Le pape François reçoit lundi pour la première fois le président russe Vladimir Poutine, l'occasion d'aborder les relations entre catholiques et orthodoxes ainsi que les derniers développements au Moyen-Orient qui les rapprochent. Le chef de l'Etat russe n'est pas venu à Rome seulement pour Jorge Mario Bergoglio. Cette audience s'est ajoutée à une visite déjà programmée en Italie jusqu'à mardi. Premier des dirigeants des grandes puissances à franchir le seuil de la bibliothèque du pape argentin, à l'exception d'Angela Merkel, M. Poutine a déjà rencontré Jean Paul II en 2000 et 2003, et Benoît XVI en 2007. Le Vatican et la Russie entretiennent de pleines relations diplomatiques depuis 2009, après une longue période d'hostilité sous le communisme, suivie d'un laborieux rapprochement. Accompagné de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui a joué un rôle clé dans la négociation de l'accord nucléaire iranien à Genève, M. Poutine devrait rencontrer aussi le tout nouveau secrétaire d'Etat Pietro Parolin. La coordination des diplomaties du Saint-Siège et du Kremlin à l'ONU, au Conseil de l'Europe et à l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et la coopération culturelle seront à l'ordre du jour. Côté russe, on se félicite que "les liens entre Eglises catholique et orthodoxe aient été activés" pour accélérer un rapprochement. On souligne aussi que Moscou et le Vatican ont en commun "une attention particulière à la protection des minorités chrétiennes dans le nord de l'Afrique et au Moyen-Orient". Moscou, fort de ses percées diplomatiques --résolution sur les armes chimiques en Syrie et accord de Genève sur le programme nucléaire iranien--, œuvre dans le sens d'un multilatéralisme qu'apprécie le Saint-Siège. Le Kremlin s'est félicité que François "ait fait campagne contre une solution militaire pour résoudre la question syrienne", souhaitée un moment par Washington et Paris, et à laquelle s'opposait le Kremlin allié de Damas et de Téhéran. En septembre, le pape avait adressé une lettre au président Poutine, en tant que président du G20, pour demander une solution sans intervention étrangère. Même si le Kremlin et le patriarcat soulignent qu'ils ne parlent pas l'un pour l'autre, leurs liens étroits font que M. Poutine devrait évoquer les préoccupations de l'Eglise orthodoxe. Celle-ci reproche à l'Occident sécularisé d'avoir abandonné les chrétiens d'Orient, contrairement, fait-on valoir, à la Russie. Une pierre d'achoppement entre le Vatican et le patriarcat reste la question des grecs catholiques en Ukraine, pays que les Russes considèrent comme le berceau de l'orthodoxie. Les "uniates" ukrainiens ont suscité longtemps une haine séculaire des orthodoxes. Quand le métropolite Hilarion, responsable des relations extérieures du patriarcat de Moscou, a rencontré ce mois-ci François, un projet de rencontre historique dans un pays tiers entre le patriarche Kirill et François, que souhaite le Vatican, a sans doute été évoqué. Dans une interview lundi au quotidien Le Figaro, Hilarion explique que le "souhait de François de réformer la gouvernance de l'Eglise romaine vers une plus grande collégialité" et "son appel en faveur des chrétiens qui sont persécutés au Proche-Orient (...) recueillent le soutien de l'Eglise russe". "Tout cela, ajoute le métropolite, rend la possibilité d'une future rencontre entre le pape et le patriarche de plus en plus réaliste. Mais pour éviter qu'elle ne se réduise à un simple évènement protocolaire, son contenu doit être soigneusement préparé. Quant aux lieux possibles et à la date, aucune discussion bilatérale n'a lieu à ce sujet", a-t-il précisé. Selon le vaticaniste Andrea Tornielli de La Stampa, "l'insistance qu'a eu François de se présenter comme évêque de Rome et le fait qu'il affirme que l'Eglise catholique doit apprendre la collégialité de l'Eglise orthodoxe" ont été très appréciés. Selon cet expert, "un pape moins identifié à l'Occident et moins facilement associable à des stratégies de prosélytisme pourrait avoir plus facilement accès à Moscou".