Ligue 1 Mobilis: le MCO rate le coche face à l'USMK (0-0)    CPI : les mandats d'arrêt à l'encontre des responsables sionistes sont "contraignants"    Réunion OPEP-Russie : l'importance de la stabilité des marchés pétroliers et énergétiques soulignée    CAN-2025 U20 (Zone UNAF) 4e journée (Tunisie-Algérie) : victoire impérative pour les "Verts"    Sansal, le pantin du révisionnisme anti-algérien    Organisation du 20e Salon international des Travaux publics du 24 au 27 novembre    Startups : Les mécanismes de financement devraient être diversifiés    Jeux Africains militaires–2024 : l'équipe nationale algérienne en finale    Ghaza : 25 Palestiniens tombés en martyrs dans des frappes de l'armée sioniste    La Révolution du 1er novembre, un long processus de luttes et de sacrifices    70e anniversaire du déclenchement de la Révolution : la générale du spectacle "Tahaggart ... l'Epopée des sables" présentée à Alger    Nécessité de renforcer la coopération entre les Etats membres et d'intensifier le soutien pour atteindre les objectifs    Accidents de la circulation en zones urbaines: 11 morts et 418 blessés en une semaine    Le ministre de la Santé met en avant les progrès accomplis par l'Algérie dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens    Le Conseil de la nation prend part à Montréal à la 70e session de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Khenchela: 175 foyers de la commune d'El Mahmal raccordés au réseau du gaz naturel    Le Général d'Armée Chanegriha préside la cérémonie d'installation officielle du Commandant de la 3ème Région militaire    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    Regroupement à Sidi-Moussa    JSK – PAC en amical le 21 novembre    La liste des présents se complète    Poutine a approuvé la doctrine nucléaire actualisée de la Russie    L'entité sioniste «commet un génocide» à Ghaza    Liban : L'Italie dénonce une nouvelle attaque «intolérable» de l'entité sioniste contre la Finul    Un nourrisson fait une chute mortelle à Oued Rhiou    Sonatrach s'engage à planter 45 millions d'arbres fruitiers rustiques    Campagne de sensibilisation au profit des élèves de la direction de l'environnement de Sidi Ali    Pour une économie de marché concurrentielle à finalité sociale    Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Semaine internationale de l'entrepreneuriat    Il y a 70 ans, Badji Mokhtar tombait au champ d'honneur    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la Francophonie (III)    La femme algérienne est libre et épanouie    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



AHMED BENBITOUR, AU SOIR D�ALG�RIE :
�Je ne cr�erai pas de parti�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 12 - 2011


Entretien r�alis� par Brahim Taouchichet
Plusieurs fois ministre puis chef de gouvernement, Ahmed Benbitour est ce que l�on pourrait appeler le parfait fonctionnaire, s�rieux, studieux, homme des grands dossiers et de missions d�licates. Il a chut� dans le s�rail politique sans parrainage ni sponsors comme l�exigent les us et coutumes en vigueur. Il d�missionne en 2000 suite � un d�saccord avec Abdelaziz Bouteflika et � fait nouveau � le fait savoir dans une lettre rendue publique le lendemain m�me de cette grave d�cision et se retrouve mis � la retraite � l��ge de 54 ans ! Mais il n�est pas rest� dans son coin � ronger son frein. Bien au contraire, il fait preuve d�une grande activit� politique lui que l�on peut assimiler plut�t � un technocrate, commis de l�Etat. Pour lui, le pays tel que gouvern� actuellement fonce droit vers le pr�cipice, �la nation est en danger�. Par la faute d�un �pouvoir autoritariste et patrimonialiste �. Dans cet entretien exclusif au Soir d�Alg�rie, le Dr Ahmed Benbitour revient sur de nombreux sujets de l�actualit� politique et �conomique du pays dans un ton mordant sans �tre vindicatif pour autant. Il rejette d�un revers de la main la cr�ation d�un parti politique et toute participation aux prochaines �lections : �Je n�ai pas l�intention de cr�er un parti, ni d�appeler � la participation aux �lections.� Il ne croit pas non plus � la capacit� des partis politiques d��tre une alternative pour le changement.
Le Soir d�Alg�rie : De �L�enfance studieuse et militante� durant la p�riode coloniale � l�homme dans la force de l��ge engag� dans les affaires de l�Etat alg�rien ind�pendant, voil� une bien singuli�re trajectoire�
Dr Ahmed Benbitour : Je suis n� dans la p�riode imm�diate de l�apr�s-Seconde Guerre mondiale dans une famille de commer�ants nationalistes. Orphelin de p�re, j�ai �t� �lev� par ma m�re. Mon oncle maternel a �t� arr�t� en 1941 �pour d�tention ill�gale d�armes de guerre� et emprisonn� � la prison de Berrouaghia. Il est mort en 1943, � la suite d�une tuberculose qu�il a contract�e dans les conditions p�nibles de son emprisonnement. Mon oncle paternel est arr�t� en 1948 une premi�re fois �pour atteinte � la s�curit� ext�rieure de l�Etat� et, en 1957, une derni�re fois. Il a �t� jet� d�un avion dans le d�sert de la r�gion de Timimoun, la m�me ann�e. Un moudjahid, ancien ministre, qui a connu ma m�re dans l�action militante pendant la guerre de Lib�ration nationale l�a qualifi�e dans un livre qu�il vient de publier de �passionaria d�El-Gol�a�. C��tait cela l�ambiance militante dans laquelle j�ai grandi. Les bons r�sultats scolaires ont fait le reste pour d�terminer cette trajectoire singuli�re. En r�alit�, c�est une exp�rience o� pourrait se retrouver toute une g�n�ration. Celle qui a v�cu son enfance pendant la guerre de Lib�ration nationale et sa vie active dans la p�riode d�apr�s-ind�pendance. Une g�n�ration qui a port� les espoirs d�une Alg�rie de progr�s et de prosp�rit�, digne de la grandeur de son peuple et des potentialit�s de son pays. L�espoir �tait fond� au d�part : une R�volution prestigieuse, des opportunit�s de carri�re formidables. D�s la fin des �tudes sup�rieures, on est propuls� � de hautes responsabilit�s. J�ai commenc� ma carri�re comme professeur de management et directeur de la planification et du contr�le de gestion dans une entreprise publique qui employait 16 000 travailleurs.
Vous faites partie des hauts cadres de l�Etat appartenant � une g�n�ration, pur produit de l��cole alg�rienne, qui critiquent violemment le syst�me une fois lib�r�s de l�obligation de r�serve. R�glement de comptes ou conviction que vous pouviez faire plus et mieux ?
C�est la conviction que le pays pourrait faire beaucoup plus et bien meilleur, s�il �tait correctement gouvern�. Je n�ai pas attendu de quitter le syst�me pour exprimer mes craintes. J�ai �crit un premier livre en 1992, alors que j��tais membre du gouvernement qui commen�ait par : �En d�but de cette derni�re d�cennie du XXe si�cle, la situation �conomique et sociale appara�t bien pr�occupante. � On y trouve �galement, en parlant des �lections de 1991 : �Les r�sultats des �lections, aussi bien par l�abstention que par les voix exprim�es, confirmaient le d�sir d�un changement radical. Ce changement radical signifie un changement de la gestion �conomique, sociale et politique qui �tait totalement d�faillante et qui est responsable de la situation actuelle du pays.� Dans le deuxi�me livre publi� en 1998, nous pouvons lire : �Aujourd�hui, le pays vit une exp�rience douloureuse parce que le syst�me politique en place depuis l�ind�pendance, marqu� par la cooptation, c�est-�-dire la fid�lit� au chef au d�triment des principes, a emp�ch� l�installation de la comp�tence aux niveaux �lev�s de la hi�rarchie de l�Etat.� Ou encore : �Ainsi par l�incomp�tence, la corruption, la pr�bende, la mauvaise gestion des affaires �conomiques et la cooptation, le syst�me politique pr�valant a cr�� un contexte o� se c�toient la mis�re sociale et l�humiliation, bien mises en �vidence par l�expression hogra.� Dans Radioscopie de la gouvernance alg�rienne, je publie en annexe II, le texte du projet de r�formes que j�ai propos� au chef de l�Etat en 1995 ; il est intitul� : �Elections pr�sidentielles et Pacte national politique et social pour le progr�s et la prosp�rit�. Il s�agit d�une feuille de route dont l�application aurait permis la mise en place de tous les instruments d�une r�publique moderne � fin 1998.
Justement, Radioscopie de la gouvernance alg�rienne(*), un constat sans complaisance, peut �tre aussi amer et � la limite de l�alarmisme de la r�alit� �conomico-politique de l�Alg�rie de ce 21e si�cle.
Il ne s�agit pas d�alarmisme, mais d�une analyse lucide et responsable qui d�crit l�Alg�rie avec, d�un c�t�, ses atouts et ses potentialit�s et, de l�autre, ses faiblesses et ses d�rives. Dans ce livre �crit en 2006, je disais que l��conomie alg�rienne est vuln�rable, volatile et d�pendante et que l�Etat alg�rien d�rivera durant la d�cennie 2000-2010 vers un Etat d�faillant. Qu�en est-il aujourd�hui ? L��conomie est plus vuln�rable, plus volatile et plus d�pendante, comme le confirment ces chiffres : les importations sont pass�es de 20,68 milliards de dollars en 2006 � 38,89 en 2010, soit une augmentation de 88%, presque le doublement. Il y a une acc�l�ration de la volatilit�, lorsque nous comparons les budgets de l�Etat de 2010 et 2011. En 2010, les recettes courantes plus la fiscalit� p�troli�re � 37 dollars le baril couvraient � peine le budget de fonctionnement et il ne reste que 172 milliards de dinars pour le budget d��quipements ! En 2011, les recettes courantes et la fiscalit� p�troli�re � 37 $ ne couvrent plus que 74% du budget de fonctionnement et il ne reste rien pour le budget d��quipements. Donc, la situation ne fait que s�aggraver. Le dire avec les chiffres n�a rien d�alarmiste ! Aujourd�hui, l�Etat alg�rien r�pond aux cinq crit�res d�un Etat d�faillant et il d�rivera, � moins d�un changement, durant la d�cennie 2010-2020 vers un Etat d�liquescent.
Certains parlent de r�miniscences d�un homme d��u et aigri qui a tout donn� et qui n�a rien obtenu en retour.
Un homme d��u, oui, aigri, pas du tout. J�ai toujours consid�r� chacune de mes missions au service de l�Etat alg�rien comme un acte de remboursement de la dette contract�e par ma g�n�ration aupr�s de celle qui l�a pr�c�d�e. C�est pourquoi, aux premiers mois de l�ind�pendance, je me suis engag� dans une course effr�n�e pour rattraper le retard accumul� dans les �tudes pendant la guerre de Lib�ration nationale. Par la suite, je me suis lanc� le d�fi de r�aliser un cursus universitaire dans les branches les plus difficiles et les plus utiles, pour l��tape de d�veloppement que traversait mon pays : math�matiques, gestion, �conomie et finances, afin de r�pondre aux exigences les plus contraignantes de mon m�tier. Dans l�exercice de mes fonctions, aux diff�rents niveaux de la hi�rarchie de l�Etat, j�ai rarement pris des vacances. Mais, ironie du sort, et � l�instar de beaucoup de comp�tences, je me suis trouv� � la retraite � l��ge de 54 ans. Au moment o� le pays avait le plus besoin de savoir et d�exp�rience. Vous constatez que je ne critique jamais les personnes mais j�analyse les programmes, les missions et les institutions. La mission d�finit un profil de comp�tence pour la r�aliser. Lorsque cette comp�tence n�existe pas, je le signale. Ce n�est pas attaquer ces responsables, mais juste leur dire qu�ils n�ont pas le profil n�cessaire !
En m�me temps, le livre donne l�impression d�un plaidoyer pour le �meaculpa � d�Ahmed Benbitour qui avait quand m�me la charge de nombreuses et d�licates affaires de l�Etat.
Le �mea-culpa� de ce que l�on a fait par rapport � ce que l�on pouvait faire. En fait, le r�gime en place, caract�ris� par le client�lisme, entre autres, n�accepte pas le changement, m�me pas dans les limites de votre mission. Pour moi, c�est une question d�ambition pour mon pays, parce qu�il a les potentialit�s humaines et mat�rielles pour �tre un grand pays. C�est aussi une question de reconnaissance vis-�-vis de ceux qui ont donn� leur vie pour l�ind�pendance de ce pays. C�est, enfin, une question de responsabilit� vis-�-vis des g�n�rations futures, puisque nous exploitons des ressources non renouvelables (p�trole et gaz).
A chaque �tape de votre itin�raire, vous affirmez refuser des postes au sein des institutions et vous donnez l�impression que l�on vous force la main mais vous acceptez finalement apr�s un �th� � la pr�sidence...
Quand il fallait �tre ferme, je l�ai �t�. Mais je ne suis pas t�tu au point de ne pas prendre en compte les arguments que m�expose celui qui m�appelle � une fonction, d�autant plus s�agissant de personnalit�s au sommet de la hi�rarchie de l�Etat. Je voudrais pr�ciser qu�il faut faire la diff�rence entre assumer des missions au service de l�Etat et �appartenir au syst�me�. Dans les faits, j�ai d�missionn� de mon poste de directeur des �tudes et de la pr�vision au minist�re des Finances � la suite des �v�nements d�Octobre 1988. J�ai d�missionn� de mon poste de ministre des Finances parce que le gouvernement n�a pas retenu ma proposition de restructuration du secteur bancaire. J�ai d�missionn� du poste de chef du gouvernement, lorsque le chef de l�Etat a d�cid� de l�gif�rer par ordonnance. J�ai refus� d�entrer dans le gouvernement en juin 1991. J�ai refus� la proposition de chef de gouvernement en 1998. J�ai accept� d�entrer pour la premi�re fois dans le gouvernement en f�vrier 1992 avec l�arriv�e de feu le pr�sident Boudiaf, parce qu�alors un grand espoir nous �tait permis.
Voulez-vous dire que le syst�me � � travers ses hommes � vous utilise puis vous jette comme un citron press� quand il n�a plus besoin de vous ?
Le syst�me est plus int�ress� par la docilit� et la soumission que par la comp�tence et la fermet�. Il peut, momentan�ment, accepter en situation de grandes difficult�s la comp�tence, mais jamais la fermet�. Dans mon travail, je suis poli mais ferme sur les principes et l�avenir des g�n�rations futures. Beaucoup de gens confondent politesse et laxisme.
En m�me temps, vous d�noncez �l�inculture et l�incapacit� des dirigeants successifs � construire un Etat avec des institutions cr�dibles et fortes�.
Nous assistons � la centralisation du pouvoir de d�cision entre un nombre r�duit d�individus en lieu et place des institutions habilit�es. Par exemple, plus de 50% de la fiscalit� p�troli�re n�est pas inscrite dans la loi de finances et �chappe de ce fait au contr�le, a priori, du Parlement. Il faut noter que l�institutionnalisation du pouvoir est contrebalanc�e par la personnalisation du pouvoir, le culte de la personnalit�, la g�n�ralisation de la corruption, l�institutionnalisation de l�ignorance et de l�inertie. Les exp�riences dans d�autres pays prouvent que la r�ussite de sortie de crise d�pend essentiellement de la qualit� des institutions et de celle des responsables qui doivent y faire face. C�est pourquoi je dis : comprendre les raisons de la d�rive ne suffit pas, il faut les comp�tences et les institutions ad�quates pour y faire face.
Fr�quemment, vous exprimez votre reconnaissance et vos remerciements � ceux de vos collaborateurs et � des personnalit�s de haut rang du pouvoir. N�est-ce pas pr�server l�avenir, votre avenir politique ?
Mon avenir est dans le changement de tout le syst�me de gouvernance et pas seulement de ses dirigeants actuels. Le seul avenir qui nous attend, si ce syst�me de gouvernance concentre toutes ses forces � maintenir le statu quo n�cessaire � sa survie, est une soci�t� d�structur�e, appauvrie dans tous les sens du terme, sans rep�res et sans valeurs.
Des rumeurs circulent quant � l�invitation d�Ahmed Benbitour � �prendre un th� � la pr�sidence�, c�est-�-dire revenir aux affaires...
Je ne fais pas attention aux rumeurs. Mais comme je viens de le dire, j�ai la plus forte conviction que le pays est � la d�rive et la nation en danger. La seule issue est le changement de tout le syst�me de gouvernance. Nous sommes � un carrefour qui nous m�nera vers le mod�le des pays �mergents : Chine, Br�sil, Turquie�, s�il y a le changement d�sir�. Nous irons fatalement vers une situation semblable � la Somalie avec le statu quo.
Le �clash� avec le pr�sident Bouteflika � parce que vous refusiez le �jeu de l�ombre�� sanctionn� par une lettre de d�mission rendue publique, par ailleurs, le 26 ao�t 2000, vous conforte-t-il aujourd�hui encore dans cette d�cision ?
Il n�y a pas eu de �clash� entre le pr�sident et moi. Nous avons des conceptions diff�rentes de l�Etat. Moi je suis pour un Etat appuy� sur des institutions fortes, lui croit dans un Etat centralis�, entre les mains d�un nombre restreint d�individus. Le temps a malheureusement confirm� mes craintes. Je dis qu�il n�y a pas de �clash� parce que, lorsque le pr�sident m�a re�u pour lui pr�senter la d�mission de mon gouvernement, il m�a retenu pendant plus d�une heure pour me parler de son exp�rience politique et on s�est quitt�s � ma demande, en se donnant un rendez-vous pour un d�ner ult�rieurement afin de prendre le temps de continuer notre discussion. Le rendez-vous n�a pas eu lieu.
De par votre exp�rience approfondie des rouages de l�Etat et du s�rail politique, vous en �tes arriv� � conclure qu�il faut �casser� le syst�me de l�ext�rieur�
En quittant le gouvernement, je me suis pos� la question suivante : que faire pour le changement ? J�ai fait une analyse comparative des exp�riences de l�Alg�rie, des pays d�Am�rique latine, de l�Europe du Sud (Espagne, Portugal, Gr�ce), de l�Europe de l�Est et de l�Asie. J�en ai retenu trois hypoth�ses de travail, fiables. 1- Le r�gime alg�rien travaille � sa propre destruction. Mais avec la rente, le chemin de la d�rive est lent. Du fait de la lenteur de ce processus, lorsque le r�gime se d�truit, il d�truit avec lui toute la soci�t� par un m�lange d�tonant de pauvret�, de ch�mage chez les jeunes, de corruption et de perte de morale collective. 2- Le changement pacifique ne peut venir de l�int�rieur du syst�me, ni des appareils officiels enti�rement soumis au contr�le du pouvoir en place (Parlement, partis politiques de l�Alliance ou de l�opposition), ni de la soci�t� civile telle qu�elle est organis�e par le pouvoir. Il ne viendra pas davantage via l�agenda gouvernemental (�lections, r�f�rendum, assembl�e ad hoc�). 3- La d�cennie 2010- 2020 enregistrera la d�rive de l�Etat alg�rien de sa situation actuelle de d�faillance vers une nouvelle situation de d�liquescence, c�est-�-dire un Etat chaotique, ingouvernable. Face � une telle conviction, le choix est clair : ne rien faire et subir la d�rive avec tous les risques de d�rapage ou profiter de l��veil politique mondial pour pr�parer le changement dans le calme et la s�r�nit� afin de placer le pays dans la voie du progr�s et de la prosp�rit�.
Cela vous a amen� � entrer de plainpied dans l�opposition et vous d�veloppez un impressionnant activisme par le recours � diff�rents canaux de communication, comme internet et aussi Facebook, mis � la mode par les �v�nements de Tunisie et d�Egypte. Pour quels r�sultats ?
Vous constatez que j�ai utilis� le mode de communication des TIC, plus d�une ann�e avant les exp�riences en Tunisie et en Egypte qui sont venues confirmer nos hypoth�ses de travail. J�ai lanc� mon programme Cercles d�initiative citoyenne pour le changement (CICC) en novembre 2009. Il s�agit d�appeler � une mobilisation pacifique pour le changement en r�unissant trois facteurs : 1- Une pression des citoyens forte, croissante et durable sur le pouvoir en place et r�clamer le changement du syst�me de gouvernance et pas seulement le changement des dirigeants. 2- Une alliance strat�gique entre les forces du changement pour construire une capacit� viable de propositions, de n�gociations et de mise en �uvre du changement. 3- Se pr�parer � profiter d�un �v�nement d�clencheur. Les exp�riences tunisienne et �gyptienne du d�but de l�ann�e 2011 ont prouv� que des citoyens r�unis avec pers�v�rance en un endroit strat�gique de la capitale, sans leaders, sans programme politique pr��tabli et face � des forces de r�pression importantes, sont capables de faire partir les chefs d�Etat. Ils ont d�montr� que les dirigeants actuels ne peuvent plus b�n�ficier du paradis de l�exil, ni pour eux-m�mes, ni pour leurs familles, ni pour leurs proches collaborateurs. Donc, l�objectif primordial de mon travail est la mobilisation pacifique pour le changement. Pour les autorit�s en place, le choix est clair : 1- Laisser faire et vendre des r�formes cosm�tiques et alors, elles subiront ce qu�ont subi les dirigeants de Tunisie, d�Egypte, de Libye, du Y�men et de Syrie, en mettant le pays dans le chaos. 2- Etre partie prenante de la pr�paration du changement en n�gociant avec les forces du changement une feuille de route et un agenda pour la mise en �uvre du changement du syst�me de gouvernance. Ce sera la concr�tisation d�une p�riode de transition.
Votre vision de l�Alg�rie de demain donne froid dans le dos compte tenu de notre d�pendance pratiquement totale des hydrocarbures dont �la totalit� des r�serves sera extraite en 2050�, dites-vous. Le pire est � venir ?
Oui, tr�s froid. J�ai signal� la d�rive fiscale dans une question pr�c�dente. Il en est de m�me pour le commerce ext�rieur. Les recettes d�exportations hors hydrocarbures couvraient � peine 5% des importations en 2006. C��tait d�j� tr�s inqui�tant. En 2010, ce chiffre est tomb� � 2%. Lorsque nous importons 75% des calories que nous consommons vous avez une id�e de notre d�pendance. Au niveau politique, la force d�inertie d�mobilisatrice qui gangr�ne le pays le m�nera lentement mais s�rement � la r�gression. Ce serait la marginalisation des comp�tences nationales pr�sentes dans le pays ou � l��tranger. Notre �conomie se limiterait pour l�essentiel � exploiter une ressource non renouvelable (le gaz et le p�trole) au d�triment des g�n�rations futures. Ce sera le basculement dans une anarchie rythm�e par les r�voltes de gens assoiff�s de vengeance, � la recherche de t�tes, d�cid�s � d�truire, faute de perspectives solides de changement, tout ce qui repr�sente une r�f�rence au r�gime pr�dateur responsable de leur mis�re.
Selon vous, l�Alg�rie enrichit l�Europe et les Etats-Unis en leur fournissant le gaz et le p�trole contre des �devises volatiles� que confirmerait la crise financi�re internationale en vigueur ?
Ce que j�ai dit, c�est que l��conomie alg�rienne se sp�cialisait dans la transformation d�une r�serve non renouvelable (le p�trole et le gaz) en une r�serve volatile (les devises d�pos�es � l��tranger). Par exemple, en 2007, sur 59,61 milliards de dollars de recettes d�hydrocarbures, 28,27 sont all�s gonfler un niveau de r�serves d�j� �lev�. En d�autres termes, sur 100 dollars de recettes d�exportations, 47 dollars sont rest�s � l�ext�rieur inutilement ! Aujourd�hui, des experts reconnus et ayant occup� des responsabilit�s importantes dans le secteur de l��nergie pr�voient la fin des exportations d�hydrocarbures dans 25-30 ans ! Mais les probl�mes commencent bien avant cette date ; avec la baisse sensible des capacit�s d�exportation sous l�effet de la baisse de la capacit� de production et l�augmentation de la demande nationale. Dans El Moudjahiddu 29 janvier 2006, le ministre de l�Energie pr�voyait la production de 2 millions de barils/jour en 2010 et l�exportation de 85 milliards de m�tres cubes de gaz en 2010 et 100 milliards de m�tres cubes en 2015. Les r�alisations de 2010 sont � 70% pour le p�trole et 67% pour le gaz !
Quelle serait alors selon vous l�alternative pour �viter les cons�quences catastrophiques de la �politique d�sastreuse� men�e actuellement ?
La situation de l�Alg�rie de la baisse sensible des capacit�s d�exportation d�hydrocarbures que je situe en 2018-2020 d�pendra essentiellement de deux facteurs : 1- La qualit� des politiques de substitution entre les hydrocarbures et le savoir, c�est-�-dire la transformation d�une �conomie malade de la mal�diction des ressources en une �conomie de protection et de d�veloppement ; autrement dit, la transformation du capital naturel non-renouvelable en capital humain g�n�rateur de flux de revenus stables et durables (investissements de qualit� dans les ressources humaines : �ducation, sant�, savoir, comp�tences �). 2- La qualit� des politiques d�int�gration dans une �conomie mondiale de plus en plus globalis�e, o� les fronti�res nationales seront totalement perm�ables. Face � ces deux facteurs et la caract�risation de l��conomie alg�rienne que je viens de faire, l�Alg�rie se distinguera par l�un des deux sc�narios suivants : 1- Une �conomie de d�veloppement et de protection qui a �limin� la mal�diction des ressources dans sa politique int�rieure ; doubl�e d�une �conomie bien int�gr�e � l��conomie mondiale qui a su profiter du rattrapage technologique. Ce sera l�Alg�rie de nos r�ves. Pour cela, il faut un changement de syst�me de gouvernance dans les meilleurs d�lais. 2- Une �conomie malade de la �mal�diction des ressources� sans ressources naturelles parce que �puis�es ; doubl�e d�une �conomie marginalis�e par la contagion au niveau de l��conomie mondiale.
Vous avez d�clar� ne pas avoir �t� suivi par la soci�t� civile et la population lors du lancement des initiatives citoyennes. Qu�est-ce qui a chang� aujourd�hui ?
Le train de changement est en marche dans toute la r�gion, le freiner ou le retarder ne fera qu�aggraver la situation et en premier lieu le salut des autocrates. Hier, la lutte pour l�ind�pendance s�est appuy�e sur le nationalisme au niveau local et la d�colonisation au niveau international. Aujourd�hui, la mobilisation pour la lib�ration de l�individu s�appuie sur la citoyennet� au niveau local et sur les droits universels � la libert� et � l��mancipation au niveau international. Les temps, les espaces, les environnements sont diff�rents, mais les processus sont les m�mes. Hier, c��tait la lutte arm�e pour chasser l�occupant sourd � toute id�e de n�gociation ; aujourd�hui, c�est le combat citoyen pour changer le syst�me autocrate, r�pressif, sourd � toute id�e de dialogue, par une mobilisation pacifique qui s�exprime par les marches, les rassemblements, les manifestations et les gr�ves. Plus que jamais, le peuple exige le changement et veut �radiquer les stigmates des malheurs qu�il a endur�s. De fait, tout est d�j� en place pour assurer la fin de partie pour les gouvernants reni�s par leurs peuples. La suite des �v�nements pourra alors s�envisager dans un esprit nouveau, d�ouverture, de justice et de sagesse. Une transition sera instaur�e, comme diverses personnalit�s n�ont pas manqu� d�y faire r�f�rence.
L�ANC � Alliance nationale pour le changement � que vous avez cr��e et dont vous �tes le pr�sident participera-telle aux prochaines �lections �lectorales ? Au demeurant, votre parti sera-t-il agr�� � la lumi�re de votre participation avort�e � la pr�sidentielle du fait du nombre insuffisant de signatures ?
Merci pour cette question parce qu�elle me donne l�occasion de corriger pas mal de fausses informations. D�abord, en ce qui concerne l��lection pr�sidentielle de 2004, j�avais �crit un article en avril 2003 o� j�affirmais qu�en Alg�rie, tout comme dans n�importe quel syst�me autocrate, lorsque le pr�sident en exercice se pr�sente aux �lections, il ne laisse aucune chance � tout autre candidat de r�ussir. Quand le pr�sident a annonc� officiellement sa candidature, j�ai retir� la mienne. Quant � votre question sur l�ANC, je voudrais pr�ciser que j�ai lanc� en novembre 2009, le programme des CICC. Apr�s une ann�e, j�ai fait le point de notre exp�rience et j�ai vu que le moment �tait venu de passer � la cr�ation des conditions d�alliances entre les forces du changement pour d�finir une capacit� de proposition de n�gociations et de mise en �uvre. C�est alors que j�ai lanc� en novembre 2010 le Manifeste pour une Alg�rie nouvelle et appel� � une mobilisation des Amis du Manifeste. La construction des alliances s�impose comme une solution viable parce que : 1- Apr�s vingt ann�es de divisions id�ologiques qui nous ont dress�s politiquement, physiquement, moralement et intellectuellement les uns contre les autres, les blessures sont encore profondes et douloureuses au sein de la soci�t�. 2- L�incapacit� des courants politiques continuellement divis�s � proposer une alternative cr�dible risque de provoquer la lassitude et la d�motivation d�une population fatigu�e et d�sabus�e. 3- Les tentatives r�p�t�es de fractionnement, divisions et manipulations de la part de certaines franges du pouvoir rendent impossible un travail d�union des forces du changement dans le court terme. D�o� l�appel � l�alliance qui ne signifie ni union, ni fusion, mais, simplement, la mise en commun des moyens de mobilisation pacifique pour le changement. C�est � la suite de cet appel que certains partis politiques, associations et personnalit�s ont organis� une rencontre � Z�ralda pour discuter des conditions d�alliances. J�y �tais invit� en tant qu�initiateur du manifeste. La rencontre a conclu � la pr�paration d�un congr�s national pour la cr�ation de l�Alliance nationale pour le changement. Les conditions d�organisation de ce congr�s ne sont toujours pas r�unies. Il n�y a pas de pr�sident, c��tait un travail d��quipe, j�en �tais le catalyseur. J�ai clairement d�montr� que le changement d�sir� ne viendra ni des partis politiques, ni de l�agenda gouvernemental (�lections ou autres). En coh�rence avec cela, je n�ai pas l�intention de cr�er un parti, ni d�appeler � la participation aux �lections.
Un dernier mot pour clore cet entretien et � la veille de la nouvelle ann�e ?
J�aimerais souhaiter � toutes les Alg�riennes et � tous les Alg�riens mes meilleurs v�ux de bonheur et de prosp�rit� dans une Alg�rie o� ils pourront vivre leur modernit� dans la paix et la s�r�nit�. Pour que cela ne reste pas un simple v�u, il faudrait int�rioriser le fait que la sauvegarde de la Nation alg�rienne devrait devenir, par del� les vicissitudes du moment, l�objet principal de notre mobilisation et de nos pr�occupations quotidiennes et nous incite � pr�parer, dans les plus brefs d�lais, la transition que le peuple alg�rien, dans son ensemble, souhaite voir s�installer.
B. T.
Radioscopie de la gouvernance alg�rienne- (Edition revue et corrig�e) - 280 pages - Edif 2000 - 800 DA


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.