La mauvaise nouvelle a été annoncée par son avocat, Salah Dabouz qui, dans une vidéo publiée sur sa page facebook, a dénoncé un «acharnement» et une «mort programmée prévue par les autorités judiciaires de Ghardaïa». Ce que craignaient sa famille, son avocat et beaucoup de militants est malheureusement arrivé. Kamel Eddine Fekhar, militant des droits de l'homme, en détention provisoire à la prison de Ghardaïa depuis fin mars, est décédé, hier au CHU Frantz Fanon de Blida. Transféré lundi soir dans cette structure, dans un état comateux, Fekhar, admis depuis le 26 avril au pavillon carcéral de l'hôpital de Ghardaia, a rendu l'âme vers six heures du matin. La mauvaise nouvelle a été annoncée par son avocat, Salah Dabouz qui, dans une vidéo publiée sur sa page facebook, a dénoncé un «acharnement» et une «mort programmée prévue par les autorités judiciaires de Ghardaïa». La mort du militant mozabite (56 ans) en détention, après une grève de la faim qui aura duré plus de 50 jours, vient rappeler celle journaliste et blogueur, Mohamed Tamalt (42 ans), en décembre 2016, condamné pour une vidéo et un poème très critiques contre le président en exercice à l'époque, Abdelaziz Bouteflika. Le destin a voulu que ce soit sous le même régime -avec d'autres têtes-, qui refuse de céder face à une révolution populaire inédite qui a ébahi le monde entier, que Fekhar meurt. Au lendemain de son incarcération avec son ami Aouf Hadj Brahim, le 31 mars dernier, pour «atteinte à la sûreté de l'Etat» et «incitation à la haine raciale», les deux militants vont entamer une grève de la faim. Clamant leur innocence et refusant de suspendre à leur action, malgré la dégradation de leur état de santé dégradé, ils jurent: «Soit la libération, soit la mort en prison». Ainsi, ni les appels de sa famille, ni la sonnette d'alarme tirée par son avocat, il y a à peine quelques jours, sur le danger de mort qu'encourait Fekhar, n'ont fait réagir l'appareil judiciaire, ni le ministère de la Justice. Ses trois enfants, qui ont manifesté avec des pancartes «Libérez notre père», ne le reverront plus. Militant engagé, Kamel Eddine Fekhar avait déjà été arrêté en juillet 2015, en compagnie d'une vingtaine de jeunes, suite aux affrontements communautaires qu'avait connus la vallée du M'zab à l'époque. Poursuivi pour pas moins de 18 chefs d'inculpation, dont «atteinte à la sûreté de l'Etat», «troubles à l'ordre public» et «incitation à la haine et à la violence», il sera condamné en 2017 à 18 mois d'emprisonnement. Peine qu'il aura déjà purgée, et lors de laquelle il avait observé une grève de la faim pendant trois mois. Cette fois-ci, il ne survivra pas à son action héroïque pour dénoncer «l'injustice» qui s'abat sur lui, «comme sur beaucoup de militants mozabites», soutient Me Salah Dabbouz. Pour cet avocat, «beaucoup de responsables dans le secteur de la justice à Ghardaia, notamment le procureur, sont des adversaires et des activistes, et nous considèrent comme ennemis à abattre». Me Dabouz accuse les autorités Salah Dabouz jure de ne pas laisser passer cette «mort programmée» sans suite. Tout en demandant «l'ouverture d'une enquête», il annonce qu'une plainte sera déposée, comme le lui avaient demandé d'ailleurs Fekhar et Aouf, «pour non assistance à personne en danger». Me Dabouz n'épargne aucun responsable dans ce tragique drame. «J'accuse toutes les autorités judiciaires et administratives de Ghardaïa qui ont traité ce dossier (…), d'être les préméditaires de cette mort», lance-t-il, appelant les instances onusiennes à «suivre ce dossier de très près». Car, «Fekhar n'a rien commis, il a fait une interview qui est publiée sur ma page», précise l'avocat. Dans son réquisitoire, il cite le procureur général, le juge d'instruction de la première chambre et le président de la chambre d'accusation, «qui ont ordonné la détention de Fekhar Kameleddine et l'ont laissé mourir en prison», ainsi que le directeur de l'hôpital de Ghardaïa, le personnel médical et paramédicale qui «l'ont mal traité». Aïssa Moussi Réactions : PT : «Inacceptable» ! «Le décès de ce militant en détention est incompréhensible et inacceptable. Le SPBP fait porter l'entière responsabilité de cette tragique disparition aux pouvoirs publics, car ils l'ont laissé mourir en prison, alors qu'ils étaient régulièrement alertés par les avocats et la famille du défunt de la détérioration de sa santé, de la situation de danger de mort dans laquelle il se trouvait, après une grève de la faim qui a duré 50 jours. – Ça suffit ! Plus jamais de mort dans nos prisons ! – Plus jamais de détenus d'opinion ! Liberté pour Louisa Hanoune, et pour tous les détenus politiques et d'opinion !, ». FFS : «Que toute la lumière soit faite» «Ce décès survient après plusieurs semaines de détention abusive et arbitraire, dans des conditions insoutenables et inhumaines. Le FFS n'a jamais cessé de dénoncer et de condamner ces atteintes graves aux droits de la personne humaine, qui nous renseignent de la nature dictatoriale des décideurs de ce pays. Le FFS exige justice et vérité, et que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce décès». RCD : «Un crime, œuvre des autorités publiques» «L'interpellation arbitraire de Kamel Eddine Fekhar après le 22 février 2019, indiquait déjà que l'administration et l'appareil judicaire sont mus par les mêmes motivations qu'avant. Sa mort à l'hôpital de Blida, après une grève de la faim pour protester contre l'injustice qu'il a subit, démontre que rien n'a fondamentalement changé dans la conduite des affaires du pays. Le RCD, dont de nombreux militants du Mzab ont été victimes de l'arbitraire du système politique, dénonce et condamne ce crime, dont la responsabilité est l'œuvre des autorités publiques. Ils appellent les citoyennes et les citoyens à maintenir la mobilisation pour le départ du système politique et de tous ses symboles».