Le vent de colère et le rejet du 5e mandat de Bouteflika gagnent de l'ampleur à travers les localités de la wilaya de Boumerdès. Hier, des milliers de citoyens de différentes communes de la région sont descendus dans la rue pour exprimer leur soif de changement. A Boumerdès, une marche mémorable a été organisée peu après la prière du vendredi, drainant hommes et femmes, grands et petits. Drapé de l'emblème national, Abdelatif, la soixantaine passée, se dit «très fier de participer à ce moment historique que vit le pays». «Tout le monde en avait marre de ce système. Il était vraiment temps que le peuple reprenne son destin en main. On a trop souffert. Et j'espère que le cri de ces milliers de gens ne sera pas vain», souhaite-t-il. Contrairement à la semaine passée, la marche d'hier a vu défiler plus de 10 000 personnes dans les ruelles de la ville. La première procession a démarré de la cité Ibn Khaldoun, en sillonnant le boulevard principal et la route menant vers le siège de la wilaya avant de descendre vers le rond-point jouxtant le jardin du 21 Mai, où des marées humaines ont convergé à partir des Coopératives et de la cité des 350 Logements. Arborant des pancartes et des drapeaux, les manifestants ont arpenté la rue menant vers la gare ferroviaire sous les slogans hostiles aux tenants du pouvoir. «Klitou leblad ya sarakin» (vous avez tout volé, bande de malfaiteurs), «L'Algérie est une République, pas une monarchie», «20 ans de gabegie, barakat», «Bouteflika, il n'y aura pas de 5e mandat», criaient-ils en chœur. Comme lors des manifs de mardi et vendredi passés, les forces de maintien de l'ordre se sont faites très discrètes. Certains policiers tentaient vainement d'encadrer la foule, tandis que d'autres filmaient et prenaient des photos. Tous les marcheurs ont salué le caractère pacifique de l'action. Une réponse cinglante à Ahmed Ouyahia qui, malgré la réussite des actions du 22 février, a brandi encore une fois au Parlement les menaces de déstabilisation du pays. «Leurs heures sont comptées. Le chantage à la sécurité n'est qu'une vieille recette qui ne peut camoufler leur échec et tromper le peuple indéfiniment», tonne un trentenaire. A Laâziv, bastion de toutes les luttes, la mobilisation reste intacte. La marche d'hier a drainé plus de monde par rapport à celle de la semaine d'avant. Outre les banderoles et les pancartes hissées pour la circonstance, les manifestants ont redoublé d'ingéniosité en organisant une simulation de l'enterrement de Bouteflika. La foule a, en effet, exhibé un cercueil couvert de l'emblème national comme pour démontrer l'incapacité du Président à gouverner. «Ce système a mené le pays à la dérive. Il est temps qu'il cède la place aux jeunes», lance Said qui a brandi une pancarte sur laquelle il déplore l'augmentation du nombre de harraga et de prisonniers. A Bordj Menaiel, des centaines de jeunes ont observé une marche au boulevard Amirouche pour demander le changement. Idem dans les localités de Dellys, Issers, Ath Amrane, Corso et Boudouaou, où des actions similaires ont eu lieu contre la volonté de Bouteflika de rempiler. «Ce pouvoir a échoué sur tous les plans. Plus de 15 ans se sont écoulés depuis le séisme de 2003, mais des centaines de familles vivotent à ce jour dans les chalets. Cela sans parler du chômage qui touche 60% des jeunes à cause du manque d'investissement», s'indigne Rafik (29 ans), abordé au cours de la marche à Boumerdès. Après un début d'après-midi très mouvementé, le calme est revenu vers 17h dans toutes les communes de la région. Si certains manifestants faisaient le bilan de leur action, d'autres scrutent la moindre nouvelle provenant des autres fronts, notamment d'Alger, le cœur battant du pouvoir. Malgré la forte mobilisation d'hier, le maintien du projet du 5e mandat et les discours anachroniques des Ouyahia et Sellal prédisent d'autres manifestations plus impressionnantes à l'avenir.