La lecture de la presse nationale, pour maintenir un semblant de lien avec ce pays qui nous a vu na�tre, ne laisse personne insensible de par la lourdeur des informations que celle-ci nous rapporte. Elles ne sont, h�las, jamais bonnes � l'exception de cette �quipe de foot qui a fait danser de joie des millions d'Alg�riens, le ventre vide et le c�ur plein de d�sespoir. Plusieurs fois, je me suis promis de ne plus m'y int�resser, en vain. Un peu comme ces vieux couples traditionnels de chez nous qui se livrent une guerre sans merci la vie durant mais qui ne se s�parent jamais. Je r�agis aujourd'hui � l'information assommante rapport�e dans la rubrique �P�riscoop� de votre journal et selon laquelle la Grande- Poste d'Alger va bient�t subir quelque effroyable transformation. J'adore taquiner mon vieil et voisin pied-noir de Bab El Oued � qui je disais assez souvent en rigolant : �On vous a foutu dehors d'Alg�rie quand-m�me�, ce � quoi il m'avait lanc� un jour cette r�ponse assassine : �T'as vu un peu ce que vous en avez fait ?� Aux �mes sensibles, je voudrais rappeler l'historique de cet h�tel des postes que les destructeurs massifs et vampires de l'architecture s'appr�tent � �se le taper�. Alger avec ses �difices classiques, construits sur la rampe cr��e par Fr�d�ric Chass�riau entre 1830 et 1849, d�cor�s d'arcades, de vo�tes �tag�es avec alternance de magasins et de logements devient une copie conforme de la rue de Rivoli. Sous le second empire, elle succombera � son tour et � l'instar de Paris � l'architecture alors en vogue avec ses propres enfilades haussmaniennes, � l'exemple de l�h�tel Albert 1er. Des peintres, des architectes et des �crivains avaient alors �lev� la voix pour d�plorer avec force la destruction de l'esth�tique indig�ne (terme qui n'a rien de p�joratif). Ces critiques ont trouv� �cho aupr�s de Charles Jonnart, gouverneur d'Alg�rie depuis 1900 qui adopte en style d'�tat l'architecture n�o-mauresque et qui portera son nom. �Le Jonnart� vient de na�tre. Nous sommes en 1905. Une �re nouvelle s'amor�ait avec des �difices publics destin�s � devenir des rep�res. Au c�ur de ce qui s'appelait alors la �Belle Epoque�, sera �difi�e en 1913 (et non en 1891 comme le mentionne P�riscoop, sauf pr�cisions) la Grande-Poste avec toutes les caract�ristiques du n�o-mauresque : colonnes, arceaux, d�mes � l'ext�rieur, balustrades sculpt�es, moucharabieh, calligraphie, d�cor de fa�ence � l'int�rieur... Le n�o-mauresque s'imposera jusqu'� la fin des ann�es vingt, supplant� par la vague moderniste : l'art d�co. Avec le Bastion 23 �difi� au XVIe si�cle, la mosqu�e El Djedid au XVIIe, (v�ritable r�plique des �glises byzantines), les �uvres de Fernand Pouillon et autre Oscar Niemeyer, le concepteur de Brasilia, de la coupole du complexe sportif et de l'universit� de Bab Ezzouar, Alger reste et restera, nous esp�rons, ce mus�e � ciel ouvert que nous aimons tant.