Lorsque le football focalise tout l�int�r�t que porte l�opinion � l�image de son pays, il devient presque ringard de se singulariser en persistant, solitairement, � entretenir le feu roulant de la critique � l�encontre des pratiques de nos dirigeants. En somme, pour rester dans l�air du temps et s��viter l�ennuyeux qualificatif de rabat-joie, n�est-il pas de bon go�t de s�afficher, � son tour, �cent pour cent foot� ? Car durant les six mois � venir, il n�y aura pas de sujet � commentaire plus important que celui qui concerne les p�rip�ties des stades. D�cr�t� sous la pression des foules en l�vitation depuis le 18 novembre, cet ��tat de si�ge� sportif accapare les �une� des journaux jusqu�� devenir l�inesp�r� appel d�air qui manquait tant au pouvoir pour se refaire une sant�. Et c�est avec une secr�te jubilation � l�id�e que l��quipe nationale va lui servir de leurre tout au long du premier semestre 2010 que le gouvernement a programm�, dans l�indiff�rence totale, une tripartite. Une op�ration de communication afin de donner l�illusion qu�il agit dans la concertation avec les forces sociales, voire qu�il est en symbiose avec cette union sacr�e � stricte connotation sportive. La subtile r�cup�ration qu�il est en train d�op�rer n�est cependant pas sans risque � terme pour peu qu�il ait la f�cheuse conviction que rien ne doit changer dans nos m�urs politiques. Le football, m�me lorsqu�il est l�objet d�une sur-m�diatisation mondiale, projette, certes, une image positive d�un pays et une visibilit� sympathique. Cependant, il demeure un indicateur al�atoire et une valeur volatile quand il s�agit d�en tirer des dividendes quant � la bonne gouvernance. Au sujet de cette derni�re, pr�cis�ment, il fallait bien plus qu�une formelle mise en sc�ne d�un tour de table triangulaire, exp�di�e en moins de deux s�ances de �n�gociation�, pour convaincre un pays de la sinc�rit� de ses dirigeants. Dubitatif malgr� l�euphorie passag�re, il continue � cultiver le scepticisme � l��gard des d�cideurs. D�ailleurs, les images diffus�es par la t�l�vision officielle jeudi soir �taient �difiantes dans ce sens. L�apparition de Monsieur Ouyahia flanqu� de cet auxiliaire du r�gime, qu�est le secr�taire g�n�ral de l�UGTA, en dit long sur la com�die qui s�est jou�e � Dar-El-Mithak. Plut�t comparses que n�gociateurs aux objectifs divergents, le Premier ministre et Sidi-Sa�d faisaient la paire. L�un disert comme le veut son talent et l�autre laconique, presque muet, comme l�exige son d�ficit de cr�dit, ils disent tour � tour leur satisfaction quant � l�issue de ces accords. En mettant en avant la g�n�rosit� de l�Etat � (3 000 DA apr�s 4 ann�es d�attente !) �, le ministre a, une fois de plus, succomb� au besoin de faire la le�on de la rigueur budg�taire comme il en avait l�habitude. Sans contradicteur pour lui rappeler son laxisme l�gendaire et ses malheureuses improvisations (la circulaire de septembre 2009), � l�origine du d�sastre scolaire, Ouyahia s�est taill� � moindre frais un r�le sur mesure pour l�occasion. Un petit �one-man-show� avec pour unique figurant un path�tique Sidi-Sa�d dont la seule r�partie, qui lui f�t �crite par avance, consistait � faire l��loge du pr�sident de la R�publique, sans qui cette revalorisation ne pouvait �tre arrach�e. Tout est, par cons�quent, r�sum� dans l�aveu de ce courtisan pantouflant dans les rouages du syndicalisme. Les travailleurs mis�rablement pay�s savent d�sormais qu�ils ne lui doivent rien tout autant qu�� l�organisation (UGTA) qu�il a men�e au d�clin. In fine, cette derni�re tripartite a, entre autres, jet� une lumi�re crue sur cette imposture syndicale au moment o� des courants autonomes sont parvenus � infl�chir l�intransigeance de la haute administration et � faire reculer un Premier ministre gr�ce � des gr�ves dures et longues. 53 ans apr�s sa naissance, ce syndicat unitaire est en train de conna�tre une fin peu glorieuse alors que les pouvoirs publics continuent � le perfuser en d�pit de tout r�alisme face � l��mergence de nouvelles forces sociales l�gitimes. Ce d�calage dans l�appr�ciation des nouveaux rapports de force est sciemment entretenu par le pouvoir. Voulu en connaissance de cause, il est loin d��tre l��uvre d�une quelconque myopie politique. Bien au contraire, il s�inscrit dans une strat�gie depuis longtemps r�d�e et qui consiste � ne pas ouvrir la moindre �cluse aux v�ritables courants repr�sentatifs dont-il craint qu�ils ne le d�bordent faute de pouvoir les canaliser � son profit d�abord. La caporalisation de l�UGTA, ayant atteint son point de non-retour en 2004 � travers une incompr�hensible instrumentation �lectorale, aggrav�e par quelques turpitudes de certains de ses caciques, ne s�inscrit-elle pas id�alement dans le praxis de l�Ex�cutif qui se veut omniscient et sans contre-pouvoir ? Une fois de plus, il vient de faire la preuve qu�il n�a pas renonc� au confort de l�unanimisme autour de lui et, pour l�occasion, en arguant que les manifestations populaires du 18 novembre lui sont en priorit� d�sir�es !! Si, comme l�on peut le supposer, la magie du sport continuera � doper l�amour-propre national des Alg�riens, quelques mois encore, il n�est pas dit que le jour o� cette parenth�se se refermera, les anciennes col�res ne remettront pas de nouveau � la surface. A moins que le chef de l�Etat ne se porte � la cr�te de cette bonne vague et prenne sur lui de transformer une disponibilit� populaire en esp�rance nationale. Mais comment fera-t-il ? Simplement en mettant � plat la totalit� des �checs et en s�engageant dans un vaste pacte national fond� sur l�Etat de droit comme en appellent, depuis des ann�es, les nombreuses voix autoris�es. Le temps lui est s�v�rement compt� et ne dure que le temps de la tr�ve du football. C�est cette opportunit� historique, dont le sport a �t� le d�clencheur, qu�il ne lui faut pas g�cher afin de remettre l�Alg�rie dans le bon sens de la marche.