Bien que ce ne soit pas une tradition, la première année du mandat présidentiel a été passée en revue par la presse nationale, notamment les journaux indépendants qui se sont amusés, juste pour marquer une halte, à faire un petit décryptage critique de la gouvernance boutéflikienne - Acte trois, sur la base de ses productions et de ses résultats. Les commentaires qui ont été livrés à l'opinion publique ont fait ressortir unanimement un bilan très négatif, loin en tout cas des espérances de la population. Curieusement, on a même remarqué que des journaux dont la ligne éditoriale a toujours essayé de ménager le locataire d'El-Mouradia, du moins de prendre soin de ne jamais noircir le tableau même s'il est visiblement sombre, se sont subitement « lâchés » en s'autorisant un jugement sévère qui n'a pas manqué de surprendre. On s'est alors dit dans notre milieu que si ces publications s'y sont mises elles aussi, et parfois sans retenue, c'est que les choses vont mal et rien ne sert de vouloir cacher le soleil avec un tamis pour reprendre un vieux dicton populaire. Les observations qui sont revenues globalement dans les analyses tournent autour de la catastrophe économique, de la faillite diplomatique, de l'absence de vie politique viable, de l'allégeance chronique de la Justice et de la désertion de plus en plus ressentie du chef de l'Etat de la scène nationale qui fait penser à un navire sans gouvernail. Entre le premier mandat et l'entame du troisième, Bouteflika aurait donc, selon la critique généralement admise, considérablement perdu de sa prestance et de son aura. Il serait en chute libre dans les sondages, avec un déficit certain en popularité face à un avenir dont il ne sait plus comment le prendre en charge. Et qui dit désertion, pense à l'abandon des prérogatives et des responsabilités essentielles de l'Etat. Quand les Algériens disent « il n'y a plus d'autorité de l'Etat ou carrément il n'y a plus d'Etat » devant la multiplication des problèmes non résolus depuis des années qui empoisonnent la vie sociale, ils savent, parce qu'ils sont confrontés à la réalité, de quoi ils parlent. Les observateurs avisés, quant à eux, indiquent qu'en fermant encore davantage que son prédécesseur le système de gouvernance, et en poussant à l'extrême le populisme comme mode de gestion, ce dernier s'est lui-même mis dans une situation inconfortable. Son autoritarisme qui confine désormais au clan familial semble mener vers l'inconnu le pays qui, sous sa direction, n'a d'autre alternative que de se replier sur lui-même. De nombreuses personnalités politiques, dont certaines ont eu à exercer le pouvoir, ont tiré depuis longtemps la sonnette d'alarme pour sensibiliser les tenants du système sur l'urgence qu'il y a à donner un peu d'oxygène démocratique à une Algérie qui n'en peut plus d'être maltraitée de la sorte, alors que ses élites, marginalisées, cherchent à s'exiler faute de pouvoir l'aider à s'en sortir. Parmi ces personnalités, l'ex-chef du gouvernement qui se pose cette question récurrente : « Où va l'Etat algérien ? », estimant que cet Etat obéit aujourd'hui à tous les critères de définition d'un Etat défaillant qui dérivera durant la décennie 2010-2020 vers un Etat déliquescent, c'est-à-dire un Etat qui aura perdu l'ensemble de ses attributions. Benbitour, qui signe là un autre véritable brûlot contre le système de gouvernance en place, n'en est pas à sa première mise en garde. Il ajoute à l'adresse de ses concitoyens : « Vous n'avez de choix pour survivre que de proclamer avec beaucoup de zèle votre allégeance. Les instruments utilisés sont l'état d'urgence, le monopole des médias lourds (TV et radios) et tout un arsenal d'instruments répressifs, apparents ou déguisés, autour de la carotte et de bâton ». Pourquoi les opinions émanant de personnalités qui connaissent bien comment fonctionne le système politique du pays ne sont jamais prises en considération ? Pourquoi la télévision nationale leur ferme-t-elle de manière radicale les portes de la communication ? La parole « dissidente » n'est jamais bien vue du côté du boulevard des Martyrs, et c'est pourquoi un intervenant comme Benbitour ne risque pas de sitôt d'être invité sur un plateau pour développer ses idées avec lesquelles on peut être d'accord ou pas. Au lieu donc de se mettre au service du citoyen d'une diversité de points de vue pour éveiller son sens critique, l'Unique se met à la disposition du Pouvoir. Vendredi dernier, elle a d'ailleurs sorti la grosse artillerie pour répondre aux « détracteurs » de l'action présidentielle. Elle est montée au créneau pour contredire tous ceux qui pensent que le bilan de Bouteflika, au détour de la première année de son troisième mandat, n'est guère reluisant. « Promesses tenues », c'est le thème qu'elle a donné à l'émission spéciale animée par ses deux chouchous de présentateurs pour glorifier, voire magnifier l'œuvre d'un Président qui n'en espérait pas tant. Tout va pour le mieux et dans tous les domaines. Les réalisations sont grandioses, et n'en déplaise à ceux qui pensent le contraire, tous les engagements de Sidi Raïs sont concrétisés. A la bonne heure…