Elle n�a pas attendu que les moulins � pri�res du Ramadan s�arr�tent et que la passion du divin retrouve sa part congrue dans la pr�occupation des gens pour se d�ployer. Courant de bouche � oreille, elle d�livre des messages sibyllins mais suffisants pour ne pas d�plaire � ceux qui s�impatientent dans l�anti-chambre du pouvoir. C�est que, pour ces derniers, il y aurait une d�pouille de gouvernement � se partager. Certes, aucun indice n�atteste de la moindre v�racit� de ce qu�elle distille bien que dans la r�alit� des choses, ce qu�elle �voque vaut mieux qu�une probabilit� : une n�cessit�. La rumeur a donc devanc� la tr�ve du je�ne et anticip� sur la f�te de l�A�d-el-Fitr. Elle a fourni, d�s l��t� et sur la base de la pol�mique autour de la LFC, de l�excellent grain � moudre � l�hypoth�se d�un grand m�nage minist�riel. A l�oppos� de l�opinion lass�e mais peu d�cid�e � revendiquer des changements par elle-m�me, il y eut l�intervention vigoureuse et inattendue du patronat pour exprimer le ras-le-bol. D�pressive jusqu�� l�aboulie, la soci�t� aurait par cons�quent d�couvert qu�elle n��tait pas seule � �tre m�contente de ses dirigeants et qu�il y avait d�autres strates qui ne l��taient pas moins, m�me si leurs int�r�ts sont diam�tralement oppos�s aux siens. Une hostilit� unanime qui arrive rarement � un pouvoir. Ce furent les organisations patronales qui tir�rent les premi�res salves. Pourfendeuses circonstancielles de la m�diocre gouvernance, elles ne seraient pas, dit-on, les derni�res � souhaiter un changement d�hommes et de perspectives globales afin de donner de la coh�rence aux actes de l�Etat et r�tablir la confiance qui manque dramatiquement. Certes elles n�expriment pas leur scepticisme sur le mode de la clart� mais cela ne change gu�re le sens des propos tenus(1) voire ce qu�elles sugg�rent � demi-mot. Leurs diagnostics cinglants sur le d�sordre r�gentant l�usage de l�argent public et les improvisations du l�gislateur en la mati�re sont suffisamment �loquents pour ne pas reconna�tre ceux des minist�res que cela vise. Une incurie qui les met en col�re sauf qu�elles n��taient pas les seules � s�en plaindre car d�autres le seraient �galement mais pour des raisons de morale et de justice sociale. Apr�s toutes ces vol�es de bois vert, le Premier ministre ne devrait pas dormir du sommeil du juste. Car quoi qu�il fasse dor�navant, il lui sera difficile de gommer le toll� provoqu� par les incidences d�une LFC p�nalisante pour le monde des affaires sans �tre profitable, dans ses objectifs, � quelques transferts de richesse vers les classes moyennes. M�me ceux qui sont charg�s de ramener � de modestes proportions les commentaires peu am�nes qui le mettent en cause savent que le chef de l�Etat ne pourra pas lui conserver sa confiance sans qu�il en vienne en personne � corriger les d�rapages de son subalterne. En somme, le probl�me global de la conduite des affaires publiques est � nouveau pos� et ne manquera pas, d�une mani�re ou d�une autre, d�obliger Bouteflika � r�agir. M�me si, � raison peut �tre, des analystes pensent le contraire en ramenant la rumeur � ce qu�elle est par d�finition, cela ne voudra nullement dire que tous les parasitages de juillet et ao�t ne sont que des fi�vres passag�res. Que l�on mette en avant le �style� du chef de l�Etat qui privil�gie habituellement les d�cantations lentes en attribuant aux acc�s d�hostilit� une sorte de vertu autor�gulatrice de l�appareil d�Etat, il reste n�anmoins qu�y recourir une fois de plus risque de devenir la fois de trop. Le profond malaise qui s�installe toutes les fois o� des nominations � de haute fonction s�op�rent n�a pas chang� malgr� les �poques, les mandats et les pr�sidents. De nos jours, on ne manque pas de citer, avec un certain regret, cette propension du pluralisme partisan � ne se battre que pour arracher des quotesparts de maroquins. Ce que d�ailleurs le pouvoir s�empresse de satisfaire avec cynisme et au d�triment de l�efficacit� et de la comp�tence dont sont d�nu�s les imp�trants. Certains analystes ne s��taient-ils pas amus�s � tracer les profils de nos ministres en fonction de leurs trajectoires universitaires ? Un exercice qui dans la presque totalit� des cas les a amen� � conclure que l�origine partisane (FLN, RND, MSP) a �t� plus d�terminante dans le choix que le savoir-faire stricto sensu. Evidemment, ils n�ont pas rat� l�occasion d�illustrer ce �style� du pouvoir par quelques promotions ridicules. Daubant ainsi jusqu�� l�ironie sectaire sur la nomination d�un pr�dicateur de mosqu�e au poste, �minemment technique, de ministre de la P�che ! C�est ce fonctionnement de l�appareil d�Etat totalement asservi � la raison du clan ou des all�geances qui a permis l��mergence, aux manettes des affaires publiques, d�une anti-�lite incomp�tente. Or ce n�est pas un paradoxe aujourd�hui de croire que Bouteflika, nagu�re fervent usager de cette pratique malsaine, peut seul rompre avec la cooptation au sein de la famille politique. B�n�ficiant d�un contexte favorable (disparition totale de l�opposition) et fort de l��tendue des pr�rogatives que vient de lui donner la Constitution amend�e en novembre 2008, il a la capacit� de soustraire la gouvernance aux sollicitations. Et du coup passer � la culture de la performance dans la d�signation des hommes et femmes qui doivent traduire sa vision et les objectifs assign�s � chacune de ses �tapes. Car les critiques, venues de toutes parts depuis le mois de juillet, ne sont pas un avatar inh�rent � la dynamique d�une gestion mais le signe avant-coureur des pannes � venir. Le caract�re composite des strat�gies qui se croisent et se contredisent � l�int�rieur du gouvernement n�est pas le moindre des d�fauts d�une m�canique qui a des �hoquets� C�est pr�cis�ment de cela qu�il s�agit dans l�imm�diat. La rumeur aura beau �tre d�mentie � partir des tribunes officielles, il restera dans ce casl� au sein de l�opinion un sentiment m�l� de doute quant � la capacit� de Bouteflika en personne � assumer v�ritablement ses responsabilit�s. La pire des impressions quand elle ose signifier la vacance du pouvoir et le p�ril auquel elle expose le pays tout entier. Celui d�un effondrement par le sommet peu souhaitable. En effet, face � une soci�t� r�sign�e, apr�s avoir �t� abandonn�e par les courants d�mocratiques combatifs, les appareils agissant dans l�entourage du pr�sident ne lui contestent pas le �pouvoir personnel�, qu�il a consolid� en 10 ans, mais seulement l�usage qui en �tait fait chaque fois qu�il s�agit de leurs int�r�ts. En l�absence de volont� r�elle de le destituer, les institutions l�gitimement habilit�es � franchir ce Rubicon n�en sontelles pas r�duites actuellement � ne contrarier que certains de ses choix ? Or lui continue �tonnamment � se pr�ter � ce genre de marchandage au moment o� il s�est impos� comme ma�tre du jeu et se trouve en possession de toutes les cartes ma�tresses. S�enfermant dans les tactiques man�uvri�res du pass�, qui d�ailleurs �taient en soi justifiables pour sa mainmise totale, n�accentue-t-il pas la perception caricaturale qu�a l�opinion de son magist�re ? Plut�t � tort qu�� raison, le silence qu�il observe, ou, disons, sa r�serve inexplicable avantage les barons, les f�aux et la client�le qui continuent � l�assurer de leur fid�lit� dans les m�mes termes qu�avec ses pr�d�cesseurs ! Au c�ur de ce statu quo au sommet, un drame de la c�cit� politique est en train de s��crire. Celui qui fait accroire � C�sar qu�il peut s�appuyer sur la comp�tence des pr�toriens de la politique au moment o� ceux-l� poussent un pays tout entier au d�sespoir. Le seul ennemi dont il doit dor�navant se m�fier s�appelle : la cour. B. H. (1) Lire le tr�s int�ressant suppl�ment d� El Watan �conomieen date du 14 septembre : les dossiers chauds de la rentr�e.