc�ans et la terrible descente aux enfers dans des hangars r�pugnants, la voil� enfin c�l�br�e comme une reine, une magicienne pass�e ma�tresse dans l�art du �Rey-rey� : �Braves gens, approchez ! Regardez ! Nous mettons cent enveloppes dans l�urne. Cent, pas une de plus ! Comptez ! Tenez, monsieur, comptez ! J�insiste. Maintenant, abracadabra efelen ! Abracadabra erend� ! Abracadabra kic�celuil� ! PTT ? Et puis quoi encore ! Pourquoi pas CNAS et Sonelgaz ! Allez ouste� Regardez bien ! J�ouvre l�urne : des milliers d�enveloppes ! Des dizaines de milliers d�enveloppes ! Des millions d�enveloppes� � G�n�reuse, l�urne ne s�arr�te pas de produire� Elle est la meilleure productrice d�Alg�rie, avec des taux de rendement qui feraient p�lir Stakhanov� J�en touche un mot � ma tante, lorsque, apr�s un d�ner royal, le th� � la menthe m�ouvre l�app�tit du dialogue politique : �Tata, moi je me m�le pas de tes affaires. Mais tu devrais laisser tomber. Tu n�auras pas une seule voix ! - J�y crois cette fois-ci ! - Cela fait des ann�es que tu y crois ! Et � chaque fois tu es d��ue et tu en sors encore plus d�pit�e qu�avant. - J�y crois, cette fois-ci ! Mon petit doigt me dit que le PTT va gagner� - Comment ? Et la fraude ? - J�ai mis au point un stratag�me qui fera reculer la malhonn�tet� et les trafics. Je vais consacrer tout mon temps et mes forces � la propagation de l��pid�mie de la grippe verte�. - Non ! Incroyable, tu promets aux pauvres paysans que tu vas t�attaquer � cette sale grippe alors qu�en v�rit�, tu comptes la propager ? Et qu�est-ce que tu vas gagner ? - Imagine un troupeau de vaches appel�es � voter ! - Et qu�est-ce que �a changera ? - Mais les animaux sont honn�tes ! L�autogestion de l�urne avec des taux de rendement inimaginables, ce sera du pass�. Les hommes sont la pire des calamit�s. Les vaches ne trichent pas ! - Et les deux chambres du parlement ? - Il y aura des vaches ! Les vaches qui votent pour le bonheur des vaches. Imagine� - Tata, �a fait longtemps que tu r�fl�chis comme �a ?� Silencieux jusque-l�, tonton Lekhmissi se l�ve pour aller se coucher. En passant devant moi, il me lance : �Ta tante d�raille. Remarque qu�elle ne fait que rattraper sa vraie dimension. Celle d�une grosse vache ! � Ayant fait le plein d��motions, je me mets aussit�t au lit. Mais, une vocif�ration me r�veille aussit�t. C�est Sarhouda, la vache des tontons qui se tient au milieu de la chambre. Elle me dit : �Ta tata est na�ve. Elle croit que les vaches se plaisent ici. Dis-lui d�arr�ter avec son histoire de propager l��pid�mie. Si cette vacherie marche, le pays se videra rapidement, car la jeunesse bovine est moins patiente que la jeunesse humaine. Je les entends, moi, les bovins. Ils veulent devenir des �harraga� ! Dis-lui d�arr�ter, sinon bonjour l�arche de No� !� - Mais, Sarhouda, l�-bas, il y a la vache folle ! - La vraie, l�unique vache folle, c�est ta tante Aldjia ! M. F. (Chronique publi�e le 1er mars 2008) P.S. : Il n�y aura pas de nouvelles chroniques jusqu�� l��lection pr�sidentielle. La semaine prochaine : l�histoire de la �harga� g�n�ralis�e du peuple alg�rien�