D�ailleurs les horoscopes sont inutiles. Nous connaissons par avance ce qu�il va advenir, en cet an 10, dans ce vaste pays o� les peuplades furent rarement heureuses. Il est tenu pour s�r, cette fois, que les astrologues, habituellement consult�s � cette occasion, n�auront pas de peine � nous lire l�avenir. La n�buleuse des signes qui pr�tend r�genter le destin ne sera d�aucun secours ou pr�texte. Que ce pays soit plac� sous l�ordre du cancer (5 Juillet) avec la conjonction du scorpion (Novembre) n�aura plus de sens. C�est qu�il manquait un signe dans les tablettes de cette science fantaisiste : celui qui d�signe l�attractivit� de la sph�re des temps modernes. Le football et la passion amoureuse qu�il suscite. C�est que ce sport, dictatorialement totalitaire, s�est construit sous la forme d�un ballon. Et tout son g�nie est emprunt� aux myst�rieuses vertus de la �rondeur�. Car, enfin, qui ne s�est pas essay� dans son enfance � en ma�triser la trajectoire ? Nous avons, gamins, fait des passes avec des bo�tes de sardines et dribbl� avec des boules de chiffons juste pour imiter la gloire qu�il inspire. Aujourd�hui ce jeu est bien plus qu�un pr�texte � r�ve. Il est devenu un instrument du destin dont m�me les politiques font un argument pour s�autoglorifier. L�an pass� quand nous batt�mes l�Egypte, ne nous sommes-nous pas vu d�livr� sur-le-champ d�un vieux deuil qui nous habitait ? Le malheur du terrorisme et des dirigeants v�reux effac�s par le score ! Impression na�ve, si vous voulez, fugitive h�las, mais sur l�instant notre joie valait bien son pesant de liesse nationale � l�unisson d�un hymne de louanges. Il est vrai que nous avions pris ces jubilations comme elles venaient, sans chicaner sur les causes. Car une bonne gueulante est une bonne gueulante et tous les meddahs font la m�me musique quand, de toutes parts, montent crescendo des phrases pauvres et approximativement rim�es. En tout cas, ne nous sommes-nous pas dits qu�une �preuve aussi combative et probante qu�une partie de football peut tr�s bien s�apparenter � une guerre gagn�e ? De celles dont d�pend traditionnellement le destin d�un peuple et dont l�histoire nous garantit l�importance. Et c�est ainsi que le football a cess� d��tre une esth�tique ludique pour se hisser au rang d�explication pour l�honneur des nations. En somme, ce sport a quitt� la sph�re de la paix pour devenir un instrument de la guerre. Gr�ce � lui, l�Alg�rie a gagn� en grade au moment o� tous les oracles lui pr�disaient de d�shonorants revers. Dans une semaine en Angola et dans six mois en Afrique du Sud, elle sera pr�sente �ailleurs� et absente � domicile. Deux fugues inesp�r�es pour les princes qui la gouvernent qui n�auront pas alors � subir les critiques de leurs sujets occup�s � suivre le combat pour une dignit� factice. Une opinion qui les d�livrera de toutes responsabilit�s durant les six premiers mois de cet an 10. Une tr�ve pour les boutiquiers du pouvoir qui auront tout le loisir de rench�rir sur le sentiment national afin de masquer leurs propres turpides. En effet, comment pouvait-on imaginer que 60 milliards de centimes en change soient mis � la disposition de supporters des stades au moment o�, dit-on, l�argent manque dans les caisses de l�Etat pour payer les rappels des enseignants ? Il est vrai que m�me en politique, l�on ne pr�te qu�aux riches. Ceux chez qui la fiert� nationale consiste � �tre pr�sents dans ces lointains gradins quand les marchands d�alphabet n�ont plus les moyens d�acheter un ticket de bus pour aller � leurs �coles. Totalement investie par le football, l�Alg�rie de 2010 commencera ce cycle dans la ferveur des stades et le finira dans la col�re des rues. Plus qu�une pr�diction, cette perspective rel�ve de l��vidence lorsqu�on sait que les excitations des stades retombent plus vite qu�on ne le soup�onne. Comment d�ailleurs en ira-t-il autrement apr�s que les feux de la rampe se soient �teints apr�s toutes les messes sportives ? Demain, en �t� pr�cis�ment, l�Alg�rie se r�veillera avec la gueule de bois.