En Algérie, on ne compte plus les homicides volontaires. Chaque jour qui passe apporte son lot de meurtres d'hommes, de femmes ou d'enfants. Les causes à l'origine de ces actes sont souvent surprenantes et, du coup, inquiétantes. L'Algérien serait-il en phase de devenir un meurtrier potentiel ? Les faits sont nombreux et ne diffèrent que par le lieu ou les causes ayant mené à l'homicide. A Mostaganem, au cours du mois de juillet, une femme a été assassinée et sa fille blessée suite à une altercation à l'intérieur de la résidence de la victime. A Alger, c'est un chef de service d'un dispensaire qui a été poignardé par un infirmier à cause du comportement de son responsable hiérarchique et de ses intimidations récurrentes. A Skikda, en juin dernier, un homme est assassiné à cause d'une place de parking. En effet, selon les chiffres recueillis auprès de la Direction de la police Judiciaire (DPJ), au cours du premier semestre 2018, 103 affaires d'homicides avec arme blanche ont été enregistrés, impliquant 103 auteurs et 119 complices. 167 ont été mis en détention provisoire, 5 en citation directe, 49 mis sous contrôle judiciaire et 1 remis en liberté. Durant le mois de Ramadan dernier, 10 affaires d'homicide volontaire avec arme blanche ont été signalés, impliquant 10 auteurs et 3 complices. Douze ont été placés en détention provisoire et un en citation directe. Le pic des homicides au cours du mois de jeûne a eu lieu vers 16 heures, a précisé au Temps d'Algérie le sous-directeur, commissaire de police, chef de bureau des atteintes aux personnes à la Direction de la police Judiciaire (DPJ), Saadeddine Zenati. A titre comparatif, on constate que le nombre d'homicides au premier semestre 2018 a légèrement baissé puisque au premier semestre 2017, 111 affaires d'homicide volontaire avec arme blanche ont été traitées par la Direction de la police Judiciaire, où étaient impliqués 111 auteurs et 131 complices. 166 d'entre eux ont été placés en détention provisoire, 7 en citation directe, 32 mis sous contrôle judicaires et 19 remis en liberté. De façon plus globale, pour l'année 2017, ce sont 228 affaires d'homicide avec arme blanche qui ont été enregistrées par les services de la DPJ, impliquant 230 auteurs et 10 complices. Parmi ces individus, 339 ont été placés en détention provisoire, 7 en citation directe, 65 mis sous contrôle judiciaire et 19 ont été libérés. Le même nombre d'affaires d'homicide volontaire a été enregistré au cours de l'année 2016, soit 228, impliquant 228 auteurs et 262 complices. 378 d'entre eux ont été placés en détention provisoire, 16 en citation directe, 62 sous contrôle judiciaire et 34 remis en liberté. La victime connaît son bourreau Les affaires d'homicide, signalées par le chef de bureau des atteintes aux personnes à la Direction de la police Judiciaire, l'ont été «à l'arme blanche, les cas d'empoisonnement étant très rares». Il ressort également que la tranche d'âge des auteurs varie entre 18 et 35 ans et les causes à l'origine de ces homicides sont nombreuses. Dans ce sens, Saadeddine Zenati a précisé que «70% des homicides ont eu lieu suite à des rixes et provocations, 20% suite à des litiges familiaux et 10% pour des causes diverses comme les troubles psychiatriques», ajoutant que «dans 90 % des affaires enregistrées, la victime connaît son bourreau et l'auteur est identifié et arrêté au bout de 6 heures». Les affaires traitées par la DPJ ont pu être résolues à 100%, grâce, entre autres, aux caméras installées dans plusieurs wilayas, au numéro vert de la police, mais également grâce à la préservation de la scène du crime. Ces meurtres ne sont pas commis que par des hommes, les femmes étant, elles aussi, à l'origine d'homicides, même si leur nombre est moindre. Mais le degré d'atrocité est plus élevé. «Moins de 1% des homicides est commis par des femmes. Si le chiffre est faible, les homicides sont plus graves et plus atroces», relèvera Saadeddine Zenati. Il y a quelques années, une femme a tué son mari en l'éventrant et en lui coupant les organes génitaux, après qu'elle se soit rendu compte qu'il avait une relation extraconjugale. Il a été relevé également que «les cas d'homicides par préméditation sont couramment exécutés durant la nuit», a déclaré le commissaire de police Saadeddine Zenati. Concernant l'impact de la drogue sur l'auteur d'un homicide, Saadeddine Zenati estimera que «la plupart ne tuent pas à cause de la drogue, mais c'est une conséquence». Les rivalités dans les cités-dortoirs Les localités où les homicides sont les plus fréquents restent «les grands centres urbains comme Alger, Oran et Constantine, particulièrement à El Khroub, où la densité de la population est très importante», soulignera le commissaire de police. Parmi les causes favorisant la criminalité, notamment les homicides, le déplacement des populations et les mélanges dans de nouvelles infrastructures qui induisent des rivalités et des différends graves. Dans ces grandes cités, on retrouve des chefs de gangs qui tentent d'imposer leur diktat dans les nouveaux quartiers, créant ainsi au sein de ces cités-dortoirs des bandes rivales qui s'affrontent à cause, par exemple, de la «gestion» de parkings, une chasse gardée à préserver quel que soit le «prix» à payer. «A Sidi Abdellah, à la périphérie d'Alger par exemple, la sûreté urbaine compte 500 policiers. Avec toutes les opérations de relogement, la densité de la population et le taux de criminalité qui a augmenté, il est devenu impératif d'installer une Brigade mobile de police judiciaire, spécialisée dans l'intervention pour veiller sur la sécurité des biens de l'Etat, et dont le but est d'anticiper les actes criminels», insiste notre source. La Direction générale de la sûreté nationale compte «222.000 policiers, dont 23.000 à Alger, un taux de couverture national de 82%, correspondant aux normes internationales, soit un ratio de 1 policier pour 200 citoyens», dira le chef de bureau des atteintes aux personnes à la Direction de la police Judiciaire.