«Nous ne voulons pas êtres gouvernés par des messages», «non au 5e mandat», «voleurs, pas de cinquième», «pas de cinquième, ancêtres de la France», «sortez du pays des martyrs qui l'ont libéré», «Nulle ne peut arrêter le peuple», tels sont quelques slogans ayant tonné, hier, le ciel des villes de Boumerdès, lors des grandioses marches organisées à travers plusieurs localités, pour un troisième vendredi de la colère contre le pouvoir en place, et le 5e mandat de Abdelaziz Bouteflika. C'était la joie partout. Les manifestations ont été organisées dans le calme. Les scènes des manifs à Boumerdès rappellent pour certains, celles de l'indépendance du pays, en 1962, quand hommes, femmes, enfants, vieux, sont sortis dans la rue pour célébrer la victoire. Des youyous des femmes venues en masses ont donné un caractère spécifique à cette manif ,avec des couleurs du drapeau national et d'emblèmes Amazighs. Des femmes vêtues de vêtements traditionnels berbères, et d'autres emmitouflées dans des drapeaux nationaux, ont profité de leurs journée internationale pour protester calmement, et réclamer la liberté et la démocratie. Une enseignante, accompagnée par son fils, les larmes aux yeux, n'a pas cru ce déferlement populaire qui, comme un seul homme, défie la peur et réclame son droit à une meilleure vie, par son refus à un système politique qui ne cesse de ruiner le pays depuis des décennies. «J'ai participé à toutes les marches des vendredis passés, mais aujourd'hui, j'ai senti la volonté de ce peuple pour un changement. Je suis fière d'être Algérienne», lance-t-elle, tout en remerciant la femme Algérienne qui a enfanté ce peuple, comme l'a fait d'ailleurs en donnant au monde des hommes ayant libéré ce pays du joug colonial. Les premières marrées humaines commencent à se former à partir de 11h30, notamment à Naciria, où des jeunes ont ramené trois ânes pour marcher, et signifier leur colère contre le 5e mandat. A 12h, Boumerdès était une ville morte. Les commerces étaient fermés. Rares sont des citoyens qui se rendaient aux mosquées. On croyait que rien ne va se passer, ou c'est déjà la désobéissance civile. 13h40, quelques personnes commencent à se regrouper. Sept personnes, à la sortie de la mosquée Ibn Khaldoun du centre ville, retirent des drapeaux nationaux, et commencent à scander des slogans anti-pouvoir. Peu de temps après, la marche s'ébranle. Et plusieurs citoyens ont fini à joindre la procession, notamment lorsqu'elle atteint le lieudit Madaure, juste après le commandement de secteur militaire de Boumerdès, où les manifestants scandaient «djeich chaab khaoua khaoua». C'est ici que les premiers groupes de femmes ont commencé à se joindre à la foule. Arrivés au portail principal du siège de la wilaya, les manifestants interpellent les policiers à se joindre à eux, par des slogans «enlevez la casquette et rejoignez-nous». les manifestants ont arpenté alors le boulevard de l'indépendance, pour rallier l'institut des hydrocarbures, où un bref sit-in fut observé. Une foule immense a vibré, hier, dans la la ville. Devant la clinique Essalam, les manifestants ont marché dans un silence total, pour ne pas déranger les malades. Les proches des malades, à partir des fenêtres des salles de la clinique, saluent avec leurs mains le geste des manifestants. Les manifestants ont rallié la gare ferroviaire, avant d'observer une halte au quartier du 11 décembre 1960. Vers 16h30, les marcheurs poursuivaient leur procession, pour dire non au 5e mandat, et contre le pouvoir en place depuis quatre décennies.