«Nous avons pris connaissance des dernières décisions prises par le pouvoir en place. Nous aimerions rappeler à cette occasion que nous avons, dès le début de la décennie écoulée, prévu que l'Etat algérien dérivera vers la défaillance entre 2001 et 2010. Il dérivera vers la déliquescence entre 2011 et 2020. Aujourd'hui, l'Etat algérien répond à tous les critères scientifiques de la défaillance. Il est bien installé dans la dérive vers la déliquescence.» C'est Ahmed Benbitour, candidat déclaré à la présidentielle de 2014 et néanmoins ancien Premier ministre de… Bouteflika qui s'exprimait ainsi dans une déclaration rendue publique avant-hier. Pour peu qu'on ne se laisse pas happer par la virulence du verbe qui est, en l'occurrence, loin d'être gratuite, on pourrait s'arrêter d'abord sur la précision des prévisions sur l'imminence du scénario catastrophe. Mais on pourrait aussi s'arrêter sur quelque chose que la déclaration ne contenait pas, bien évidemment : la descente aux enfers du pays aura été esquissée le lendemain du départ de M. Benbitour des plus hautes responsabilités de l'Etat, avec un passage dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'aura pas marqué les esprits. Admirons ensuite la précision de métronome - ou d'horloger - avec laquelle il trace les échéances : la «défaillance» entre 2001 et 2010, puis carrément la «déliquescence» entre 2011 et 2020 ! Pour quelqu'un qui parle de «critères scientifiques», on aura remarqué qu'il ne dit pas lesquels mais on aura surtout remarqué son pessimisme. Car, si on peut comprendre que pour la «défaillance» on serait, selon la chronologie arrêtée, déjà en plein dedans, pas pour la déliquescence à qui il reste tout de même un… septennat entier d'épreuve. Et en l'occurrence, M. Benbitour ne nous dit pas tout, pour reprendre la formule… humoristique d'Anne Roumanoff ! Mais comme le sens de l'humour ce n'est pas vraiment la qualité première de M. Benbitour, on ira chercher ce qu'il nous dit de sérieux, dans son austérité légendaire. Et le plus important en l'occurrence est qu'il est jusqu'à présent l'unique candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle ! Ce n'est tout de même pas très… sérieux de se porter candidat à la plus haute responsabilité de l'Etat avant de se pencher sur les conditions qui devraient entourer son déroulement. Rien de bien notable n'avait changé à l'orée du premier mandat de Abdelaziz Bouteflika qui l'a nommé Premier ministre ! Et si Ahmed Benbitour n'a pas vraiment attendu que ça change pour déclarer son ambition présidentielle, il ne surprend pas outre mesure. Le problème est qu'il le fait a posteriori. Et en reproduisant la même demande que son discours est censé combattre : celle d'impliquer l'armée dans l'opération élection-désignation : «A voir l'avenir autrement, notre armée doit jouer un rôle de partenaire avec la société pour avancer ensemble vers la modernité et la sécurité institutionnelle.» A commencer par lui dérouler le tapis rouge ? Honni soit qui mal y pense. M. Benbitour a déjà dit qu'il n'est pas le candidat de l'armée ! N'est-ce pas ?