Pour pouvoir repartir sains et saufs de la for�t de Yakouren o� nous sommes prisonniers des tangos, nous devons gagner le match qui nous oppose � leur �quipe. Alors que la ballon se trouvait dans le rond central, l�arbitre siffle un penalty en faveur des nos adversaires. Palabres et interpr�tation inique des r�glements L�arbitre au pyjama ray� r�pondit fermement aux remarques pertinentes du buveur de Jack Daniel�s : �Peu importe ! Dans les r�glements, il n�est pas dit que le gars en possession du ballon �sente l�ail�. Il est �crit : �-si l�arbitre sent l�ail, c�est penalty !� - Mais peut-�tre que c�est un joueur adverse qui a mang� cette saloperie ! - As-tu lu l�alin�a 6 de l�article 14 ? S�il y a un doute quant � l�origine de l�odeur de l�ail, l�arbitre doit prendre rapidement une d�cision, en se mettant bien dans la t�te que dans la tribune officielle, une �mahchoucha� peut lui �ter la vie en cas d�h�sitation� � Nous avions compris. Premi�re catastrophe : ce penalty injuste. Deuxi�me catastrophe : ce maudit Mouh Dribble Tout m�avait d�sign� au poste de gardien de but. Le gars qui se pr�senta pour tirer le penalty me montra un long couteau en me pr�cisant qu�il s�agit de l�arme qui nous �gorgera apr�s le match. Je me mis derri�re les buts, comme un ramasseur de balles. Je tremblais de tout mon corps. Le tireur tira et mit la balle dehors. Il faut le faire ! Devant des bois vides ! Il fut fusill� et remplac� sur-le-champ. L�arbitre d�signa un nouveau penalty en nous racontant d�autres histoires qui convoquaient des alin�as sortis de sa t�te : �En cas de d�c�s subit du tireur de penalty, celui-ci est tir� de nouveau par le rempla�ant.� Un � z�ro. Les tangos menaient. Nous jouions admirablement bien depuis quelques minutes et l��galisation �tait au bout de nos souliers. Mais les bois adverses �taient pleins de monde. Il y avait au moins une trentaine de barbus qui les gardaient : une t�te, un pied, un ventre, une barbe, emp�chaient nos balles d�aller au fond des filets. Nous f�mes remarquer � l�arbitre que les tangos jouaient � 41. Il nous recommanda d�aller voir un ophtalmo ou un taleb qui soignait tr�s bien les visions hallucinantes. A la 35e minute, Mama Grilou descendit de la moissonneuse et exigea de shooter un penalty, en tirant sa �mahchoucha� de sous un gilet qui dessinait de pauvres seins tombant comme des figues pendantes de fin d�automne. Comme il n�y avait aucune action n�cessitent un penalty, elle s�affala dans notre surface de r�paration. L�arbitre d�signa le point de penalty. Le pied-noir n�en revenait pas : �Mais cette m�g�re ne joue avec aucune �quipe ! Il faut arr�ter la partie et la faire sortir ! - C�est un penalty selon le dernier r�glement vot� � Alexandrie. Il dit clairement que si, par hasard, un spectateur p�n�tre sur le terrain et s��vanouit, un penalty est siffl� en faveur de l��quipe qui dispose d�armes � feu et d�armes blanches.� La mamie se pr�senta face � moi. Je fis semblant de dominer la situation, allant et venant, sautant, grimpant sur les bois, rugissant, marmonnant des insultes du style : �Mamie, t�es une horreur !�, �halloufa de Tala Guilef, tu ne m�auras pas !�, �Gueule de guenon ! Vendue aux tangos !� Mama Grilou ne m��coutait pas. Elle avait recul� de trois ou quatre m�tres. Puis elle fon�a comme un bolide sur le ballon qu�elle envoya dans les d�cors. Je jubilais. Mes amis me f�licitaient� Mais notre joie fut de courte dur�e. L�arbitre au pyjama ray� siffla un but en faveur de la Mamie, donc pour les tangos. En guise de r�ponse, il nous lan�a : �Il n�y avait pas d�horsjeu !� Toute fi�re, la vieille dame regagna la tribune d�honneur. Pas de doute : cet arbitre venait de Guin�e ! Deux � z�ro. Quelques minutes plus tard, nous f�mes intrigu�s de voir le BPB bondir de la veille moissonneuse rouill�e, sa �mahchoucha� toujours � la main. Il arr�ta la partie et demanda � l�arbitre de lui accorder un penalty : � Cette vieille Mutsi Bouchi m�a mis l�eau � la bouche !� L�arbitre obtemp�ra et se dirigea vers nos 18 m�tres o� je ne me trouvais plus ! J�avais pris la clef des champs. J�avais les jambes de Morcelli ! Je filais comme un li�vre � travers la for�t ! �Non, mais ils sont cingl�s ces tangos, leur arbitre et leur chef ! Si, par malchance, j�arr�te le penalty, il va m�achever sur le coup, ce dingue � la barbe plus longue que les autres� me disais-je, sans voir les tangos qui couraient plus vite que moi. Le BPB m�attendait de pied ferme : �Ecoute, toi le rigolo, ce match est r�glo ! Je ne vais pas te tuer. Je n�ai qu�une parole moi, si vous gagnez, vous serez libres ! - Oui, mais comment gagner avec un arbitre achet� par les ��, r�pliqua l�un de nos joueurs, un ancien importateur d�origine taiwanaise, qui a fait des affaires du c�t� de Tadjenant-Hui- Kong et qui a fini par s�installer � Yakouren, car il souffrait de probl�mes respiratoires et les m�decins lui avaient conseill� l�air pur des montagnes de Kabylie. Ils avaient oubli� de lui pr�ciser que la zone �tait infest�e de tangos. Le gars s�appelait Tra Benflousse. Il venait d��tre interrompu par le BPB qui semblait furieux : �Ferme-l�, et sache qu�un arbitre comme celui que vous avez l� est incorruptible ! La preuve, il porte un pyjama ray� ! Et puis que vient faire la corruption dans ce match entre tangos et otages sur les hauteurs de Yakouren ? Ce que tu dis est subversif !� Sur ce, le BPB pointa sa �mahchoucha� sur la tempe du pauvre Tra Benflousse et tira deux coups. Le joueur, ou ce qui en restait, fut imm�diatement mis dans un cercueil qui rempla�ait la civi�re habituelle. C�est � ce moment-l� que Mouh Dribble Tout demanda un temps d�arr�t pour proc�der au remplacement du pauvre gars. ` A notre surprise g�n�rale, il demanda � Meriem El Aggouna de garder les bois, m�ordonnant d�aller au centre du terrain pour �d�fendre et attaquer�� D�cid�ment ! il ne changera jamais. Je fus soulag� de quitter ce poste dangereux, d�autant plus que le BPB �tait d�cid� � le tirer co�te que co�te ce penalty de malheur ! L�entr�e de Meriem n�enthousiasma pas le buveur de Jack Daniel�s qui commenta : �De toute ma carri�re de plongeur � la buvette du stade de Reims, je n�ai jamais vu un tel cirque.� Le BPB �tait heureux de tirer ce penalty. Sur la moissonneuse-batteuse, les invit�s officiels manifestaient leur joie et criaient : �Marquele, marque-le !� Les autres supporters, pratiquement tous gagn�s � la cause des tangos, reprenaient en ch�ur : �Yahia le BPB ! Yahia le BPB !� Tout � fait au fond, nos admirateurs affichaient grise mine. Depuis que le chef des tangos avait refroidi un des leurs, ils se tenaient tranquilles. Meriem se d�barrassa de son hidjab, ce qui provoqua un v�ritable tremblement de terre. Le BPB hurlait comme un fou et la col�re grimpa sur la moissonneusebatteuse, � tel point que l�engin bascula et la pauvre Mitsu Bouchi fut tu�e sur le coup. L�ancien maire FIS �tait gravement bless�. L�adjoint du BPB demanda une minute se silence. Tout le monde se mit au garde � vous. Alors que nous �tions sto�quement debout dans le silence et le froid, le BPB tira son penalty. Et il marqua le troisi�me but ! L�arbitre siffla la fin de la premi�re mi-temps. Comme il n�y a avait point de vestiaires, nous f�mes rassembl�s sous un arbre et Mouh Dribble Tout nous reprocha d�embl�e notre manque de discipline et de rigueur tactique. - Mon plan aurait pu vous faire gagner - Lequel ? dit l��mir. - Attaquer tous et d�fendre tous ! - Ecoute, Dribble Machin, c�est fini ! La mascarade est finie�. Le pied-noir �tait en col�re : �Nous allons adopter ma m�thode. Nous allons tout faire pour perdre du temps en seconde mi-temps ! - T�es plus barjot que Dribble Tout. Si on ne gagne pas, on sera �gorg�s ! Alors pourquoi perdre du temps alors que nous sommes men�s au score ? - C�est la m�thode PG ou �Perdant-Gagnant. Elle est l��uvre des grands sp�cialistes de la fameuse �cole de football d�Alexandrie. Lorsqu�on est men� au score, on ne doit pas jouer pour rattraper son retard ! On doit tout faire pour perdre du temps� La th�orie, invent�e par un certain Guenih El Masri, a �t� pratiqu�e pour la premi�re fois dans l�ancienne Alg�rie par une �quipe de votre continent dont j�ai oubli� le nom ! C�est� Raw� Roua� Enfin, quelque chose comme �a !� (A suivre)