L'Université de Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou a abrité, le week-end dernier, un colloque national sur les méthodes didactiques des langues maternelles avec pour thème : «Vers une didactique des langues maternelles : Quel impact sur l'enseignement de Tamazight et sa promotion ? Quel est le rôle du numérique pour favoriser sa diffusion ?». Organisée par le Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (Cnplet) en collaboration avec l'Ummto, cette manifestation scientifique qui a vu la participation d'un nombre important d'enseignants et chercheurs linguistes dans la littérature amazighe qui ont plaidé à l'unanimité qu'après l'officialisation de Tamazight comme langue nationale et officielle dans la Constitution, il est temps d'aller vers la fixation d'une ou des normes de didactique et de modalité de prise en charge de l'arrière plan culturel de chaque variété dialectale de Tamazigh (chaoui, mozabite, kabyle, targui, chenoui) afin de faciliter son enseignement avec toutes ses variétés. «Il faut développer la connaissance de la langue maternelle dans le manuel scolaire pour les élèves selon la culture géolectale et socioculturelle de sa région puisqu'aujourd'hui, tamazight se retrouve plus que jamais face à des défis stratégiques, d'abord celui de la diversité des langues maternelles selon les régions. Ensuite, celui des attentes et des besoins des sujets parlants vis-à-vis des sujets parlants de leur langue première, tant ils sont attachés à leur spécificités géolectale et culturelle». A ce sujet, le directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (Cnplet), Pr Abderrazak Dourari a plaidé pour que l'académie de la langue amazighe opte pour la variation dialectale de tamazight dans la transcription de cette langue. «Nous ne pouvons pas unifier le dialectal et le caractère de transcription de tamazight. Se référant à la loi organique pour l'académie stipule que Tamazight avec toutes ses variétés est une langue nationale et officielle. Ceci dit, toutes les variétés sont encouragées». Pour ce qui est de la transcription de la langue amazighe, il a indiqué que la loi organique prévoit la polygraphie, c'est-à-dire la diversité de la graphie en respectant le caractère choisi par chaque région. D'après lui, le caractère n'est pas un problème, puisque les ordinateurs écrivent avec toutes les langues de la planète, mais il reflète des considérations socioculturelles. «Nous ne pouvons pas exiger à un targui de transcrire tamazight en latin, alors que Tifinagh représente son identité culturelle. Idem pour les kabyles qui préfèrent écrire tamazight en latin, ce qu'on appelle ‘tam3amrith'», a-t-il expliqué. Pour sa part, Kamel Akli, enseignant au niveau du département de la littérature amazighe de l'Université de mouloud Mammeri a indiqué que l'enseignement des langues maternelles nécessite un encadrement de qualité des enseignants pour permettre aux élèves d'établir un lien entre le savoir métalinguistique acquis à propos de leur langue maternelle et celui qui concerne les langues étrangères dont ils commencent l'apprentissage et d'autre part, les effets positifs de cette relation, lorsqu'elle est établie à des exercices appropriés. «Les difficultés auxquelles tamazight fait face, notamment dans l'enseignement de ses langues maternelles sont nombreux. On cite, dira t-il, l'acceptation de l'autre variété de tamazight avec sa spécificité, pour faire de la langue maternelle un atout incontournable, un fondement et un médiateur dans l'acquisition et l'apprentissage des connaissances et de la formation psycho-cognitive des apprenants». D'après lui, il faut une formation de qualité des enseignants en langue amazighe pour pousser l'école algérienne à aller de l'avant dans l'enseignement des langues maternelles. Lors de son intervention, Ali Ouchouche Kaci Fadhila est revenue sur le rôle du numérique pour favoriser la diffusion de tamazight et son enseignement. «Aujourd'hui, le défi du numérique et les technologies de la communication et de l'information, au service de l'éducation et de l'apprentissage devraient prendre une part non négligeable dans ce renouveau attendu de la didactique des langues maternelles algériennes. Il faut que les didacticiens et des enseignants plaident pour le développement de l'enseignement des langues maternelles via l'internet et sur les réseaux sociaux dont le but est de développer la conscience métalinguistique chez l'enfant». Les institutions françaises boycottent le colloque Par ailleurs, et en marge de ce colloque, le directeur du CNPLET, Pr Abderrazak Dourari a tenu à dénoncer l'absence des partenaires étrangers en l'occurrence le Laboratoire Paragraphe de l'Université Paris 8 et Cergy-Pontoise) qui sont habitués à participer à ce colloque qui avait une dimension internationale et qui est devenu, cette année, national. «Comme à l'accoutumée, nous avons convié ces partenaires d'y prendre part à ce colloque, nous avons été surpris que les responsables des institutions universitaires et de recherches scientifiques aient décidé de boycotter ce colloque pour des raisons sécuritaires. Ils ont refusé d'y assister en justifiant que la société algérienne est en ébullition», a-t-il regretté. En revanche, rajoute-t-il, des partenaires français ont pris part à une manifestation scientifique organisée, il y a trois jours en Tunisie. «Il me paraît que cela n'a aucune relation avec les questions sécuritaires, mais plutôt ces institutions ont boycotté notre colloque pour le choix économique algérien mis en place par les autorités algériennes qui a réduit ses marchés avec la France et a favorisé la Chine, comme premier partenaire étranger en Algérie» avant de conclure : «C'est une petite querelle entre l'Algérie et la France à laquelle les deux pays devront y remédier prochainement.»