Le nouveau patriarche grec-orthodoxe d'Antioche et de tout l'Orient, Youhana Yazigi, a appelé au dialogue pour mettre fin à la guerre en Syrie lors de son intronisation dimanche à Damas, sur fond de crépitement des armes automatiques. Les dignitaires des églises d'Orient, dont le cardinal maronite Bechara Boutros Raï, ont assisté à la cérémonie à l'église de la Croix sacrée, entourée de mesures de sécurité exceptionnelles: tireurs d'élite sur les toits, stationnement interdit, fouilles et portails magnétiques. "Nous avons la conviction que la Syrie -gouvernement et peuple- trouvera la porte du salut à travers le dialogue et une solution politique pacifique pour que s'écarte le nuage de violence et que le pays retrouve stabilité, tranquillité et paix", a déclaré le patriarche syrien qui a pris ses nouvelles fonctions sous le nom de Jean X. Mais dehors le langage des armes était entendu, l'église se trouvant non loin du quartier de Jobar où les combats opposent l'armée et les rebelles comme dans l'ensemble du pays en proie à un conflit qui a fait plus de 60.000 morts en près de deux ans selon l'ONU. "Dieu n'accepte pas que se brise la vie que nous partageons avec les non-chrétiens pour des causes politiques et parce que chez nous comme chez eux il y a des gens qui adhèrent à des tendances fondamentalistes n'ayant rien à voir avec la religion", a-t-il ajouté. Des invités triés sur le volet assistaient à la cérémonie alors que les autres fidèles pouvaient regarder la liturgie à l'extérieur sur un écran géant. Mgr Raï, arrivé samedi du Liban, et le patriarche catholique Gregoire Laham y étaient présents alors que les autres Eglises avaient envoyé des représentants de moindre importance. Les chrétiens syriens, qui représentent environ 5% des 23 millions de Syriens et sont en majorité orthodoxes, sont restés globalement à l'écart de la révolte qui s'est transformée en un conflit armé face à la répression menée par le régime de Bachar al-Assad. Le ministre pour les Affaires de la Présidence Mansour Azzam, considéré comme un conseiller très écouté de M. Assad et qui représentait le chef de l'Etat a embrassé Mgr Raï. La visite de Mgr Raï divise profondément les chrétiens libanais favorables et hostiles au régime de Damas, alors que Syrie avait exercé pendant quelque 30 ans une tutelle sur le Liban voisin avant d'en retirer ses troupes en 2005. Répondant aux critiques, le cardinal Raï, premier patriarche maronite à se rendre en Syrie depuis l'indépendance du Liban en 1943, a indiqué être venu pour "rencontrer les chrétiens et notamment les 60.000 maronites" et a souligné que l'église "est toujours contre la guerre et pour le dialogue". "La vie humaine est une valeur qui n'a pas de prix, tout ce qu'on appelle réformes, droits de l'homme et démocratie ne valent le sang d'un seul homme innocent", a dit le patriarche maronite dans son discours. Né il y a 57 ans à Lattaquié (nord-ouest) et élu en décembre au monastère de Balamand au nord de Beyrouth, le patriarche Yazigi est originaire de Mar Marita, la plus grande vallée chrétienne de Syrie. Il était le métropolite grec-orthodoxe de l'Europe de l'ouest et centrale.