Le refus populaire catégorique des symboles du système met désormais l'armée dans une posture difficile, surtout qu'il s'agit de la seule institution encore crédible. Le septième vendredi des manifestations populaires contre le régime replace la question de la transition démocratique, et de la voie à suivre au centre des interrogations. Le refus populaire catégorique des symboles du système met désormais l'armée dans une posture difficile, surtout qu'il s'agit de la seule institution encore crédible. L'application de l'article 102 de la Constitution, certes saluée par les Algériens après la démission forcée du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ne peut en aucun cas être la seule solution à la crise. L'activation de ce processus mène directement à Abdelkader Bensalah, et au maintien de l'actuel gouvernement de Noureddine Bedoui. En scandant «Non aux 3B», le peuple a fait valoir encore son véto concernant le maintien en poste de Abdelkader Bensalah, président du Sénat, de Noureddine Bedoui, Premier ministre, et de Tayeb Belaiz à la tête du Conseil constitutionnel. Certains on ajouté même le nom de Moad Bouchareb, coordinateur de l'Instance dirigeante du FLN, pour crier «Non aux 4B». Ces figures qui ont, durant de longues années, soutenu le Président sortant, «doivent partir avec lui», a plaidé la rue. Du côté officiel, on ne semble pas entendre les algériens de la même oreille. Bien au contraire, il parait même que l'option Bensalah est tranchée. Le Parlement va réunir ce mardi 9 mars ses deux chambres, pour porter le président du Sénat à la tête du pays. Les bureaux du Conseil de la nation et de l'Assemblée populaire nationale (APN) avaient procédé, jeudi dernier, à l'installation d'une commission mixte chargée de l'élaboration du règlement de la réunion des deux chambres du Parlement, à l'effet de l'activation de l'article 102 de la Constitution relatif à la vacance du poste du président de la République. Cette commission va tenir ce matin une réunion sous la présidence de Salah Goudjil, membre le plus âgé. Pour rappel, l'article 102 dispose que le président du Conseil de la nation assume la charge de Chef de l'Etat pour une durée de 90 jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées. Le Chef de l'Etat ainsi désigné, ne peut être candidat à la Présidence de la République. Mais ce n'est pas convaincant. Provocation Le fait que Bensalah n'ait pas le droit de se porter candidat ne rassure pas, car les Algériens ne sont pas tranquilles à l'idée de laisser leur destin entre les mains de cet homme, encore moins de Bedoui, à qui on incombe la responsabilité de la fraude durant les élections précédentes, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. C'est dire que combien même il n'est dans l'intérêt de personne que cette impasse s'accentue, il parait clair que le peuple algérien ne veut rien lâcher. Les manifestations vont se poursuivre jusqu'à satisfaction de la principale revendication, à savoir le départ du système. Surtout maintenant que le processus constitutionnel est mis en marche. Ce qui ne peut-être conçu que comme une énième provocation, après la marée humaine qui a dit «Non à Bensalah» vendredi 5 mars, à travers toutes les wilayas du pays. Article 7 et solution politique Le chef de l'Etat major de l'armée, qui a pesé dans la précipitation des évènements en s'alignant du côté du peuple, est de ce fait devant une responsabilité historique. Seule institution crédible à avoir été saluée par les algériens, l'ANP est pour nombre d'observateurs, garante de la réussite de la transition démocratique. Dans son éditorial du dernier numéro de la revue El-Djeich, parue vendredi, l'ANP a réitéré son engagement à demeurer «fidèle au serment qu'elle a fait devant Allah et l'Histoire, et d'être le bras protecteur du peuple et de la patrie», soulignant son attachement à la solution préconisant l'application de l'article 102 de la Constitution. «La position de l'ANP face aux développements que connaît le pays demeure immuable, dans la mesure où elle s'inscrit constamment dans le cadre de la légalité constitutionnelle, et place les intérêts du peuple algérien au-dessus de toute autre considération, en estimant toujours que la solution de crise ne peut être envisagée qu'à travers l'activation des articles 7, 8 et 102», lit-on dans l'édito. De ce point de vue, se contenter de l'article 102 revient à risquer de nouveau la réussite de la marche des Algériens vers l'instauration d'un Etat de droit, des libertés et de la démocratie. Après la démission de Bouteflika en application de cet article, la priorité est désormais de redonner la parole aux citoyens, selon l'article 7 de la Constitution, qui dispose que «le peuple est la source de tous les pouvoirs». Ce peuple a dit non à Bensalah, à Bedoui et à Belaiz. Il faut le respecter. Une solution politique consensuelle s'impose pour sortir de cette impasse, si l'on veut que la transition démocratique soit acceptée par tous, et que le processus vers une nouvelle République ne soit pas entaché de violence, voire pire …